Si le paysage parle au géographe, les paysages urbains peuvent -ils apprendre la sociologie ? C’est l’expérience des « balades sociologiques » que pratiquent déjà des enseignants de SES et parmi eux Florence Aulanier. Cette pratique de classe va trouver une nouvelle destination les 18 et 25 mars dans plusieurs villes françaises à l’occasion des « 50 ans des SES » organisés par l’Apses.
A l’appui des balades sociologiques, il y a bien sur le remarquable livre de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, « Paris. Quinze promenades sociologiques » (Payot). Ils ont démontré qu’une lecture habile des paysages urbains permet de décrypter une société.
Professeure de SES à Clermont de l’Oise, Florence Aulanier organise depuis une quinzaine d’années des « balades sociologiques » avec ses élèves. Cette initiative va être reprise dans les grandes villes françaises à destination du grand public en mars pour fêter les 50 ans des SES. Florence Aulanier explique comment cette pratique s’est installée dans son enseignement et comment ces balades sont vécues par les élèves.
La sortie balade sur le terrain c’est une activité pédagogique de géographie. Que peut-elle apprendre en sciences économique set sociales ?
Il y a des marqueurs sociologiques partout. Et en SES on veut que les élèves acquièrent des réflexes sociologiques. Les élèves découvrent aussi ce qu’est une enquête sociologique. Pour faire une balade sociologique il faut être capable de parler aux gens. Les élèves font des rencontres extraordinaires. Par exemple, lors d’une balade dans le quartier du Marais à Paris, un groupe a été invité à déjeuner avec le patron chez Goldenberg (un célèbre restaurant juif). A Barbès très souvent ils sont invités par des commerçants à prendre le thé. Ils découvrent un peu ce qu’est le métier de sociologue.
Mais est-ce utile pour leurs études ?
Même si la culture n’est plus inscrite dans les nouveaux programmes, la sociologie est toujours au programme ! Ils doivent toujours comprendre ce qu’est un groupe social.
Enfin le lycée est là aussi pour les former en tant que citoyens. Et ces balades sont une arme excellente pour balayer les stéréotypes. Les balades à Barbès (un quartier populaire de Paris) fonctionnent très bien sur ce point. Les élèves travaillent sur le quartier en lien avec le cours de français où ils étudient Nana de Zola. Souvent les élèves de Clermont ont peur d’aller dans ce quartier présenté par la télévision comme dangereux.
Sur place ils voient des mères de famille, ils discutent avec les commerçants. Ils sont finalement mieux accueillis que les groupes qui travaillent sur le 16ème arrondissement ! A Barbès il découvrent la force des clichés. Et parfois aussi qu’eux mêmes peuvent devenir des objets de curiosité sociologique.
Comment se passent ces balades ?
C’est d’abord une préparation importante. Les élèves ont un important dossier documentaire sur le quartier . Ils ont comme consigne de réaliser un rallye photo illustrant les caractéristiques sociales du quartier. Ils ont donc à observer, à interroger, à s emettre dans la peau du sociologue.
Les balades sociologiques sont emblématiques de notre démarche qui met l’élève au centre. Tous les élèves peuvent réussir ces balades même ceux qui ont des difficultés d’expression écrite puisqu’on leur demande un rallye photo. Elles ont donc un role aussi pour impliquer les élèves et changer leur regard sur le travail en SES.
L’Apses veut généraliser cette démarche. Pourquoi ?
L’Apses veut montrer à tout le monde ce qu’est la démarche des SES en proposant quelque chose de plaisant. Les 18 et 25 mars , des kits pédagogiques seront mis en ligne. Surtout, des professeurs de SES proposeront au public de réaliser des balades urbaines pour regarder leur ville autrement. On observera aussi des entreprises et l’économie aura sa part. On est donc bien dans une démarche de SES associant la sociologie et l’économie.
Propos recueillis par François Jarraud