L’éducation nationale est-elle capable de susciter l’innovation en ses rangs ? A l’occasion du lancement des Instituts Carnot de l’éducation, des structures de construction de projets communs entre monde scolaire et monde de la recherche, le 26 septembre, la ministre annoncera une relance du CNIRE (Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative ». Un décret publié le 25 septembre montre une ré-institutionnalisation de cette structure.
Qui connait le CNIRE ?
CNIRE : qui connait le sens de cet acronyme ? Lancé en mars 2013, le Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative est vite devenu une structure morte. Sa dernière apparition a eu lieu en 2014 où le CNIRE a publié un rapport sur l’inspection. Depuis son activité s’est limitée à un communiqué de soutien à la réforme du collège.
En mars 2013, G Pau-Langevin, ministre de la réussite éducative à l’initiative du CNIRE, nous avait dit que » Le conseil encouragera les gens qui n’osent pas affronter la hiérarchie ». Elle avait fixé u cadre au conseil : la réussite éducative dans les quartiers populaires. Et organisé l’équilibre à l’intérieur entre ses membres pour que ce cadre soit présent : siégeaient au conseil le DG de l’Agence nationale de cohésion sociale, un préfet à l’égalité des chances aux cotés des représentants de différents ministère. « Notre conseil traite de la réussite éducative. C’est pour cela qu’on a confié la présidence à un sociologue qui ne travaille pas pour et sur l’éducation nationale, à quelqu’un qui connait bien les quartiers populaires. Il aura un regard extérieur sur ce que l’éducation nationale doit faire pour assurer la réussite des jeunes en difficulté. Nous avons voulu quelqu’un qui ait une totale liberté de pensée, quelqu’un qui ne soit pas du sérail », précisait-elle.
Pourquoi modifier le Cnire ?
Cet équilibre est modifié par un décret publié le 25 septembre. Le texte diminue le nombre des membres hors éducation nationale pour renforcer celui des chefs d’établissement secondaire et faire entrer le directeur de l’ESEN et un directeur d’ESPE. Il associe le Conseil supérieur des programmes et le Conseil Economie Education (CNEE) aux travaux du Cnire.
Pourquoi ces modifications ? L’initiative de N Vallaud-Belkacem a probablement plusieurs origines. D’abord la commande de F Hollande. Le 8 septembre, le président de la République a lancé le thème de l’innovation pédagogique. « L’ambition qui doit nous guider, c’est de permettre à l’école d’accomplir pleinement sa mission, en la rendant plus juste, plus innovante, plus ouverte sur la société, parfois plus autonome même pour décider de ce qu’elle a à engager », a-t-il déclaré.
Mais une autre urgence accompagne ce mouvement. La rentrée st marquée par plusieurs livres à succès qui dénoncent l’immobilisme de l’Education nationale et se présentent, souvent à tort, comme porteurs d’innovation. Le ministère réagit à cette pression en se portant sur ce sujet.
En même temps, la ministre annonce vouloir confier à un universitaire, ancien membre du HCE, François Taddei, une mission « afin qu’il propose de nouveaux modes d’organisation et de coordination pour développer et piloter des politiques de recherche et d’innovation dans notre système éducatif ».
Ce qui compte c’est comment l’innovation arrive
L’histoire des rapports entre l’innovation et le ministère de l’éducation nationale a toujours été compliquée. Un premier conseil, le CNIRS, n’avait pas survécu à l’alternance politique et à Luc Ferry. Jugé trop indépendant, le ministre l’avait fait passer sous contrôle de la Dgesco ce qui avait entrainé sa disparition.
Le Cniré a toujours été sous contrôle de la Dgesco qui en assure le secrétariat. Le renforcement de la part des fonctionnaires du ministère va le renforcer et l’isoler davantage des acteurs sociaux.
Pourtant l’innovation pédagogique est bien présente dans les classes. Le Café pédagogique en donne chaque jour des témoignages. Mais elle a de la peine à exister officiellement dans un ministère avec une culture hiérarchique aussi forte que l’Education nationale. Elle est aussi confondue avec les expérimentations officielles. Enfin elle doit faire face au mythe des « bonnes pratiques » duplicables qui sévit rue de Grenelle.
« Ce qui compte c’est comment l’innovation arrive », a écrit l’OCDE dans une réflexion de 2014. « Le déficit de pouvoir donné au acteurs de terrain explique l’échec de nombreuses innovations », expliquait Dirk Van Damme, responsable de l’innovation à la Direction de l’éducation de l’Ocde. Pour lui, le controle bureaucratique accentué dans les systèmes éducatifs peut conduire à des changements temporaires mais s’oppose au changement durable. Pour permettre l’innovation, les ministres doivent trouver de nouvelles façons de diriger que la voie bureaucratique, estime l’OCDE…
François Jarraud