Il l’a assez dit Roland Goigoux dans sa grande étude Lire Ecrire : on ne travaille pas assez en classe la compréhension. Et tous les manuels se valent là dessus. Alors Charlotte Bruno, Julie Meunier et Delphine Imeneuraët, trois blogueuses bien connues des instits, se jettent à l’eau et réalisent ce qui pourrait bien devenir LA méthode 2016 pour le CP. Bravo les filles !
Enseigner la compréhension en CP
De la longue étude de Roland Goigoux, un enseignement majeur se dégage : on ne travaille pas assez la compréhension en CP. Et on la travaille que partiellement, à travers la réalisation de travaux d’écriture qui sont ensuite corrigés. Mais on passe peu de temps à apprendre aux enfants ce qu’est une stratégie de lecture, c’est à dire le passage à la compréhension de la trame du récit et de ses intentions.
Charlotte Bruno, Julie Meunier et Delphine Imeneuraët, 28 ans d’ancienneté à elles trois, sont toutes « maitres + », c’est à dire surnuméraires. Leur expérience est reconnue. Quant à leur notoriété auprès des professeurs des écoles elle est assurée : elles éditent des blogs très courus des enseignants qui y trouvent réflexions et outils.
« Aujourd’hui il n’y a pas d’outils pour enseigner la compréhension », nous dit Julie Munier. « Les enseignants ont bien des idées mais il leur manque des outils pour la classe ». Le risque ce serait de passer à coté des apports fondamentaux de l’étude Goigoux, repris dans les programmes.
Trois modules prêts à l’emploi
Alors nos trois dames relèvent le flambeau. Elles publient sur leur blog un article qui présente les travaux de R Goigoux et leurs intentions, une introduction et trois modules pour travailler avec sa classe la compréhension.
Un premier module s’inspire des recommandations de S Cèbe pour proposer un travail sur les représentations des lieux et des personnages d’un texte. Un second module travaille sur les personnages. Le troisième fait réfléchir sur ce qui se passe dans la tête des personnages et amène à comprendre qu’un texte a des intentions et que tout n’est pas à comprendre à la lettre.
Ce qui nous a beaucoup plu dans les modules c’est le fait que les auteurs font réfléchir à voix haute les enfants sur ce qu’ils apprennent. Il y a tout un travail d’explicitation qui met à nu la pensée qui est assez rare à l’école. Les instits ont un mot pour cela : c’est de la métacognition, autrement dit de lé réflexion sur sa pensée et ses stratégies de travail. Et là on est vraiment dans un accélérateur éducatif.
Pas des recettes, une vraie formation entre pairs
« On ne veut surtout pas proposer des recettes, nous a dit J Meunier. « On est vigilantes à expliquer pourquoi on propose de faire ceci ou cela ».
Est-ce efficace de faire cela en classe complète, lui a-t-on demandé ?Pour elle on perdrait à travailler ainsi en petit groupe. « Mon expérience m’apprend que travailler ainsi en classe entière apporte beaucoup. Tous les enfants ont des choses à dire et ils peuvent le faire. La notion d’enfant en difficulté s’efface. Même les plus à l’aise se régalent de travailler ainsi ! »
Mais a-t-on le temps d’écouter chaque petite voix ? « Il faut se le donner », répond J Meunier. « L’étude Goigoux montre qu’on passe beaucoup de temps sur des exercices écrits qui ne donnent pas de très bon résultats. Il faut donc répartir différemment le temps ».
Sur leurs blogues les éloges pleuvent. Leur travail est en train de faire le tour des classes de CP. « On ne veut pas faire la méthode CP de 2016 », nous dit Julie Meunier. Les trois dames disent ne pas avoir de certitudes même si elles travaillent très sérieusement. « On propose nos outils aux enseignants », dit Julie Meunier. En fait, c’est toute une formation concrète, bienveillante et attentionnée qu’elles ont mis en route. Ca ne va pas s’arrêter.
François Jarraud