L’offre de formation a-t-elle un effet sur les parcours des élèves ? La question posée au séminaire du Liepp Sciences Po, dirigé par Denis Fougère et Agnès Van Zanten, le 11 octobre, a notamment abordé une question hautement politique pour les conseils régionaux : celle de l’ouverture de nouveaux lycées. Quel genre de lycée faut-il ouvrir ? Pour quels effets et où ?
Leïla Frouillou,chercheure post doctorat à Paris 8, et Meryam Zaiem, doctorante au Crest, ont toutes deux travaillé sur l’Ile de France, une région particulièrement bien équipée en établissements d’éducation mais aussi où les inégalités sont importantes et donc les effets ségrégatifs puissants y compris dans le champ éducatif.
Comment les universités francilienne se partagent l’espace ?
Leïla Frouillou a travaillé sur l’offre universitaire de premier cycle. Où recrutent-elle leurs étudiants et sur quels critères. En principe chaque université devrait voir se dessiner autour d’elle une aire de recrutement délimitée par les temps de transport. Ce modèle théorique est globalement respecté. Mais les cartes et les entretiens réalisés par L Frouillou nuancent fortement le tableau.
Elle montre que les universités parisiennes s’affranchissent du recrutement local ne serait ce que parce que le réseau de transport radial les rend facilement accessibles depuis n’importe quelle partie de l’Ire de France. Mais elle met aussi en évidence les effets d’évitement lié à la réputation des universités. Les étudiants vont vers les universités qui leur semblent les plus conformes à leurs attentes. Celles-ci communiquent ne ce sens et se construisent des images qui se matérialisent dans des filières de formation. Ainsi le nombre de doubles licences est très important dans les universités qui se construisent une image élitiste. Certaines jouent sur l’entre soi. « Les étudiants de droit de Paris 1 ont des sacs Vuitton et leurs parents parlent à des gens du même milieu », remarque un étudiant. Ainsi se dessinent aussi une géographie d’universités plus populaires et accompagnantes dans les banlieues populaires.
Quel effet a l’ouverture d’un nouveau lycée sur le devenir des collégiens ?
Qu’en est-il des lycées ? Meryam Zaiem et Manon Garrouste (Lille 1) ont travaillé sur 4 cohortes de collégiens de 3ème pour observer leurs orientation post collège, leur éventuelle poursuite d’études quand la région ouvre un nouveau lycée. Comment l’offre scolaire locale impacte-elle les choix des collégiens ? Quel type de lycée faut-il ouvrir ?
Ce qui ressort de ses travaux c’est que l’ouverture d’un nouveau lycée général a très peu d’effet sauf dans les territoires où il n’y a aucun établissement privé.
Ce qui a un impact c’est l’ouverture d’un lycée professionnel. On assiste alors dans une hausse de 11% des poursuites d’études après la troisième. Elle touche les élèves les plus faibles.
Cette constatation a été longuement débattue au sein du séminaire. Pour Jean Christophe François, un géographe, l’ouverture d’un établissement nouveau a un effet attractif ne serait ce que parce qu’il n’a pas de réputation. Agnès Van Zanten a rappelé le poids de l’institutionnel au sein de l’éducation nationale. Quand on ouvre une nouvelle structure l’administration la remplit. Les conseils de classe y oriente le nombre d’élèves attendu.
Le raisonnement porté par la recherche part d’un a priori d’égalité entre les lycées. Mais en fait l’offre des lycées est très inégale et la différence d’effet entre LP et LGT tient peut-être aussi à cela. On sait par exemple que les lycées privés ont des aires de recrutement qui dépassent de beaucoup celle de la carte scolaire.
Une dernière question est soulevée par M Zaiem. Que deviennent les élèves qui ont poursuivi leurs études suite à l’ouverture d’un nouveau lycée professionnel ? La recherche ne dit pas qu’ils ont réussi ces études et qu’ils sont sortis diplômés.
La mandature régionale précédente a beaucoup travaillé sur le décrochage et la lutte contre la ségrégation sociale à l’école. La nouvelle s’y intéresse aussi puisqu’elle organisait le 17 octobre une journée contre le décrochage qui a mis en avant le développement de l’apprentissage.
La première souhaitait rééquilibrer l’offre scolaire en envoyant par exemple en banlieue des filières prestigieuses (CPGE, lycée international à Noisy le Grand), en ouvrant des lycées vraiment polyvalents. Le travail de M Zaiem donne à penser que la bonne réponse est l’ouverture de lycées professionnels et que lutter contre le décrochage s’adresse en priorité aux él-ves en difficulté scolaire. Mais la situation est peut-être plus complexe que cela.
François Jarraud