Il y a des différences d’argumentation et de ton. Mais le Snuipp Fsu et le trois syndicats Fsu du secondaire (Snes, Snep et Snuep) engagent le fer contre le projet ministériel d’évaluation des enseignants. Un projet lui-même lié à la revalorisation des carrières enseignantes prévue par le protocole PPCR (Parcours professionnels, carrières et rémunérations).
Méfiance et culture égalitaire
Le Snuipp, premier syndicat du primaire, avait prévenu avant l’été qu’il consulterait les enseignants sur leur évaluation. Le 19 septembre il a publié les résultats de la consultation qui a touché 10 000 professeurs des écoles.
Deux conclusions s’en dégagent. La première c’est la méfiance envers les inspecteurs, ou plutôt l’inspecteur qui , dans le projet ministériel, sera le seul évaluateur des enseignants. La seconde c’est que les professeurs des écoles souhaitent dissocier carrière et évaluation et qu’il tiennent à la même carrière pour tous.
La nouvelle évaluation proposée par le ministère prévoit 4 rendez vous de carrière prévisibles seulement. L’évaluation se fait à l’aide d’une grille nationale, la même pour tous, remplie par l’inspecteur que le Café pédagogique a publié le 16 septembre. Ces 4 rendez vous permettront la promotion d’un tiers des enseignants qui avanceraient plus vite que les autres. Le Se-Unsa , favorable à la réforme, a calculé que les deux premiers rendez vous se traduiraient par un gain de 3000 € pour les heureux élus. On est loin des fortes inégalités du système actuel où certains enseignants sont très rarement inspectés et avancent lentement alors que d’autres caracolent et accumulent les hausses de salaire. Et où les critères d’évaluation sont aussi variables que le lubies des inspecteurs…
C’est sans doute ce qui explique le premier enseignement de l’enquête du Snuipp. Selon elle, huit enseignants sur dix ne sont pas satisfaits du système actuel d’évaluation. Ils demandent de l’aide et de l’accompagnement. Neuf sur dix demandent un meilleur cadrage national des inspecteurs.
Mais une proportion équivalente est aussi hostile à l’idée d’être évaluée par un seul inspecteur. Ils sont aussi contre le « bilan professionnel » que l’enseignant pourrait renseigner avant l’évaluation pour présenter ses activités. Ce bilan est perçu comme une charge de travail supplémentaire, explique le Snuipp.
Ce qui est particulièrement intéressant c’est la dimension égalitaire que les enseignants du primaire veulent donner à leur métier : 53% ne souhaitent pas que l’évaluation soit un moyen pour certains enseignants d’avoir une meilleure carrière. 60% jugent que les compétences de la future grille ne sont pas suffisamment centrées sur le coeur du métier.
Pour le Snuipp, » L’évaluation doit être déconnectée de la carrière. Il ne doit pas y avoir de mise en concurrence des personnels, mais au contraire une volonté de faire progresser l’école en renforçant le travail en équipe et la confiance dans l’investissement quotidien des enseignants. »
Ramener l’évaluation sur le coeur du métier
C’est maintenant au tour des syndicats Fsu du secondaire, le Snes, le Snep et le Snuep, de lancer une consultation des enseignants sur l’évaluation. Mais dès maintenant, ils reprochent au projet ministériel plusieurs points. Ils insistent sur le fait que l’évaluation devrait se cantonner à l’acte d’enseignement, alors que la grille envisage toutes les dimensions du métier. » Le ministère met en place une grille de compétences qui risque de détourner l’évaluation du cœur du métier, les problématiques d’apprentissage », écrivent-ils. » Elle doit être revue afin de centrer l’évaluation sur l’essentiel : la relation didactique et pédagogique du professeur avec ses élèves au cours de l’enseignement ». Et c’est cette idée qui fait condamner le bilan profesionnel accusé de » survaloriser les activités périphériques à l’acte d’enseignement. Cet exercice, formel et étranger à la culture professionnelle des enseignants, ne permettrait pas d’évaluer la réalité du travail enseignant ».
Interrogée par le Café pédagogique, Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe, explique que les activités autres que l’enseignement dépendent des équipes et que l’enseignant ne choisit pas son équipe. Les enseignants auraient du mal à écrire le bilan professionnel et à décrire leurs activités.
Un calendrier qui impose une décision rapide
En multipliant les consultations les syndicats prennent le risque de retarder la mise en place de la revalorisation liée à l’accord PPCR. Or cet accord prévoit une nette revalorisation des carrières pour hisser les enseignants français dans la moyenne de l’OCDE dont ils sont aujourd’hui éloignés. Les gains du PPCR sont plus importants pour les enseignants du primaire que du secondaire et pour les enseignants en milieu de carrière. Pour le gouvernement, retarder le PPCR c’est aussi perdre le gain électoral d’une revalorisation très attendue. Le temps ne joue pas pour le compromis… En septembre 2015, Manuel Valls avait annoncé que l’accord PPCR Fonction publique serait appliqué même s’il n’était pas signé par une majorité de syndicats de la fonction publique.
François Jarraud