« Il faut se méfier des modes », explique Patrick Rayou dans une remarquable conférence faite lors de Clic 2016 le 2 juillet. Il explique en quoi la classe inversée peut être bénéfique pour les apprentissages. « La classe inversée fait réfléchir à la réinternalisation du travail de l’élève dans la classe ».. C’est sinon une solution, une voie de problématisation ». Un bel hommage..
La tentation de la mode
Professeur en sciences de l’éducation à l’Université Paris 8, Patrick Rayou est un spécialiste des apprentissages et des difficultés des élèves , particulièrement ceux des milieux populaires. Il a donc un regard critique sur les innovations pédagogiques et son intervention était très attendue.
« Il faut se méfier des modes. La tentation est grande de se livrer à la dernière mode qui passe dont on devient soi-même prophète », a-t-il d’emblée lancé à la salle. Ce qui l’amène à revenir sur les difficultés de l’école française dès qu’il s’agit d’aider les élèves.
Prendre conscience de la forme scolaire
Sa première remarque est pour « remettre les apprentissages sur leurs pieds ». P Rayou montre la puissance de la « forme scolaire », l’écart important entre l’expérience scolaire et celle de la vie. « Beaucoup d’élèves ont des difficultés à comprendre que ce qui marche dans la vraie vie ne marche pas à l’école ». Il donne en exemples des programmes d’arithmétique : combien de litre de peinture fait -il acheter pour repeindre une pièce ? L’école attend un calcul de surface. Le bricoleur sait que la surface couvrante varie d’une peinture à l’autre et qu’il vaut mieux acheter un pot puis l’autre… On a là un premier facteur d’inégalités entre les familles qui sont éloignées de l’école et les autres.
Ramener le travail des élèves dans la classe
Second facteur d’inégalités :l’externalisation du travail des élèves. Jusqu’en 1902 les devoirs sont faits en classe. La réforme de 1902 les renvoie hors du cours et charge des répétiteurs de les faire faire aux élèves. »L’école a déscolarisé une partie essentielle de son activité » , explique P Rayou.
Or il n’y a pas de continuité didactique enter la classe et la maison. Là aussi, P Rayou, s’appuyant sur les travaux de S Kakpo, donne des exemples éclairants. Il montre comment dans une famille populaire on peut s’opposer à la culture scolaire « pour bien faire » et comment, dans une famille d’enseignants, la mère de famille transmet cette même culture lors des devoirs « tout naturellement ».
La classe inversée est-elle une mode ou va -t-elle vraiment créer l’alternative ? P Rayou bascule de ce coté. Pour lui, la classe inversée réintroduit la réflexion sur le travail scolaire dans la classe. En faisant cela elle « restitue tout le processus de travail de l’élève ». Elle permet enfin de s’intéresser aux erreurs des élèves qui n’apparaissent jamais dans le cours dialogué.
François Jarraud