La Refondation va-t-elle se clore avec les questions sur laquelle elle s’est ouverte en 2012 ? Le rapport publié par le Cnesco le 26 septembre adresse à l’Education nationale un triple défi. Trois questions fondamentales que le ministère a fui en 2012 et qui lui reviennent au moment où la Refondation se clôt. Trois questions pour un futur programme de la gauche ?
Une question faussement tranchée en 2012
Le plus important défi c’est celui de l’éducation prioritaire. La rapport du Cnesco a beau jeu de montrer le poids des inégalités sociales dans l’école française. Il montre aussi que cet écart entre favorisés et défavorisés va croissant.
Le plus important c’est que rapport montre aussi que la politique suivie est un leurre. L’éducation prioritaire ne bénéficie pas de moyens réellement supplémentaires même si la récente menée par le gouvernement n’est pas nulle. Au contraire, les jeunes des établissements prioritaires ont des conditions d’enseignement qui restent dégradées par rapport à celles des quartiers favorisées. Et , plus grave, cela a à voir avec la labellisation « prioritaire ».
Sur ce point, le rapport revient sur un débat qui a eu lieu au début de la Refondation dont Nathalie Mons a été un des principaux acteurs. Le 9 octobre 2012 c’est elle qui présente le rapport de la Concertation sur l’Ecole, en Sorbonne, au président de la République. Et ce rapport invite à supprimer le label « éducation prioritaire ».
La réflexion de la Concertation c’est qu’à la place du label, qui fait fuir les classes moyennes des établissements, il faut mettre en place une gestion des moyens des établissements qui prenne en compte les difficultés scolaires et les inégalités sociales. On obtiendrait ainsi une gestion souple de la réalité des inégalités.
Ce 9 octobre 2012, François Hollande promet « l’aide personnalisée aux établissements ». Mais les arbitrages finaux vont dans un autre sens sous la pression de syndicats et d’associations, comme l’OZP. Et l’éducation prioritaire est finalement maintenue au prix d’une restructuration.
Des certitudes jamais évaluées
Le second défi concerne la façon de conduire les réformes de l’Education nationale. Le Cnesco a beau jeu là aussi de montrer que les mêmes politiques, actionnées par les mêmes bureaux, sont instillées depuis plus de 20 ans sans jamais donner de résultats et sans jamais être évaluées dans une totale irresponsabilité.
« C’est, à la fois, la méthode sous-jacente aux réformes et la forte croyance dans des orientations politiques, non étayées scientifiquement qui expliquent la faible efficacité de l’action publique éducative en France, en matière de justice sociale à l’école », écrit N Mons. « La méthode de réforme devient de plus en plus singulière en France alors que les compétences en conduite du changement politique progressent à l’étranger. Une analyse synthétique des réformes conduites depuis trente ans montre qu’elles présentent de nombreux points communs : une faible autorité scientifique des mesures proposées…, ce qui favorise leur contestation par les acteurs de terrain peu convaincus ; peu d’expérimentations des réformes fondées sur des protocoles scientifiques solides et conduites à des dimensions territoriales significatives avant de les étendre à l’échelle nationale ; quasiment aucune évaluation scientifique des effets des dispositifs mis en place ; des formations continues des enseignants centrées étroitement sur des dispositifs précis plutôt qu’une formation large à des compétences en pédagogie et en didactique; un cumul des dispositifs et des mesures qui conduit dans le temps à une action publique illisible pour les acteurs de terrain, les parents et les élèves eux-mêmes ».
Le défi ethnique
Enfin le Cnesco met l’Education nationale devant un nouveau défi qui croit sous nos yeux : le défi ethnique. Les travaux de G Felouzis ont beaucoup fait avancer la réflexion sur ce point. Le rapport montre que le fait d en ne pas être natif est déterminant pour l’orientation et l’avenir scolaire d’un enfant. L’inégalité de résultat n’est plus liée directement à la situation sociale de l’enfant non natif. Celle ci peut s’améliorer sans que pour autant la situation scolaire suivre.
G Felouzis a montré que cette situation est systémique. C’est le fonctionnement même de la machine scolaire qui produit ce résultat qui la prend à rebours de ses valeurs.
Alors que la ministre et F Hollande testent des éléments d’un futur programme, le rapport du Cnesco inscrit dans ce débat des questions qui interrogent le bilan de la gauche mais qui aussi vont peser sur un nouveau programme pour l’après 2017.
François Jarraud