Ludovia n’est pas une tragédie, ce n’est pas non plus une comédie de boulevard. Et pourtant, la fin de soirée a permis à quelques 300 participants de découvrir un Pecha Kucha (exposé basé sur 20 diapositives qui changent toutes les vingt secondes sur un thème défini) dont certains propos ont fait réagir la salle, à la manière d’une pièce bien troussée. Au-delà des mots un peu valise employés, en montrant comment imaginer une école de « l’attention, de la présence et de l’engagement, thème central de cette édition 2016, les animateurs de la soirée ont tenté de changer d’approche…
Ludovia , objet complexe
Commencée à 15h30 par le colloque scientifique l’université d’été Ludovia d’Ax les Thermes a dont accueilli avec « courage » cette thématique a priori peu évidente pour le grand public, alors qu’elle a rapidement su ravir les chercheurs (entraînés par Michel Lavigne, Patrick Mpondo-Dicka) et les habituels blogueurs et acteurs engagés de cette université d’été (Christophe Batier, chef d’orchestre de la soirée ayant su dynamiser ce temps).
Rappelons ici que Ludovia est devenu un objet un peu complexe : entre les activités générales, les séminaires divers et variés (collectivités, ministères, Canopé, etc..), les temps festifs, récréatifs, fabcamp, explorcamp et autres espaces d’exposition, l’accumulation des propositions provoque d’ailleurs la diversité des sollicitations et donc les risques de dispersion.
Certains, habitués, sont venus y chercher de l’énergie pour l’année, d’autres des idées pour avancer, d’autres encore des rencontres, d’autres, enfin, un peu d’humanité au-delà du numérique, même si celui-ci reste ominiprésent. Ce fut le cas dans la rituelle table ronde d’ouverture, qui n’a pas dérogé au modèle : pléthore de participants, présentations institutionnelles, salutations en tous genres, mais peu de réelles dynamiques nouvelles, malgré la bonne volonté des participants et de l’animateur…
Le retour de l’humain ?
Retenons quelques signes de ces premières heures : bizarrement, de Jean Paul Moiraud en soirée à Peppe Cavallari, deuxième intervenant du colloque scientifique, le corps a été rappelé au premier plan. Plus encore que le corps, pour Peppe Cavallari, le geste, cher à Marcel Jousse ou encore le travail de Christoph Wulf sont a ramener au premier plan pour comprendre le numérique d’aujourd’hui. Même si ces propos, rappelant la vision anticipatrice de Barjavel en 1947, mise en image (INA) par la télévision française peu après, semblent anecdotiques, les quelques exemples cités par ce philosophe mais aussi les évocations de JP Moiraud sur le corps et le geste sont révélatrice, à l’instar des autres présentations du Pecha Kucha, dont celle de Jean Marc Merriau, directeur général de Canopé qui fut le dernier intervenant, d’une évolution dans la réflexion. Le numérique ne suffit pas !!! cela peut sembler banal, mais de la réflexion pédagogique de plusieurs participants évoquant à peine les moyens techniques, on peut retirer une tendance qui va un peu à l’encontre des discours politiques rituels entendus en fin de journée, on est en train de passer à autre chose…
En ayant pour thème « attention, présence et engagement » et en le travaillant sous des formes multiples, Ludovia 2016 démontre sa volonté de dépasser les critiques habituelles d’une hypercentration sur les moyens.
Désormais les « arts de faire » semblent commencer à prendre leur place. Certes, nombre de passionnés et les rayons des exposants sembleraient apporter un démenti à cette analyse, mais il nous faut être juste : la question du « sujet » face à la machine ne se pose plus exclusivement en terme technique mais désormais en termes anthropologiques, ou plus simplement en humanité. Si la dimension du « faire société », du politique semble absente des discours elle ne l’est pas des têtes de participants qui reviennent dans leurs propos et leurs questions, à plusieurs reprise sur ce questionnement.
On peut cependant regretter un formalisme un peu répétitif des conduites des participants, mais est-il possible de faire autrement ? Il sera surement intéressant, si l’on parle d’engagement, que dans un lieu comme Ludovia, les participants passent des paroles aux actes, de la réception à la construction. Mais il est bien possible que la suite de ces journées vienne apporter un démenti et que l’éclatement prévisible des participants laisse place à de nouvelles porosités… de nouveau échanges qui dépasseraient les modes conventionnels connus depuis plusieurs années désormais.
Bruno Devauchelle