Impulsée depuis plus de 10 ans par l’idée même de socle commun, organisée avec un « conseil école collège » décidé en 2013 et bétonnée par la création d’un cycle commun allant du cours moyen à la 6ème, la liaison école collège devrait être installée dans la routine du système éducatif. Or tout le monde sait qu’il n’en est rien. Un rapport de l’Inspection générale publié le 3 octobre tente de comprendre pourquoi. Pour lui les « freins » , voire les « obstacles » ne sont pas structurels. Ils tiennent aux cultures professionnelles de l’école et du collège. Tout est histoire de professionnalité…
Une continuité mal assurée
Comment assurer la continuité pédagogique entre l’école et le collège ? Sous la direction de Marie Hélène Leloup et Pierre Lussiana, l’Inspection générale publie un rapport qui veut aller au fond des « freins » qui depuis 10 ans sapent la logique du socle commun, revigoré par la loi d’orientation de 2013.
Car ce que montrent les auditions et les visites menées par l’Inspection, c’ets la pauvreté des actions existantes. Si elles sont assez nombreuses, le rapport souligne leur pauvreté pédagogique. La liaison se limite souvent à une visite des cm2 au collège lors de « journées d’immersion » ou à des « défis » inter classes. Des dispositifs que le rapport ne méprise pas mais qu’il juge en dessous des exigences des textes et des besoins du système éducatif.
Les enseignants de cycle 3 » sont associés dans des configurations très variables (directeurs d’école avec, ou non, des maîtres de CM ; professeurs principaux de 6ème ou professeurs volontaires ou professeurs disponibles pour le collège) pour les actions de liaison qui relèvent d’obligations institutionnelles dans l’organisation du passage du CM au collège. Ils peuvent se retrouver aussi pour des animations ponctuelles préparant des projets, pour des productions d’outils (évaluations de fin de CM2 construites en commun par exemple) voire durant de courts stages, animations ponctuelles ou stages ne réunissant chaque année qu’une petite partie des professeurs potentiellement concernés par la continuité école ‐ collège ». Mais là aussi cela semble insuffisant au regard des enjeux d ela continuité. A noter que , selon le rapport, plus on monte dans la hiérarchie, moins il y a de rapprochement…
Regrouper école et collège n’est pas la solution
Ce qui est intéressant dans le rapport c’est qu’il tente de comprendre pourquoi la continuité est mal assurée et qu’il écarte d’emblée les facteurs structurels.
Un chapitre intéressant est consacré aux cités scolaires regroupant école et collège fréquentes dans l’enseignement catholique. On a là des organisations qui ont chacune statutairement un vrai chef d’établissement (un pour l’école et un pour le collège). Elles sont réunies dans les mêmes murs.
Et pourtant la continuité y est mas assurée. Comme dit le rapport » En s’affranchissant d’une vraie démarche de connaissance mutuelle quant à leur pratique professionnelle, les équipes se trouvent finalement ne pas tirer profit de la proximité géographique « .
Pour les rapporteurs, » l’existence d’ensembles scolaires communs premier et second degré ne jouerait pas un rôle significatif sur la qualité de la continuité école ‐ collège, qui à ce jour, se limite, dans la grande majorité des établissements concernés, à des échanges à faible impact sur la continuité des apprentissages ».
Le rapport semble donc écarter l’idée de grande école du socle, comme elle existe dans plusieurs pays européens (nordiques par exemple) comme facteur de continuité.
Les statuts permettent déjà les échanges de service
Le rapport écarte aussi les problèmes statutaires. Les professeurs des écoles disposent de l’enveloppe des 108 heures rémunérées et pas les professeurs du secondaire. Mais il est possible de s’organiser en amont et de doter les professeurs du secondaire d’IMP. Il relève aussi qu’il est possible statutairement d’échanger des services entre primaire et secondaire.
Pour le rapport, » les contraintes juridiques et organisationnelles sont apparues à la mission comme des éléments de l’existant dont il convient de tenir compte mais qui peuvent être surmontées moyennant une juste appréciation de ces dernières et une bonne anticipation organisationnelle au niveau du pilotage ».
Développer une nouvelle professionnalité
Le rapport met donc en avant les écarts culturels. » En réalité travailler à l’amélioration de la continuité implique la mise en oeuvre d’une professionnalité spécifique, jusque‐là peu développée », note-il. » L’harmonisation des pratiques entre l’école et le collège passe par un travail sur les progressions disciplinaires, une bonne maitrise de la construction et de l’évaluation des compétences du socle commun tout au long du cycle, l’harmonisation des pratiques de classe en matière de différenciation pédagogique et de construction de l’autonomie des élèves, notamment », quelque chose de complexe.
Pour les rapporteurs la solution est dans la formation des enseignants. Le rapport préconise » politique régulière de formation et d’accompagnement des équipes qui concerne chaque secteur de collège et porte sur des objets de travail concrets à partir des besoins des acteurs concernés ».
Il imagine » le développement d’un modèle de formation‐action sur une classe dite de « continuité école ‐ collège », classe ayant à mettre en oeuvre un projet privilégiant, soit des échanges de services, soit des séquences d’enseignement conjointes PE / PLC au bénéfice des CM2 de secteur si possible dans les locaux du collège, voire des classes mixtes « CM2 ‐ 6ème ».
Le rapport renvoie ainsi le système éducatif à sa culture et ses objectifs. Construire le pont entre l’école et le collège ne peut se décréter par circulaire. Ce sera long et difficile.
François Jarraud