Rares dans les disciplines scientifiques, les femmes sont-elles avantagées lors des épreuves des concours de recrutement ? C’est ce qu’affirment Thomas Breda (CNRS, École d’économie de Paris) et Mélina Hillion (Insee, École d’économie de Paris), qui ont analysé l’évolution, entre les écrits (anonymes) et les oraux, des résultats de 100 000 candidats des sessions 2006 à 2013. Leur étude interroge par ricochet l’enseignement des disciplines scientifiques avant les concours, principalement durant la scolarité.
Selon leur étude, publiée dans Science, si les femmes sont sous-représentées dans certains domaines scientifiques, ce n’est, semble-t-il, pas du fait de discriminations à l’embauche. C’est même le contraire pour les concours de recrutement d’enseignants : les femmes sont favorisées dans les disciplines où elles sont sous-représentées (maths, physique, philosophie) et, dans une moindre mesure, les hommes le sont dans les disciplines où ils sont minoritaires (langues, littérature).
En comparant les notes obtenues pour la période 2006-2013 par plus de 100 000 candidats aux oraux non anonymes et aux écrits anonymes de ces concours, les auteurs constatent « l’existence de biais d’évaluation en faveur du genre minoritaire, biais qui augmentent fortement avec le niveau de ségrégation dans la discipline. Ces biais sont légèrement favorables aux hommes en littérature et en langues étrangères et largement favorables aux femmes en mathématiques, physique ou philosophie. Dans ces dernières disciplines, la proportion de femmes suffisamment bien classées pour être admises au Capes et à l’agrégation augmente de 10 à 20 % entre les écrits et les oraux. Plusieurs tests complémentaires confirment que ces résultats reflètent bien une discrimination positive de la part des évaluateurs plutôt que des différences de compétences entre les candidats ». Ce phénomène serait inexistant au concours de professeurs des écoles et plus fort à l’agrégation qu’au capes.
« Ces derniers résultats suggèrent qu’il n’y a pas discrimination négative à l’embauche à l’encontre des femmes très qualifiées dans les disciplines où elles sont sous-représentées. En revanche, nous ne pouvons exclure l’existence de telles pratiques discriminatoires en amont dans le parcours scolaire ou lors de recrutements pour des postes moins qualifiés », ajoutent les auteurs.
« L’étude suggère d’abord que les politiques visant à limiter la discrimination et à lutter contre les stéréotypes de genre devraient se concentrer davantage sur les premières étapes du processus d’orientation scolaire. Elle montre ensuite que les initiatives visant à rendre complètement ou partiellement anonyme le processus de recrutement risquent d’aboutir à des effets opposés à ceux escomptés.