Se former à la géologie alpine
Comment développer ses connaissances en été ? Sur le terrain. Du 21 au 27 août, 25 enseignants de SVT ont réalisé une géotraverse alpine. Organisée par l’APBG de Nantes, la semaine de terrain sur la formation d’une chaîne de montagne était encadrée par Thibaud Simon-Labric, géologue au Centre de Géologie de l’Oisans et chercheur associé à l’institut des sciences de la Terre de Grenoble. Le programme dense a notamment conduit les enseignants à étudier les célèbres ophiolites du Chenaillet, à réaliser une coupe géologique du Vercors, à découvrir le chevauchement de la Meije et même à échantillonner des roches métamorphiques en Italie. Nous y étions…
Structures et stratigraphies des zones interne et externe alpines
Le programme élaboré par Thibaud Simon-Labric en lien avec l’APBG de Nantes constitue une véritable formation basée sur une approche terrain. Chaque professeur a reçu un livret-guide contenant 48 figures explicatives ainsi que les publications scientifiques les plus récentes concernant la chaîne alpine. L’objectif annoncé de la semaine : permettre aux enseignants « de réaliser une coupe complète des Alpes occidentales aux latitudes de Grenoble et Briançon ». Frédéric Vidal, enseignant au groupe scolaire La Perverie (44), s’est inscrit « pour faire du terrain en géologie. Dès cette rentrée, je vais réinvestir ce contenu en classe de terminale S notamment sur la subduction et le métamorphisme. Le programme de la semaine était vraiment en phase avec mes cours ».
Munis de leur carnet de note et d’un appareil photo, les enseignants se montrent studieux et impliqués tout au long de la semaine. Le géologue, présent les 5 jours, est particulièrement disponible et répond aux nombreuses sollicitations minéralogiques et tectoniques des participants.
La carte géologique du secteur est de sortie à chaque arrêt et permet aux enseignants d’avoir une approche globale. « J’ai particulièrement apprécié la remise à jour de mes connaissances en tectonique sur la chaîne alpine » souligne Frédéric Vidal. Les enseignants n’ont évidemment pas manqué de prélever des échantillons de brèches, gypse, schistes bleus ou basalte dans des sacs plastiques numérotés et légendés. « Une mine pour présenter aux élèves la diversité pétrologique du secteur. »
Mutualisation des pratiques pédagogiques
La semaine est aussi l’occasion d’échanger sur les réalités des uns et des autres en établissement. Adèle et Jean-Michel, enseignants au lycée, prennent des notes et réalisent des photographies légendées sur tablette numérique. Pour eux, le gain de temps et l’atout pédagogique des tablettes sont évidents. A noter que cette formation itinérante n’est pas de tout repos : l’ascension du Chenaillet à 2650 m d’altitude et l’étude de la subduction océanique dans le Queyras ont sollicité les organismes. Soline Riaute, enseignante au lycée Raphaël Elizé à Sablé-sur-Sarthe, s’est inscrite pour « revoir des endroits connus et passer une semaine au grand air. Le contenu scientifique très actuel a totalement répondu à mes attentes. »
De Bourg d’Oisans à Briançon en passant par le célèbre refuge du col Agnel, les nuitées et repas en groupe permettent aux participants, moyennant environ 420 euros, de passer une semaine en immersion alpine. Françoise Marot, retraitée de l’enseignement et désormais impliquée dans la Société des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France, se déclare « ravie d’avoir rencontré les jeunes générations très sérieuses dans leur travail au cours de la semaine. »
Du Chenaillet à Dora Maira en Italie
Pour beaucoup d’enseignants, l’excursion en Italie pour étudier les roches métamorphiques du Mont Viso restera le moment le plus apprécié. L’étude des roches du domaine des éclogites reste particulièrement rare. A cela s’ajoute un détour dans la région de Cuneo pour apprécier les grenats centimétriques des quartzites de Dora Maira et ses célèbres coésites, témoins d’une subduction continentale. Les enseignants de SVT se retrouvent ainsi sur le lieu même où Christian Chopin, chercheur au CNRS, avait décrit pour la première fois en 1984 ces quartzites à coésite dans les Alpes italiennes.
Cette semaine est ainsi l’occasion pour tous de se rendre compte de la nécessité de continuer à se former même après les concours. Soline Riauté pense avoir progressé sur de nombreux aspects en géologie : « le lien entre climat et érosion des chaînes de montagnes, la remontée des roches de haute pression ainsi que les différences entre l’ophiolite du Chenaillet et l’ophiolite classique telle qu’elle est présentée dans les manuels scolaires ». L’enseignante pense réinvestir en classe de terminale certaines notions telles « le gradient métamorphique vers l’est, le lien coésite et subduction continentale ou encore le panorama du Lautaret pour la structure en nappes (notions de chevauchement et de contact anormal) ».
