« J’avais un autre handicap : j’étais bon élève ». Le 23 septembre, la Fnaseph, une fédération d’associations de parents d’enfants handicapés, fêtait ses 20 ans. Sur une génération, la place du handicap dans la société française a beaucoup changé. Mais la scolarisation dans le secondaire reste encore difficile. Et la Fnaseph s’attaque maintenant à l’accompagnement vers l’emploi. Un nouveau défi « sinon la loi de 2005 aura échoué », nous a dit Sophie Cluzel.
Des témoignages dérangeants
« Quand ma fille a eu son second CAP, on a compris qu’au delà de cette limite le ticket n’est plus valable », explique la maman de Léa, une jeune fille handicapée. C’est un des témoins réunis par la Fnaseph à l’occasion des 20 ans de l’association.
Pour l’école le témoignage le plus fort est peut-être celui d’Etienne, un jeune mal entendant devenu ingénieur en informatique. « Au début on est très accompagné par une institutrice spécialisée et ses parents. Quand on arrive au collège, les enseignants disent qu’on est surprotégé. Et moi j’avais un autre handicap : j’étais bon élève. Les gens ne se rendent pas compte des efforts qu’on fait ».
La journée a commencé par une conférence de Charles Gardou, anthropologue et professeur à l’Université Lumière Lyon 2. « Souvent on parle de façon maladroite d’inclusion qui renverrait à l’idée d’inclure un élément étranger dans l’école. Mais il ne s’agit pas de faire de l’inclusion. Il faut travailler l’école pour la flexibiliser pour que chaque enfant y trouve sa place. Ce qui veut dire ne plus être obsédé par les normes », nous a-t-il dit. Pour lui, « c’est avant tout une affaire de culture. Pour modifier l’école, il faut y préparer les acteurs. Il faut de la formation pour accompagner le changement du métier ».
Pour Sophie Cluzel, présidente de la Fnaseph, les efforts à fournir dans l’Ecole visent surtout le secondaire. L’éducation nationale doit améliorer la formation.
On fête les 20 ans de la Fnaseph. Mais vous parlez encore de « sortir de la galère ». En 20 ans il n’y a pas eu de changements ?
Il y a eu de grands changements en 20 ans. Le paysage a beaucoup changé. Le handicap a obligé les enseignants à travailler ensemble. D’une certaine façon le handicap est précurseur de la réforme du collège. Mais ce n’est pas encore la fluidité du pré scolaire et maintenant on s’attaque à l’après scolaire. C’est à dire l’accès à l’emploi. Il faut inviter l’accompagnement à l’emploi. Sinon la loi de 2005 aura échoué.
Sur le plan scolaire les retards sont où ?
C’est encore très compliqué au lycée. Quand l’enfant atteint 14 ans il y a encore de fortes pressions de l’environnement scolaire ou de la MDPH pour que l’enfant soit orienté en IM Pro. Et pour ceux qui accèdent au lycée une culture handicap qui n’est pas encore là.
Au collège c’est mieux ?
Au collège aujourd’hui ce qui nous soucie c’est le maillage des ULIS qui n’est pas encore à la hauteur des besoins. Ensuite la problématique du portage des projets personnalisés au sein du collège ou du lycée est encore problématique. Ca marche quand le chef d’établissement est impliqué. Sans cette dynamique on a du mal à ce que les informations spécifiques d’adaptation soient transmises d’un professeur à l’autre.
Ce qui nous inquiète c’est la formation initiale. Les enseignants ne savent pas comment faire. Et on n’a pas de visibilité sur ce qui est fait en ESPE. Donc les enseignants restent assez démunis. C’est l’énergie d’un chef d’établissement, d’un CPE, d’un professeur principal qui peut faire la différence. Mais c’est encore souvent au parent d’aller expliquer à chaque professeur. La diffusion des besoins spécifiques et encore très difficile. CE qui génère beaucoup d’essoufflement dans la poursuite des études. C’est par usure sociale que les parents baissent les bras.
Aujourd’hui quels sont les handicaps pour lesquels il y a le plus de difficultés à l’école ?
Ce sont les troubles des apprentissages et les troubles des fonctions cognitives. La multiplicité de ces troubles avec leur grande diversité nécessite beaucoup de formation et d’analyse de pratiques. Il y a un énorme effort à faire pour l’éducation nationale pour former les enseignants.
Quel programme pour les prochaines années ?
On va se battre pour la reconnaissance de l’expertise parentale car c’est un énorme gain de temps. Apprenons aux parents à exprimer les besoins spécifiques de l’enfant et travaillons sur les maillages de sortie de lycée pour ces jeunes. Là il faut un maillage de compétences entre l’Education nationale, les centres de formation et les collectivités locales. Et enfin avec l’entreprise : il va falloir qu’elle se rapproche encore plus du lycée.
Propos recueillis par François Jarraud