Que retenir de CLIC 2016, le premier congrès francophone de la classe inversée organisé par l’association Inversons la classe ? Un succès bien sur. Un changement d ‘échelle, comme le souligne sa présidente, Héloïse Dufour. Peut-être la naissance d’un mouvement, comme l’appelle C Bechetti-Bizot dans sa conclusion du congrès.
Avec près de 800 participants et une centaine d’intervenants, le premier congrès francophone de la classe inversée, CLIC 2016 est incontestablement un grand succès. On a rarement vu autant d’enseignants réunis spontanément pour une formation en commun.
Qui sont les profs de la classe inversée ?
Mais qui sont-ils ? En l’absence de statistiques, il nous a semblé que le public était très majoritairement composé de professeurs du secondaire. On a croisé de nombreux professeurs de lettres, de maths, de physique, d’histoire-géo, entendu beaucoup de professeurs d’espagnol et d’éducation musicale. Les enseignants du supérieur étaient très présents.
Il y avait par contre peu de professeurs des écoles même si un atelier a été réservé au primaire. C’est là un point faible pour le CLIC. La classe inversée est sans doute adaptable au primaire. Mais des pratiques comparables, axées sur le travail de l’élève, sont déjà présentes depuis longtemps au primaire. On peut citer toutes les formes d’apprentissage vicariant. On a d’ailleurs l’impression que le transfert de notions se fait plutot du primaire vers le secondaire dans la classe inversée.
Sont-ils tous pratiquants de la classe inversée ? D’une certaine façon oui, car le concept est très large. Certains sont plus expérimentés que d’autres. Guillaume Daviaud, un professeur de physique de La Rochelle, nous dit pratiquer depuis 2 ans. Christine Bideux, une professeure de physique d’Issoire, utilise le concept depuis 2012 mais a commencé par le bon vieux manuel scolaire. Mais chacun a sa façon de faire et peut être une variété plus grande que la typologie présentée par M Lebrun.
Quelle motivation ?
Qu’est ce qui motive ces enseignants ? « C’est ma première occasion d’aller me former en choisissant mon programme. C’est surtout cela que j’apprécie », dit Guillaume. « J’apprécie les rencontres avec de vrais personnes avec qui j’échange sur twitter », nous a dit Christine. « D’autant que je suis isolée dans ma pratique de classe inversée ». Mélanie Serret, une professeure documentaliste de Boulogne sur Mer, « apprécie les rencontres » même si les professeurs de sa discipline sont très rares au congrès. « Mais j’aime aussi voir comment les enseignants travaillent ». Elle aussi utilise la classe inversée pour des séquences de formation en EMI en lien avec d’autres disciplines.
Quelle part pour le numérique ?
« Le numérique n’est plus une raison première de la classe inversée », a dit C Becchetti Bizot en concluant le CLIC. « J’avais cette idée l’an passé. Cette année je n’ai pas vu le mot numérique tout de suite ». C’est effectivement un glissement important. Certes toute une journée, le 3 juillet, a été consacrée uniquement aux outils numériques. Mais les débats et les conférences des deux premières journées tournaient uniquement sur les démarches pédagogiques. Le numérique n’était plus qu’un « déclencheur », pour reprendre la formule de C. Becchetti-Bizot, « un facilitateur, un démultiplicateur ». Il était quand même sous jacent à l’événement qui a été porté par de la communication numérique.
Un mouvement pédagogique ?
Peut-on parler de culture commune pour les participants , comme l’a avancé C Becchetti Bizot ? Oui quand elle parle du « besoin de donner du sens au métier ». Les professeurs présents ressentent avec la classe inversée de nouveaux émois qui leur rappellent leurs débuts. Ils viennent là aussi pour cela, retrouver et partager un plaisir d’enseigner qui les avait parfois un peu déserté. « Je retrouve un plaisir d’enseigner qui s’était un peu envolé » nous a dit C Bideux.
Peut on aller jusqu’à dire , comme C Becchetti Bizot, que la classe inversée est un « projet pédagogique en soi, un projet global et systémique », une manière de « remettre l’élève et l’interaction humaine au centre de la classe » ?
Ca devrait l’être. La racine de la classe inversée c’est que l’enseignant se recentre sur le travail de l’élève afin de mieux l’aider individuellement.
Mais ce n’est pas certain quand on regarde la variété des pratiques. Et aider n’est pas si simple. Ainsi, on entend, dans certains exposés, l’étendue des échecs et particulièrement l’inadaptation de certains dispositifs aux élèves en difficulté. Il y a trop de variété dans les pratiques, et même dans les intentions, pour parler d’un objectif commun. Mais c’est là aussi une dimension qui peut se construire.
C Becchetti Bizot a raison d’appeler à multiplier les contacts avec la recherche, à être exigeant sur la réflexion, à répondre aux critiques. C’est bien ainsi que la classe inversée fera sa route. Là dessus la participation au Clic de Marcel Lebrun et de Patrick Rayou est particulièrement importante.
Une université de pratiques
Ce que nous avons surtout vu au Clic c’est une université foisonnante de pratiques de classes imaginée par des enseignants motivés et bien vivants. Comme Patrick Rayou, on éprouve du plaisir à voir cela.
Le Clic ressemble aux stages de pratiques de classe si populaires dans l’est de l’Asie, par exemple au Japon. Chaque année les enseignants échangent sur ce qu’ils ont fait de bien et qui marche . Et ces rencontres jouissent d’une telle reconnaissance et d’une telle estime qu’elles s’organisent toutes seules.
Une question pour l’institution
Aujourd’hui, en France, le succès du CLIC interroge l’institution. Rappelons nous ce que montrent les travaux de l’OCDE. Le professeur français est celui qui s’estime le moins bien formé sur le plan pédagogique. Seulement 6 enseignants sur 10 se jugent suffisamment préparés sur ce terrain-là, alors qu’ils sont 9 sur 10 dans les autres pays. Il a de fortes attentes de formation particulièrement sur l’utilisation des TIC en classe, les conseils et l’orientation des élèves, les pédagogies personnalisées. Sur ces points les demandes françaises sont deux fois plus importantes que la moyenne Ocde. Et restent lettre morte : les enseignants français participent moins à des formations que leurs collègues et jugent leurs formations peu utiles.
Il semble que le CLIC soit taillé pour répondre à ces questions. Cette université spontanée accueille tous les professeurs et les laisse maitres de gérer leur formation à travers les parcours les plus divers avec en général des formateurs expérimentés mais de terrain.
Le Clic arrive à faire de la vraie formation continue, souhaitée, avec un public attentif et des formateurs ad hoc. Pour la rue de Grenelle, le Clic est aussi un miroir…
François Jarraud