Si la formation des enseignants diminue sensiblement le temps de présence face aux élèves, celle-ci est pourtant déterminante pour que les réformes mises en place aboutissent réellement aux transformations escomptées des organisations scolaires, et in fine à une plus grande réussite des élèves. Cependant, l’intention de circonscrire les temps de formation des enseignants aux seules périodes scolaires renverrait un signal très négatif aux enseignants quant à l’enjeu majeur que constitue la formation tout au long de leur carrière. En effet, leur formation continue doit leur permettre de s’adapter le mieux possible aux conditions scolaires toujours renouvelées. Sans formation, le risque serait de figer encore plus les pratiques enseignantes et d’amplifier chez eux le sentiment récurrent de doute et de malaise quant à un métier de plus en plus difficile à exercer.
Il est alors nécessaire de définir au sein même des écoles, des collèges et des lycées des projets de formation pluriannuels et pluridisciplinaires qui intègrent des périodes de formation des enseignants dans leur temps effectif de travail – et non pendant leurs vacances. Car la formation est un travail sur le travail qui gagne en efficacité en se déroulant sur le lieu même de l’exercice professionnel. Au Québec par exemple, le plan de formation des enseignants intègre 22 journées consacrées à leur développement professionnel. Celles-ci s’effectuent pendant des périodes de travail sans présence d’élèves (et donc sans perte d’heures de cours), mais aussi pendant des périodes scolaires organisées avec des modalités robustes de remplacement des enseignants. L’inclusion en France de quelques jours de formation en établissement sans la présence d’élèves permettrait de créer ces espaces/temps nécessaires au développement d’une culture commune autour des exigences scolaires et des gestes professionnels les plus efficaces pour enseigner.
Il s’agirait de formations collectives sur site à caractère obligatoire pilotées par des équipes inter-catégorielles (personnes-ressources de l’établissement, formateurs académiques, inspecteurs), sur un même thème professionnel négocié avec les enseignants (mise en place des rituels, travail par ateliers, usage des TIC pour l’apprentissage des élèves, etc.). Sans minorer les difficultés de tels projets, force est de constater l’impact significatif d’une réflexion collective pour une transformation effective des pratiques enseignantes à grande échelle. Ces modalités de formation sur les chantiers prioritaires d’un établissement pourraient être complétées par des modalités individuelles et diversifiées sur le registre cette fois du bénévolat pendant les vacances scolaires.
Si l’évaluation doit prendre en compte les différentes dimensions du métier (projet du ministère), la capacité des enseignants à se former tout au long de leur carrière mérite être priorisée, valorisée selon sa consistance et sa pérennité, pour aboutir, comme en Belgique, à une meilleure rémunération. Tout comme devraient l’être les capacités des enseignants à exercer d’autres fonctions en cours de carrière, comme par exemple l’accompagnement de leurs collègues débutants.
Luc Ria
Professeur des universités à l’Institut Français de l’Education de l’ENS de Lyon
Chaire Unesco « Former les enseignants au XXIème siècle »
luc.ria@ens-lyon.fr