Les 4 et 5 juillet, plus d’un millier de professeurs de maternelle sont réunis à Dijon pour le 89ème congrès de l’Ageem, l’association générale des enseignants et des classes maternelles publiques. Le congrès a choisi cette année pour thème « l’estime de soi ». Isabelle Racoffier fait le point sur cet événement. Et c’est aussi l’occasion de tenter un bilan des années de refondation.
C’est vraiment l’assemblée générale des instits de maternelle. Certes tous, ou plutôt toutes, car 92% des professeurs de maternelle sont des femmes, n’ont pas pu venir , ne serait ce que parce que l’année scolaire se terminait le 5. Mais avec 1200 participants, le congrès de l’Ageem est un événement imposant qui alimente fortement la communauté un peu à part des enseignantes de maternelle.
Les meilleurs ne s’y sont pas trompés. Au programme de l’événement on trouve les noms de JP Delahaye, Eirick Prairat, Eric Debarbieux, Yves Soulé pour ne citer que quelques noms en rapport avec le thème central. Mais l’Ageem a invité également des personnalités aussi diverses que François Durpaire et Béatrice Mabilon-Bonfils, la plasticienne Joelle Gonthier ou encore la pédiatre Catherine Guégen.
Le congrès s’articule en une cinquantaine de groupes d’analyse de pratiques et en autant d’expositions pédagogiques. De ateliers en maths, sciences, arts sont aussi organisés.
Mais où en est l’école maternelle à la fin de la dernière année scolaire de la refondation ? Celle-ci donnait la priorité au primaire et aux apprentissages les plus précoces. Isabelle Racoffier , présidente de l’Ageem, fait le point et interroge l’action ministérielle.
L’estime de soi est un sujet qui s’est imposé dans le débat scolaire mais davantage au niveau du collège. Est-ce vraiment un sujet à l’école maternelle ?
Si on veut être en accord avec la refondation et aussi lutter contre le décrochage il faut travailler ce sujet. La maternelle c’est le moment où se construit un attachement solide à l’école qui permet d’éviter plus tard le décrochage. C’est aussi le moment de l’élaboration de la sécurité affective.
On a ainsi les deux bouts de la chaine. A une extrémité le risque de décrochage. A l’autre lé sécurité affective. Si l’enfant est angoissé à l’école depuis l’école maternelle, s’il a peur d ene pas réussir, le risque de décrochage sera grand.
On peut avoir peur de ne pas réussir en maternelle ?
Probablement plus avec les nouveaux programmes. Mais avec les anciens programmes (ceux de 2008 NDLR) et leurs évaluations lourdes avec cette primarisation de la maternelle c’était possible d’avoir des enfants déjà indiqués comme ne réussissant pas.
Comment travailler l’estime de soi en maternelle ?
C’est tout le travail de plusieurs ateliers ! Certains abordent le sujet sous l’angle de la relaxation. D’autres par l’éducation sans violences par exemple. Ce qui est important c’est de laisser parler ses émotions. Cela peut se transcender dans l’art par exemple. L’objectif c’est que l’enfant soit capable de se distancier de ses pulsions.
On termine la dernière année scolaire complète du quinquennat. Quel bilan faites vous de la refondation ?
Beaucoup de choses ont changé. D’abord il faut mettre les programmes. L’Ageem a fait partie du groupe d’experts qui les a conçu. Nous trouvons qu’ils s’appuient bien davantage sur le développement de l’enfant et sur ses modalités d’apprentissage que le programme de 2008. Le jeu, les arts, le vivre ensemble , le langage en situation y prennent beaucoup plus de place.
Les défenseurs des anciens programmes disent qu’il ont fait monter le niveau…
Si je prends par exemple le vocabulaire, on ne le développe pas en apprenant par coeur un mot par jour. Si c’est fait sans que ce soit relié à une action, une émotion ça reste une coquille vide. Il faut que ces mots soient remplis de sens.
On est sensibles aussi aux documents qu’a édité la Dgesco en accompagnement des programmes. Ce sont des aides précieuses pour l’application des nouveaux programmes et pour l’évaluation.
On apprécie aussi la scolarisation des moins de 3 ans.
Vos trouvez que cela a progressé ?
La refondation a choisi de scolariser davantage les enfants de moins de 3 ans. Et c’est important. Après ça ne se met pas toujours en place de façon positive sur le terrain…
Enfin le ministère a recrée une formation de maitres formateurs en maternelle ce qui est excellent.
Et ce qui pose problème ?
On n’est pas au niveau d’encadrement des autres pays. En France on compte en moyenne en maternelle 22 enfants par classe alors qu’ailleurs en Europe on est à 12. Il va bien falloir réduire ces effectifs.
La formation des enseignants a repris. Il faut se rappeler qu’il ya 4 ans on envoyait directement en classe des jeunes qui avaient réussi le concours. Il y a donc nettement du mieux. Mais il faut développer la recherche en Espe sur la maternelle.
On a la chance que notre école maternelle intéresse beaucoup d’autres pays, les pays africains par exemple. C’est l’occasion de développer notre recherche et la formation en Espe.
Propos recueillis par François Jarraud