Comment se protéger d’un éventuel attentat ? Comment apprendre dans la peur ? Devant cette situation, l’Ecole n’a pas d’autre choix qu’acquérir une culture de la sécurité. C’est le message que les ministres de l’Intérieur, l’éducation nationale et l’agriculture ont voulu faire passer le 24 aout en présentant le plan de mise en sureté des établissements scolaires. Les mesures annoncées reprennent pour l’essentiel le contenu de l’instruction du 29 juillet. La ministre mise sur la formation des adultes et des élèves et sur l’éducatif. La sécurité c’est bien une question d’éducation.
« La menace est élevée. Le danger bien réel », affirme d’emblée la ministre de l’éducation nationale. « Le temps de l’insouciance est derrière nous » , confirme le ministre de l’intérieur. N Vallaud Belkacem rappelle « l’exigence de se préparer ». C’était le but de « l’instruction » commune du 29 juillet qui reste la base du plan ministériel. Et cette préparation va concerner tous les acteurs de l’Ecole : enseignants, cadres, parents, élèves, collectivités locales en plus des forces de sécurité.
Dès la pré-rentrée
Ca commence dès la pré rentrée. Le 31 août, le ministère teste le dispositif d’alerte. Selon le ministère les académies peuvent joindre sur leur téléphone personnel ,par SMS, tous les directeurs d’école et chef d’établissement. Ce dispositif sera testé le 31 août, jour de la pré rentrée. Ce même jour les enseignants seront informés du Plan particulier de mise en sureté (PPMS) et des signaux d’alerte.
Trois exercices de sécurité à organiser
La ministre a confirmé les trois exercices de sécurité , selon le Plan particulier de mise en sureté (PPMS) que les écoles et établissements ont du mettre en place début 2016. En fait 12% des écoles et 5% des collèges et lycées n’ont pas mis à jour leur PPMS selon le ministère. Ils doivent le faire cette année. C’est le PPMS qui définit les conduites à tenir, les signaux à connaitre.
Un des exercices porte sur le risque attentat intrusion. La ministre recommande de l’effectuer avant la Toussaint. Les guides des chefs d’établissement et des directeurs expliquent comment faire. Pour la maternelle, un guide spécial explique en détail comment effectuer l’exercice sans affoler les enfants. L’objectif est de reconnaitre le signal et de savoir quoi faire. Il n’y a pas besoin de simuler une attaque pour cela. Cet exercice concerne tout le personnel, y compris, par exemple, les ATSEM ou les animateurs. Le ministère invite à réaliser un exercice sur le temps périscolaire en accord avec la mairie.
Un exercice départemental est également prévu pour vérifier la coordination entre les services préfectoraux et ceux de l’Education nationale.
La protection des écoles
Bernard Cazeneuve a annoncé « des mesures de vigilance renforcées à la rentrée » pour rassurer les parents et les élèves. Le jour de la rentrée scolaire , 3 000 réservistes de la gendarmerie seront mobilisés devant les écoles. Tout au long de l’année , le ministre a promis « une surveillance dynamique avec des patrouilles mobiles en lien avec les polices municipales ». La ministre récuse l’embauche de vigiles pour garder les écoles qui ne sont pas des lieux ouverts au public.
La question de la sécurisation des établissements scolaires a été précisée le 24 août. Le gouvernement débloque des crédits à hauteur de 50 millions pour aider les collectivités locales à réaliser des travaux. Les 101 référents départementaux et 30 référents académiques sécurité pourront les aider sur le plan technique. L’Intérieur annonce de son coté 2391 « correspondants police et gendarmerie – sécurité école » et 440 « référents sureté ».
Les guides destinés aux directeurs donnent des exemples de travaux qui doivent être faits par l’équipe éducative comme des verrous sur les salles de classe en maternelle (le petit mobilier ne permet pas de barricader les accès) ou des films plastiques pour rendre les fenêtres du rez de chaussée opaques. A défaut des dessins d’enfants peuvent obtenir le même résultat.
Les ministres ne s’aventurent donc pas sur le terrain de la sécurisation des locaux qui reste la prérogative des collectivités locales. C’est à la fois une réponse à la pression de l’opposition sur ce terrain. Et une façon de rappeler que la sécurité est d’abord une éducation. Il n’a pas été question de sas , de portiques lors de la conférence de presse. Une infographie du ministère mentionne une caméra de surveillance.
Dans un entretien au Parisien, le secrétaire général du Snpden, Philippe Tournier, demande des vigiles devant les collèges et lycées. « Il faut à tout le moins se poser la question. S’il existe un risque imminent d’attaque, si l’école est en haut de la liste des cibles potentielles, le sujet d’avoir des vigiles, ou pas, doit être envisagé. L’idée selon laquelle la communauté éducative doit être soudée autour de la prévention et consciente des règles de sécurité est une bonne chose, mais ce n’est pas la réponse à une menace immédiate ». L’idée a été écartée par la ministre , les établissements n’étant pas des lieux ouverts au public.
Former les cadres
Le ministère veut renforcer la coopération entre autorités académiques et forces de sécurité et aussi former ses agents à la gestion de crise. Sur le premier point, des réunions sont prévues dans chaque département avec les cellules de crise mises en place dans chaque académie et les référents sécurité de l’éducation nationale. Cela se décline au niveau local entre les correspondants police gendarmerie sécurité école et les directeurs et chefs d’établissement.
Les deux ministre sont annoncé la multiplication par quatre des stages de formation à la gestion de crise pour les chefs d’établissement. 500 personnes seront formées chaque année dans 4 écoles de gendarmerie (et non plus une). Ces cadres pourront à leur tour réaliser des formations locales.
