Plus de deux années après la réforme des rythmes scolaires, entrée en application à la rentrée 2013, nous ne savons toujours pas si cette réforme phare améliore les résultats des élèves. Le ministère a débloqué le 10 juin 3 nouveaux rapports qui ne font guère avancer les connaissances. Le rapport de l’Inspection générale confirme la fatigue des élèves et le déséquilibre entre les disciplines. Le rapport Fotinos montre une appréciation opposée des animateurs et des parents d’un coté, des enseignants de l’autre sur les effets de la réforme sur le climat scolaire. Le rapport Testu est plus positif sur les rythme de vie des élèves mais il ne concerne qu’une ville moyenne. Une certitude : l’appréciation négative des enseignants n’a pas changé sauf peut-être en Rep.
Etait-ce la peine de retenir le rapport de l’inspection générale, dirigé par Marie Mégard, une année entière ? Probablement pas. Car ce rapport ne fait que confirmer des points inquiétants de la réforme. Et il n’apporte aucun éclairage nouveau sur les effets de la réforme sur le niveau des élèves.
Déséquilibre au profit des fondamentaux
Aujourd’hui 92% des communes ont mis en place un PEDT; 85% des communes appliquent la réforme avec le décret Peillon et 15% avec le décret Hamon, une répartition qui évolue peu. Le ministère a promis de pérenniser ces décrets ainsi que les taux dérogatoires pour l’encadrement des élèves sur le temps périscolaire. Les aides versées aux communes sont aussi pérennisées.
Pour l’Inspection générale, la réforme, avec l’apparition de la 5ème matinée de classe, s’est surtout traduite par un déséquilibre entre les disciplines. C’est une confirmation de ce que l’Observatoire des rythmes avait déjà annoncé en novembre 2015. Interrogé par le Café pédagogique, l’entourage de la ministre nous dit que c’est un phénomène ancien. Mais ce que dit la rapport Mégard c’est que les récréations ont diminué de 10 minute depuis la réforme. Les après midis sont plus courts et il y a moins de récréations. Le temps d’enseignement en français a augmenté de 10 minutes en moyenne, celui de maths de 20 minutes. Cette progression s’est faite aux dépens de l’EPS qui sont une heure en dessous des horaires officiels et des pratiques artistiques qui sont 30 minutes en dessous de l’horaire légal. Les enseignants ont souvent mis les matières difficiles les matins et la 5ème matinée a déséquilibré les bilans hebdomadaires.
A l’école maternelle, l’inspection relève en petite section « un temps supplémentaire d’apprentissages structurés le matin mais un temps de sieste qui grève largement le temps scolaire l’après midi ». Pour l’inspection, la question de la sieste des petits « semble encore tributaire de contraintes externes à leur intérêt propre et à l’école ».
L’inspection générale relève aussi un absentéisme massif le samedi matin pour les écoles qui travaillent sur ce temps. Il peut dépasser 50% en maternelle et 20% en élémentaire.
En positif, l’inspection relève « une installation incontestable des APC » (36h d’activités pédagogiques complémentaires où le maitre ne convoque qu’une partie des élèves). Mais le rapport demande en urgence « un bilan de l’utilisation » de ces heures.
Des enfants plus fatigués mais…
Le rapport souligne « un sentiment très partagé » de fatigue des élèves. « De très nombreux enseignants indiquent une fatigue accrue des élèves , en particulier en fin de semaine et surtout en fin de période ». Les maitres signalent un déficit d’attention, de l’énervement, une moindre participation, une augmentation des incidents dans la cour. Ce sentiment est suffisamment partagé pour que l’inspection lui consacre une partie du rapport. « On ne peut réfuter cette fatigue tant elle est souvent rapportée », dit le rapport. « Il est un fait que le constat de cette fatigue est vécu sur le terrain comme un signe d’échec de l’ambition de mieux penser le temps de l’enfant ». Pour autant elle n’est pas mesurée et le rapport Testu contredit cette perception.
Le temps de sommeil n’a pas changé
Le rapport de François Testu, publié le 10 juin, porte sur les effets de la réforme sur les rythmes de l’enfant à Arras. Le rapport contient de très intéressantes observations sur l’emploi du temps quotidien des enfants et notamment l’impact, plus important que prévu, du numérique et de la télévision. F Testu n’observe pas de changement dans les durées de sommeil des enfants du fait de la réforme. Les enfants de Rep ne participant pas au périscolaire sont ceux qui dorment le moins. Mais est ce du au périscolaire ou à un profil social particulier de ces enfants ? Toujours est il que le périscolaire n’a pas eu d’effet sur le sommeil. Il aurait par contre un effet mesuré sur l’estime de soi des enfants.
Animateurs et enseignants en chien de faïence..
Dernier rapport publié le 10 juin, celui de G Fotinos porte sur l’impact de l’aménagement du temps scolaire sur le climat des écoles à Arras. Une enquête a été menée auprès des parents, des animateurs et des enseignants.
Trois enseignements en sortent. Le premier c’est que les regards des enseignants sont très différents de ceux des parents et des animateurs. 80% des enseignants estiment que la réforme n’a pas amélioré le climat de l’école quand 63% des parents estiment le contraire. 85% des enseignants jugent que cela n’a pas amélioré le comportement des élèves quand quand 61% des parents sont d’un avis contraire. 79% des enseignants jugent que cela n’a pas amélioré le travail scolaire quand 60% des parents jugent le contraire. 82% des professeurs parlent de détérioration des relations avec les parents quand 63% des parents pensent l’opposé. Une chose est évidente : plus de deux ans après la réforme, elle n’est toujours pas perçue positivement pas les enseignants.
L’entourage de la ministre nous dit que le travail avec les animateurs fait partie d’une nouvelle identité professionnelle et qu’il y a d’énormes évolutions. Mais les chiffres mêmes du rapport semblent démontrer qu’animateurs et enseignants ne travaillent pas ensemble. Une forte majorité d’enseignants jugent que la réforme a aussi détérioré leurs relations entre eux et avec le directeur de l’école.
Le second enseignement c’est que la perception n’est pas la même en Rep Rep+ et dans les autres écoles. Les enseignants des Rep sont nettement plus positifs. Ainsi 84% des professeurs de rep voient une amélioration des relations parents enseignants, 79% jugent que le travail scolaire s’est amélioré.
Le dernier enseignement c’est qu’un consensus existe sur les effets bénéfiques de la réforme pour le sport et els activités artistiques. Mais nous avons vu le revers négatif de ce sentiment plus haut.
Pas de mesure des résultats scolaires
Finalement, nous ne saurons rien de l’effet de la réforme sur les résultats scolaires des élèves. Le rapport de l’Inspection, réalisé en juin 2015, estime qu’ils sont « non observables à ce jour ». L’argument longtemps avancé par le ministère des « 3 semaines d’avance des élèves » grâce aux rythmes n’est pas repris dans ce rapport. Il a disparu de la communication ministérielle…
Le rapport de l’inspection se borne à quelques recommandations. Il demande une aide pour la construction des emplois du temps afin de lutter contre le déséquilibre entre les disciplines. Surtout, il recommande de se doter d’indicateurs pour évaluer les effets sur les résultats des élèves.
Au total le bilan est bien maigre pour la première et la plus emblématique réforme de la refondation. Le ministère a diligenté auprès de la Depp, son service interne d’évaluation, plusieurs études sur le niveau scolaire des enfants avec des échantillons importants. Mais les résultats ne devraient être connus qu’en 2017…
François Jarraud
Les effets pervers des rythme sur les enseignements (nov 2015)