Jean-Michel Richardeau, enseignant au lycée Notre-Dame d’Espérance de Saint-Nazaire (44) conclut : « J’enseigne la géologie des Alpes depuis 20 ans à travers des photos de sites célèbres comme le Chenaillet ou le Mont Viso que l’on trouve dans tous les manuels de Terminale. J’ai enfin pu les voir en vrai et apprendre à reconnaître une serpentinite. Cette semaine d’auto-formation, gratuite pour l’Education Nationale, me permet de mieux maîtriser encore cette partie du programme. »
Julien Cabioch
Centre de géologie de l’Oisans
Photographies de la semaine alpine
Institut des Sciences de la Terre
Espace-Education : 100 enseignants en formation avec le CNES
Comment se former au spatial avec le CNES ? Tous les 2 ans se tient l’université d’été Espace-Education à la Cité de l’Espace de Toulouse. Proposée par le Centre National d’Etudes Spatiales et « sur la base des programmes en vigueur de collèges et de lycées », cette formation a rassemblé 100 enseignants du second degré du 11 juillet au 15 juillet 2016. Que font ces professeurs durant leur semaine ? Pour quel réinvestissement par la suite en classe ? Le Café Pédagogique s’est entretenu avec 3 participants revenus ravis de leur semaine :
Benjamin Didier, enseignant de SVT au collège Jules Michelet de Tours (37)
Laure Mercier enseignante de SVT dans l’académie de Clermont-Ferrand ( )
Sabrina Ben Brahim, enseignante de sciences-physiques au lycée Edgar Quinet (75)
Comment résumez-vous cette université d’été Espace-Education ?
BD : L’université d’été est pour moi une très belle expérience, très intense, mais d’une richesse incroyable aussi bien humaine qu’intellectuelle.
LM : Cette université d’été, la première pour moi, a été un grand moment de partage, riche en apport de connaissances et en découvertes techniques. La semaine était organisée autour d’ateliers co-disciplinaires et disciplinaires, et de conférences. Une soirée d’observation à l’observatoire de Jolimont a permis de découvrir l’historique (lunettes, télescope, méridienne) et d’observer au télescope T83 Saturne et la Lune. Une grande partie des ateliers était consacrée à l’utilisation des images satellites, sur le logiciel Qgis.
SBB : Ce fut une expérience intense et riche, tant sur le plan des rencontres que sur celui des contenus.
Quels thèmes avez-vous appréhendé au cours des ateliers, visites et conférences ?
BD : Les thèmes étaient nombreux, tous basés sur le spatiale et l’observation de la Terre depuis l’espace. Les TD étaient principalement sur l’utilisation des images satellites et de l’observation de la Terre et ce que l’on peut en faire en disciplinaire et en co-disciplinaire à l’aide du logiciel Terr’Image développé par le CNES. Les Conférences présentées par des scientifiques passionnés avaient comme thème l’espace. La préparation de la mission de Thomas Pesquet dans l’ISS par Remi Canton, une autre sur le développement d’un sismographe (SEIS) par Philippe Laudet destiné à l’étude du sol Marsien, et la plus renversante était la conférence par Jean-Pierre Bibring sur la mission Rosetta et la fabuleuse aventure de Philae !
Les visites portées sur l’observation du ciel depuis la Terre dans l’observatoire de Jolimont avec des explications sur l’histoire de l’astronomie et des appareils associés (lunettes, télescope…) et une belle observation de Saturne. Enfin, la visite d’un site d’Airbus Defence&Space où nous avons eu la chance d’entrer dans les chambres blanches où s’effectue l’assemblage de satellites. Nous y avons vu également les différentes étapes de tests avant lancement, une visite incroyable !
LM : J’ai participé aux ateliers co-disciplinaires :
– « déforestation et impacts sur les écosystèmes amazoniens et caraïbes » (HG/SVT) au cours duquel il était principalement question des arrivées de Sargasses sur les littoraux
– « La vie ailleurs » (PC/SVT), dans lequel on a pu se poser de question de l’habitabilité des planètes, et des recherches associées sur Mars
-« la gestion des risques » (maths/SVT), avec utilisation des logiciels scratch et géogebra.
Parmi les ateliers disciplinaires :
– « exploration des écosystèmes depuis l’espace », avec Qgis et des images du satellite Pléiade (résolution 0,70m pour un pixel).
– « Espace et géologie : mesure de la déformation depuis l’espace », ou comment l’interférométrie radar permet de mesurer des déformations.
SBB : Au cours des conférences, de nombreux thèmes liés à l’actualité spatiale ont été abordés :
– Le programme Copernicus (programme d’infrastructure européen centré sur l’observation de la Terre avec – notamment – les satellites Sentinel)
– La mission Proxima de Thomas Pesquet, qui va rejoindre l’ISS (station spatiale internationale) au mois de novembre, pour une mission de 6 mois, avec de nombreux enjeux scientifiques et pédagogiques
– Les résultats de la mission Philae et l’enjeu global de cette mission, présentés par le célèbre astrophysicien Jean-Pierre Bibring
– Les missions martiennes, et notamment la présentation du sismomètre (SEIS, fabriqué par le CNES) qui sera embarqué lors de la mission Insight, en 2018
– Un bilan de la COP 21 et un point sur le changement climatique.