La formation des élèves
Le ministère veut former 1.2 million d’élèves cette année aux premiers secours. Cela concerne tous les élèves de 3ème et tous les délégués élèves. La moitié suivra une formation correspondant à l’attestation Prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1), soit une formation de 8 heures. A terme c’est cette formation qui s’imposera. Mais pour cette année l’autre moitié des élèves suivra un module « premier secours » de 2 heures seulement permettant d’apprendre « les gestes qui sauvent ». Pour ces formations, l’Education nationale va mobiliser ses 7000 formateurs actuels et y ajoutera 3000 nouveaux formateurs. Les enseignants qui veulent se former pourront suivre les formations organisées dans leur établissement « dans la limite des places disponibles ».
Cela passe aussi par l’éducation à la santé. Sur ce point, la ministre a tenu à rappeler que la loi Evin doit s’appliquer dans les lycées. Il n’est pas question de laisser sortir les élèves fumer ou de les laisser fumer dans l’établissement. Les chefs d’établissement devront donc trouver la solution au problème…
Quelle place pour les parents ?
La bataille de la sécurité se gagne aussi avec la confiance des parents. Les directeurs d’école et les chefs d’établissement devront informer les parents des mesures prises. Il s’agit de les rassurer. » Vous pouvez rappeler les consignes quotidiennes (accueil…) et les consignes sur les voyages scolaires. Il est important de souligner que la vigilance doit être de tous les jours et que c’est avec le concours de chacun que ces mesures peuvent être appliquées », explique le Guide du directeur d’école. « Vous pouvez ensuite présenter le PPMS de l’école en expliquant en quoi cela consiste ; les 3 exercices de type PPMS à réaliser dont l’exercice « attentat-intrusion ». Pour cet exercice vous présenterez les précautions à prendre avec les plus jeunes ».
Selon l’entourage ministériel, interrogé par le Café pédagogique, il n’est pas question d’empêcher les parents d’entrer dans l’école. Le ministère souhaite au contraire que les espaces parents s’ouvrent dans les établissements scolaires. En maternelle notamment, les parents devraient pouvoir aller jusqu’en salle de classe. Voilà un point qui fera peut-être débat localement…
La question de l’alerte
L’exercice du 31 aout pourra-t-il vraiment démontrer que l’alerte des établissements fonctionne ? En mars dernier, l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement a attiré l’attention du ministère sur les failles de ce dispositif. « La principale difficulté révélée par l’enquête concerne les écoles, où les messages d’alerte ne peuvent être reçus instantanément, faute de personnel disponible pour assurer une permanence de réception des mails et appels téléphoniques. L’utilisation du téléphone mobile peut s’avérer difficile (mauvaise couverture réseau, saturation, directeurs non dotés). La messagerie électronique pose aussi problème car il s’agit d’un outil d’information mais pas d’alerte puisque non veillé en permanence ». Selon le ministère, l’alerte sera envoyée par SMS sur les téléphones personnels des directeurs. Ils seront bien sur ouverts le 31 août. Mais le seront-ils quand les directeurs seront en classe ?
L’école ouverte plus sure ?
Une autre critique a été portée par le Snuipp le 22 août. Francette Popineau, secrétaire générale du syndicat, s’est inquiétée des effets produits par les exercices. En soulignant que les parents ne sont pas un risque pour l’école et qu’ils doivent rester bienvenus, elle dit : « J’ai des craintes sur un exercice qui mettrait en scène une personne dangereuse pour les enfants. Il faudra le faire avec discernement ». Elle relève ainsi une question de fond. La sécurisation des écoles et des établissements est elle une mesure technique ou renvoie-t-elle à la place des écoles dans la cité ?
Pour Eric Debarbieux, consulté par le Café pédagogique, ancien délégué à la violence scolaire, l’instruction « s’appuie sur l’humain et c’est ce qui est positif. La recherche montre que trop de mesures affole mais que pas assez inquiète. L’école ne doit pas être ouverte à tous les vents et elle ne l’est pas. Mais elle doit préserver le lien avec son environnement. On a besoin d’une école du quartier et non dans le quartier ». Pour lui, c’est sa proximité avec son environnement qui facilite la sécurité de l’école beaucoup plus que les dispositifs techniques du type caméras vidéo et sas.
Dans un communiqué publié le 24 aout, le Snuipp revient sur cette question. « Les enseignants doivent pouvoir se concentrer sur les apprentissages des élèves, ce qui est leur mission fondamentale. Pour cela, ils sont en demande d’une véritable politique éducative permettant de lutter contre les inégalités scolaires. Ils sont également convaincus qu’ils ne parviendront à faire partager les valeurs de la République – Liberté, égalité, Fraternité – que si celles-ci s’incarnent partout dans la société ».
C’est aussi cette conviction que l’on a entendu dans les propos ministériels le 24 août. « La réponse doit marcher sur deux jambes, sécuritaire et éducative » , a rappelé N Vallaud Belkacem. Elle passe par l’EMC, l’éducation aux médias (l’EMI) et le parcours citoyen C’est aussi ce qu’explique Philippe Meirieu dans son livre « Eduquer après les attentats ». C’est le même combat . Mais plus difficile encore ?
François Jarraud
Les guides pour les parents et les chefs d’établissement
Meirieu Eduquer après les attentats
Sécurité : La circulaire gouvernementale
Enseigner après les attentats (DOSSIER)
La circulaire du 26 novembre 2015