« Incertitude » au collège comme au lycée, « lassitude », « gâchis », « désaffection », « fossé » : le 26 août, le Snes a repeint en gris foncé la rentrée. Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes, et ses secrétaires adjoints, Valérie Sipahimalani, Benoit Teste et Xavier Marand, espèrent une mobilisation forte des enseignants dès la rentrée contre les réformes pour imposer un « moratoire » au moins sur la réforme du collège.
Le pari de la grève du 8 septembre
Le Snes, avec ses partenaires de l’intersyndicale collège (Sud, Cgt, FO, Snep,) appelle à une grève nationale le 8 septembre. Mais c’est dès le 31 août que le Snes veut mettre des bâtons dans les roues de la réforme du collège en empêchant sa mise en place partout où ce sera possible. Des préavis de grève ont été déposé pour les journées du 31 août au 2 septembre. Pour F Rolet, il faut agir avant que les enseignants soient engagés dans les dispositifs de la réforme et au moment où ils découvrent leur emploi du temps ou les appariements des dispositifs interdisciplinaires.
« Personne ne peut préjuger de ce qui se mettra en place en cette rentrée », estime le Snes. « Traiter quatre niveaux de nouveaux programmes, qui plus est sans pouvoir appuyer le travail des élèves sur des manuels est en soi un défi. AP, EPI et parcours, dispositifs mal ficelés et mal pilotés, seront traités de façons diverses : reconduits peut-être là où ils existaient de près ou de loin, tentés ailleurs parfois sous la pression hiérarchique et sans grand contenu pédagogique, ou encore seulement affichés ».
Le syndicat affirme ne pas savoir si la réforme à supprimé des postes ou si eu contraire elle s’accompagne de moyens supplémentaires, alors que le ministère affiche de son coté 4000 créations de postes en collège sur deux ans. Selon Valérie Sipahimalani, des collèges Rep+ ont perdu des heures du fait de l’application rigide de la règle des 6 heures maximum de cours par jour qui a conduit à supprimer des dispositifs d’aide.
Pour B Teste, « la majorité des enseignants est hostile à la réforme ». Mais la grève » est un pari. On s’attend à une grève qui peut être majoritaire » estime-t-il.
Résistance pédagogique et moratoire
F Rolet dénonce le « gâchis » de la réforme. « On a mis des années à réformer dans les pays scandinaves », explique-t-elle. « On a l’impression que le ministère invente des recettes miracles ».
Alors le syndicat appelle à « la résistance pédagogique : refus de flécher AP et EPI dans les emplois du temps, de se lancer dans des EPI de façade, d’entrer dans des réalisations pratico-pratiques ».
Il va aussi demander au ministère un « moratoire » dans l’application des mesures. Par exemple pour le remplissage des nouveaux livrets numériques. « On ne veut pas que les collègues soient sanctionnés s’ils n’ont pas pu mettre en place des dispositifs », précise Valérie Sipahimalani.
Le syndicat semble hésiter entre la confrontation que serait une grève majoritaire et le pourrissement. Si certains collèges semblent bien engagés dans la réforme à cette rentrée, et souvent en éducation prioritaire, dans un nombre équivalent la réforme semble très mal partie. Entre les deux il ya un espace pour le »moratoire » prudent, alors que l’opposition a promis d’abroger la réforme si elle arrive au pouvoir en 2017…
Au lycée, le syndicat craint un afflux d’élèves. Le droit au redoublement des recalés du bac laisse en effet planer un doute sur le nombre d’élèves à la rentrée au moins en terminale. On attend près de 50 000 jeunes en plus au lycée à la rentrée , mais ce pourrait aussi bien être plus de 70 000.
Le Snes critique une autre réforme de N Vallaud-Belkacem : le redoublement exceptionnel. D’après le Snes, de nombreux élèves de seconde auraient été admis en 1ère STMG en application de cette mesure. « On ne sait pas quels élèves on aura devant soi et quel sera leur comportement », explique F Rolet. La situation démographique est meilleure au collège où le nombre d’élèves devrait être stable.
Désaffection politique
Le nombre d’enseignants lui augmente fortement cette annèe. » Pour la première année depuis 2012, les emplois nouveaux d’enseignants sont majoritairement des emplois de titulaires », écrit le syndicat. « Ils se traduisent par l’équivalent de 2 805 postes supplémentaires d’enseignants à temps plein sur le terrain. Si cette dotation en moyens supplémentaires sur le terrain est la plus importante depuis bien longtemps, elle reste néanmoins bien faible au regard des nécessités ». « Sur le terrain, les collègues ne voient pas couler les postes », précise F Rolet.
La revalorisation n’est pas niée par le Snes mais pour F Rolet « elle arrive trop tard ». A cela s’ajoute « la lassitude devant l’empilement des réformes ». « Le fossé s’est creusé avec le gouvernement » , souligne le Snes. Tout en critiquant la droite, F Rolet croit en « une désaffection du corps enseignant vis à vis des élections ». « Beaucoup d’enseignants considèrent que la revalorisation ne lève pas le contentieux sur les questions de métier ». La rentrée scolaire est aussi celle des échéances politiques.
François Jarraud