Que pensez-vous réinvestir en classe l’an prochain ?
BD : A la rentrée, au collège Michelet, nous nous lançons dans un cours de Sciences et Technologie. Je serai donc professeur de Sciences et Technologie pour une classe de 6e et nous avons comme projet de concevoir un voyage vers une planète du système solaire, certainement Mars. Du coup, les thèmes abordés et les connaissances acquises pendant les UE2016 vont me permettre d’être plus à l’aise sur ces sujets. Cela m’a donné également des idées d’activités associées au travail du CNES et que l’on retrouve sur leur site internet en passant par le portail Eduthèque.
LM : Je pense utiliser le logiciel Qgis pour générer des documents pour certaines activités, notamment dans le cadre d’un EPI sur la gestion de l’eau, niveau 5eme. Si le réseau du collège le permet en terme de puissance, j’aimerais faire utiliser le logiciel Qgis aux élèves sur des documents simples, tout au long des 4 années du collège, comme j’ai tous les niveaux. Ils utilisent les images satellites déjà en géographie, mais cela permettrait de leur donner du concret, et de comprendre comment les teintes particulières de certaines images sont obtenues.
SBB : Je pense aborder le thème « l’homme dans l’espace » en MPS, avec le suivi de la mission Proxima de Thomas Pesquet. J’utiliserai donc abondamment ce qui a été vu lors de l’atelier « la vie ailleurs ? » et lors de la conférence liée à cette mission.
D’autre part, je vais réinvestir de nombreuses activités en 2nde pour l’étude du thème « L’Univers » (notamment sur les comètes et astéroïdes). Enfin, nous avons découvert au cours de ateliers une multitude de logiciels qu’on peut utiliser avec les élèves lors des séances de travaux pratique (Google Mars, Solstice, SolarWalk, Géogebra, animations Phet).
Comment avez-vous eu l’information concernant cette formation ? Quelles sont les démarches nécessaires pour s’y inscrire ?
BD : Je travaille en tant qu’enseignant chercheur à l’IFE (rattaché à l’ENS Lyon) et j’ai comme collègue Aurélien Augier qui était formateur aux UE2014, il m’en a parlé et cela m’a motivé à postuler. J’ai donc envoyé un mail à mes IA-IPR, Michel Khairallah et Jean-Marc Vallée pour me porter candidat. J’ai enfin validé ma candidature auprès des organisateurs.
LM : J’ai eu l’information par le secrétariat de mon collège. Je me suis pré-inscrite en novembre, en faisant passer ma candidature par mon chef d’établissement, au CNES.
Par la suite, j’ai été prévenue par J.M. Martinuzzi, du CNES, que l’UE passait au Plan National de Formation, et que je devais renouveler mon inscription, en passant cette fois-ci par mon IPR. Je n’ai pas été prise au PNF (60 places), mais ensuite j’ai pu candidater en « candidat libre » (40 places) et j’ai eu la chance d’être sélectionnée.
SBB : J’ai reçu un mail de la part du secrétariat de mon établissement, adressé à l’ensemble des profs de SPC, maths, SVT et histoire-géographie. J’y ai répondu rapidement.
En quoi cette université d’été était un temps d’échanges et de rencontres entre professionnels de l’éducation et scientifiques ?
BD : Les échanges sont permanents entre collègues de notre discipline, mais également des autres disciplines présentes (Maths, Physique, SVT, Histoire). Avec les Scientifiques qui assurés les conférences, nous avions un temps de questionnement qui permettaient d’approfondir le sujet ou de revenir sur des points abordés pendant l’exposé.
LM : La journée était organisée en ateliers, animés par des enseignants et des personnes du CNES. Les échanges étaient vraiment très intéressants, et permettaient d’apporter de la pédagogie au scientifique et inversement…
Les repas du midi permettaient également de nombreux échanges, ainsi que les visites : Airbus Defense & Space, CNES, MEDES (partie du CNES qui travaille sur les conséquences des vols spatiaux sur l’organisme) et CLS (projet Argonautica).
J’ai longuement discuté avec un ingénieur travaillant au sein du groupe THALES, qui participait à l’atelier « ballons » et encadre le projet « un ballon pour l’école ». Son parcours professionnel et ses missions étaient passionnants. En bref, une Université d’Eté vraiment enrichissante, dans un cadre approprié avec des formateurs tous passionnés.
J’espère vraiment pouvoir participer de nouveau à une université d’été. L’université d’été Mer Education m’intéresse beaucoup, alors je pense candidater une prochaine année.
SBB : Nous avons passé une semaine entière immergés à la Cité de l’Espace, nous avons donc rapidement tissé des liens entre collègues, notamment au cours des ateliers où les mises en activité étaient propices aux échanges entre pairs. Les repas et sorties furent également propices à renforcer ces liens.
Enfin, les professionnels que nous avons rencontrés étaient toujours très disponibles pour répondre à nos questions ou nous laisser leurs coordonnées pour un échange décalé dans le temps.
Entretiens par Julien Cabioch
Dans le Café : 100 profs se forment au spatial