De 2006 à 2011, qu’observe-t-on sur le terrain social et scolaire en France ? Pour répondre à cette question, rien de mieux que « L’atlas des risques sociaux d’échec scolaire », réalisé par la Depp, le service des études du ministère, et le Céreq. Un atlas qui descend au niveau des cantons pour décrire l’état social et scolaire de la France. C’est une autre vision des inégalités qui se dessine, celle des territoires. Une conclusion s’impose : sur ce terrain là, le quinquennat Sarkozy montre une aggravation des inégalités.
Réalisé par Gérard Boudesseul, Patrice Caro, Yvette Grelet, Laure Minassian, Céline Vincet (du Céreq) et Olivier Monso (Depp), cette seconde édition de L’atlas nous amène en 2011. L’édition précédente couvrait l’année 2006. Et on nous promet une troisième édition , avec des données plus récentes, cet hiver.
Travailler sur un atlas des risques d’échec scolaire, et précisément de décrochage, c’est chercher les critères qui permettent de détecter les territoires où le risque est plus grand, voire où il est extrème. L’atlas compile donc des données de natures différentes en les traitant au niveau cantonal (généralement quelques communes). Il se penche sur les revenus, mais aussi sur les emplois en CDI, les familles monoparentales ou nombreuses, le taux de chômage en plus des données scolaires.
Une hausse de la population fragilisée
Ainsi chaque académie a sous les yeux une carte qui cible les difficultés , à charge pour elle de développer une politique efficace pour réduire le risque de décrochage. Et comme la carte est forcément complexe, puisqu’elle descend à l’échelle de petits territoires, il est difficile de tirer des conclusions générales. En voici cependant quelques unes.
De 2006 à 2011; on observe une apparente stabilité des territoires en grande fragilité. On reste aux alentours des 400 cantons entre ces deux dates. « Mais cette apparente stabilité cache une augmentation du nombre de personnes concernées », nous a dit Gérard Boudesseul. Ces cantons de très grande fragilité représentaient 15% de la population en 2006. C’est maintenant 20%.
Ces territoires cumulent le chômage, les familles monoparentales ou nombreuses, des revenus faibles. On les trouve dans le nord et l’est et maintenant au sud est. Cela concerne en priorité les académies d’Amiens et de Lille.
Dans les périphéries des grandes agglomérations on voit se développer un nouveau risque : la disparité des conditions de vie. Cela représente 328 cantons où ce sont surtout les déséquilibres de la vie familiale qui génèrent le risque de décrochage plus que les conditions économiques.
C’est dans ces zones que l’on va trouver un fort taux de jeunes non diplômés. C’est le cas en Corse, en Picardie, dans le Nord, sur le pourtour est et sud de l’Ile de France, sur le littoral méditerranéen et dans le Bordelais.
De fortes inégalités académiques
Cela amène au deuxième enseignement, on observe de très fortes inégalités entre les académies en ce qui concerne la lutte contre le décrochage. On trouve des académies où le taux de scolarisation est faible et celui des non diplômés fort. C’est le cas en Picardie ou en Corse par exemple. Cela vient souvent de loin. Mais on trouve aussi l’inverse : des académies où le taux de scolarisation est élevé mais celui de l’échec et de la sortie sans diplôme également. C’est le cas de Versailles ou de Créteil par exemple. Pour Gérard Boudesseul, dans ces académies on a amené à l’école de nombreux jeunes mais on n’a pas su les amener au bac.
Quand on observe finement les cartes académiques on voit des anomalies dan sun sens ou l’autre. Ainsi dans l’académie de Lille, les cantons de Bourbourg ou Bergues ont un taux de non diplomation assez faible par rapport à leurs voisins avec lesquels ils partagent une situation économique très difficile.
Pourquoi ?
Les politiques éducatives ont donc un rôle à jouer. « On ne fait pas de préconisations pour l’éducation nationale. On lui donne des outils pour qu’elle s’en saisisse », nous a dit Gérard Boudesseul. « Mais on voit, au delà des effets de la crise de 2008, des efforts locaux aboutir. Faire travailler les équipes locales sur les décalages que l’on observe sur les cartes entre les endroits où on arrive à lutter et les autres, peut être riche d’enseignements. C’est toujours lié au dynamisme d’équipes locales ». Elles ont probablement encore du pain sur la planche…
François Jarraud