Comment le jeu peut-il être une source de motivation pour les élèves ? Comment créer l’envie de côté des élèves et sortir de la routine côté enseignants ? La conférence « classe inversée et gamification » est assurée par Régine Ballonad-Berthois, enseignante en anglais au collège Léonard de Vinci de Saint-Brieuc (22), Sébastien Franc, enseignant en anglais au lycée des Flandres à Hazebrouck (59), Sara Toupin en éducation musicale au collège Alain-Fournier du Mans (72) et Camille Tambareau en Histoire-géographie dans l’académie de Rouen. Devant un amphithéâtre de 150 personnes, les 4 enseignants présentent leur séquence pédagogique avec une place de choix réservée à la ludification. Comment arrivent-ils à mêler tâche complexe et capsules ? Quels avantages perçoivent-ils dans leur approche ?
« Avant, je m’ennuyais en cours avec mes élèves »
Sébastien Franc de l’académie de Lille a créé une ville virtuelle pour ses lycéens de STMG. Les élèves incarnent des personnages qui ont un métier. « Peut-être le métier qu’ils exerceront plus tard » précise Sébastien. Le jeu s’appelle « Flanders Lane » ; il s’agit d’une carte avec un centre commercial. Les élèves incarnent des personnages, doivent ouvrir des boutiques dans le jeu et résoudre les problèmes qui découlent du jeu. Dans son jeu, ce sont les besoins des citoyens qui provoquent les actions. En quelques clics, les élèves arrivent sur un Padlet où ils trouvent des ressources vidéos pour s’informer.
Toutes les actions des élèves sont verbalisées en anglais. « Pour moi, le jeu et les personnages peuvent être un pont entre l’institution et la vraie vie. Le fait d’incarner un personnage dans la classe incite mes lycéens à s’impliquer davantage en cours. » L’enseignant promet une saison 2 exceptionnelle « on se fait virer de la ville et les élèves seront sur une île déserte ! ». Ce projet a permis d’entrer en relation avec les élèves d’un autre établissement éloigné géographiquement : le collège Léonard de Vinci (22) justement présent au congrès Clic 2016.
Régine Ballonad-Berthois de l’académie de Rennes procède de la même manière avec ses élèves. Des rôles sont donnés aux collégiens : habitant, journaliste, touriste, envoyé spécial. L’objectif pour ses élèves : être accepté dans Flanders Lane, le jeu conçu par l’autre établissement de Lille. « Pour être accepté, mes élèves ont rédigé une lettre en anglais et l’ont envoyée aux autres élèves. Mes collégiens ont fait beaucoup d’efforts pour être acceptés. » Là encore les questions de l’enjeu et de la motivation du groupe sont centrales pour ces enseignants. Un autre défi est proposé à ses élèves : « créer un questionnaire de citoyenneté à des Américains pour obtenir la nationalité française. » Pour l’enseignante : « il est plus facile de se cacher derrière l’avatar pour s’exprimer davantage. »
De la monodie à la polyphonie
Sara Toupin, professeur d’éducation musicale depuis 10 ans dans un collège REP+ est confrontée à des élèves ayant des difficultés à entrer dans les apprentissages. Inspirée des travaux de Rémi Massé, elle a créé un jeu pour aider ses élèves. Elle utilise des îlots ludifiés en classe inversée. Une tâche complexe sur un sujet précis telle la polyphonie est alors donnée aux élèves.
Concrètement, chacun prend une carte de jeu et a un rôle : scribe, journaliste, espion et maître du temps. Les cartes colorées et plastifiées préparées en amont plongent les collégiens dans un univers imaginaire. Chaque personnage a des points de force variable selon le niveau d’acquisition et les compétences du personnage (et pas celles de l’élève). « L’objectif est de provoquer une coopération entre les élèves ». Avec les cartes, les élèves vont prendre les informations pour répondre aux questions sur un Padlet et des sites sélectionnés par Sara Toupin.
Les élèves de Sara ont une feuille de mission. Pour elle, la motivation des apprenants vient du travail d’équipe. « Les autres ont besoin de moi pour gagner. » dixit un de ses élèves. « Mes élèves vont utiliser du vocabulaire technique sans trop se poser de questions. » souligne l’enseignante. On peut toutefois s’interroger l’exploitation de ces nouvelles notions dans un autre cadre plus formel.
« Je joue tout le temps avec mes élèves »
Avec Caroline Tambareau, enseignante d’histoire-géographie au collège, le jeu est une évidence et même une passion personnelle. « En classe de 6ème, on doit découvrir les dix plus grandes villes du monde. Je pourrais donner la carte et les faire noter. Ça m’ennuie d’avance ! » L’enseignante montre alors une vidéo à sa classe dans laquelle un personnage (joué par un ami) lance un défi à la classe. Il est en recherche des plus grandes villes du monde. Il attend une réponse rapide de la classe.
L’enjeu est tout désigné : répondre à cette personne qui sollicite la classe. « Mes élèves sont alors très motivés : ils vont prendre les atlas et foncer sur internet. » Les problématiques apparaissent rapidement : qu’est-ce qu’une ville finalement ? Où trouver les bonnes ressources ?
Caroline Tambareau va plus loin en utilisant ClassCraft. Une plate-forme de jeu de rôle lancée par un enseignant canadien. « La palette ludique est si riche qu’elle se prête à toutes les adaptations du primaire au secondaire ». L’accès est gratuit dans une version. Les élèves ont des points de vie, de pouvoir et d’expériences acquis au cours du jeu. « Il n’est pas rare qu’un combat de boxe virtuel se règle avec des questions sur la leçon donnée » précise cette enseignante devenue ambassadrice de ClassCraft.
Une chose est sûre : à l’issue de cette conférence, l’enthousiasme débordant de ces enseignants a convaincu un bon nombre de congressistes des possibilités qu’offrent les jeux sérieux en classe.
Julien Cabioch