Par Julien Cabioch
@vivelesSVT
Comment montrer la place des sciences au quotidien à des collégiens ? Au collège Fernande Flagon de Valenton (94), trois enseignants en maths, sciences-physiques et SVT travaillent ensemble pour présenter de nombreuses expériences scientifiques aux élèves. Justin Zallio, enseignant de SVT, détaille le fonctionnement de cet atelier scientifique. Il nous présente aussi sa pratique récente de la classe inversée et son utilisation très régulière de nombreuses applications. Rencontre avec cet enseignant 2.0 à l’origine d’une chaîne You Tube et d’un site internet pour ses élèves.
Pourquoi ce club de sciences ? Comment s’organise le travail entre les enseignants ?
L’atelier scientifique du collège Fernande Flagon (« les mercredis des sciences ») se déroule le mercredi après-midi (une douzaine dans l’année). Il accueille entre 10 et 15 élèves, tous niveaux confondus. Les objectifs sont les suivants : montrer l’interdisciplinarité des sciences, montrer leur place dans la vie de tous les jours et favoriser la coopération et la collaboration entre les élèves. Ainsi les compétences acquises par les « plus grands » sont transmises et expliquées aux « plus petits ». Cet atelier touche trois disciplines : les sciences de la vie et de la Terre, les sciences-physiques et les mathématiques.
Ce projet a été lancé au 2e trimestre de l’année 2013 par Mme Aurélie Peyrot, professeure de sciences-physiques, Guillaume Bouquet, professeur de Mathématiques et moi-même, professeur de SVT. Cet atelier entre dans le cadre de l’accompagnement éducatif.
L’année est découpée en plusieurs thèmes, comprenant chacun une session d’inscription. Ainsi l’élève vient pour le(s) thème(s) qui l’intéresse(nt). La sélection des élèves est simple, le premier inscrit participe. Les thèmes sont variés. Il y a des thèmes récurrents et des petites nouveautés chaque année. Parmi les thèmes récurrents, on peut citer « La police scientifique » qui a toujours son petit succès. Les élèves étudient des fausses scènes de crime. Cela leur permet de travailler sur le prélèvement d’indices, de faire des tests sur l’eau (recherche d’ions), de faire des calculs de distance et d’utiliser des clés de détermination (pollens, insectes).
Un autre thème qui fonctionne bien est celui sur « Le goût et les couleurs ». Qu’est-ce que le goût ? Comment faire du caramel ? Une mayonnaise ? Nous avons pour projet de faire découvrir cet atelier aux futurs 6e lors de la visite des CM2 en fin d’année. Nous souhaiterions que les élèves qui ont participé à ce thème leur fassent découvrir ce qu’ils ont appris. Nous avons lancé cette année le thème sur la cosmétique. Les élèves ont pu étudier la saponification et les huiles essentielles. Nous terminerons l’année avec le thème « Le sport et la science » dans lequel les élèves verront aussi bien l’étude des modifications du corps lors de l’effort qu’une étude statistique ou que l’étude des matériaux.
En ce qui concerne le travail entre les enseignants, il est assez simple. Nous sommes les mêmes collègues à travailler sur le projet depuis trois ans et nous travaillons ensemble pour d’autres projets. Pour cet atelier, nous définissons ensemble les thèmes puis généralement un collègue prend la « direction » ou la « réalisation » de la séance. Deux professeurs co-animent la séance. Chacun se complète mais nous encadrons les élèves de la même manière. Ce travail de co-animation nous plait vraiment. C’est pourquoi nous avons aussi monté une option science en 3e (+1h/semaine pour les élèves d’une classe dans leur EDT). Ce sont les mêmes professeurs qui y participent et nous sommes deux à co-animer cette option.
Quelles expériences scientifiques sont proposées aux collégiens ?
Nous proposons aux élèves des expériences en lien avec les thèmes. Par exemple, dans le thème cosmétique, les élèves réalisent leur propre savon (par saponification), ils extraient de l’huile essentielle d’écorce d’orange et ils synthétisent l’arôme de banane (estérification d’acétate d’isoamyle). Dans le thème police scientifique, nous travaillons sur l’identification de larves d’insectes et les facteurs modifiant la durée de leur cycle de développement. Les mathématiques ne sont pas oubliées ! Nous leur faisons faire une étude statistique au basket. Nous avons récemment fait l’acquisition de quatre tablettes pour l’atelier. Les élèves s’en sont servi sur le thème police scientifique pour prendre en photo les indices et pour rédiger sur place un compte rendu.
Comment avez-vous mis en place la classe inversée en SVT ? Sur quels chapitres ? Quels niveaux ?
En fin d’année dernière, j’ai fait le point sur mon enseignement. Je voulais changer mes pratiques et je me sentais très inspiré par les TICE. J’ai fait plusieurs recherches sur le sujet pendant l’été et j’ai commencé mes premières capsules pour la rentrée 2015. Au démarrage, pour m’entrainer, mes premières capsules étaient des vidéos de révision pour les chapitres.
J’ai démarré concrètement la classe inversée en 3e, sur la partie « Diversité et Unité des Etres Humains ». J’ai démarré simplement par une petite vidéo à visionner sur un sujet, ou par un simple document en ligne à lire. J’ai ensuite mis en place la classe inversée de manière plus poussée avec la partie « Risque Infectieux et Protection de l’Organisme ». Je leur ai donné une vidéo sur la diversité des micro-organismes à visionner, accompagnée d’un questionnaire écrit. Faire cette partie du cours en amont à la maison nous a permis de gagner du temps en classe pour travailler sur les notions de contamination et d’infection (les élèves travaillaient en groupe sur différents micro-organismes et devaient présenter à la classe comment ces micro-organismes entraient dans notre corps et se multipliaient). Le chapitre s’est poursuivi de la même manière. Une vidéo (extrait de la série Grey’s Anatomy) à visionner à la maison pour découvrir les notions d’asepsie et d’antiseptique. Ensuite, en classe, travail sur les antibiotiques. Récemment j’ai fait une vidéo sur les cellules sanguines. Après visionnage, les élèves devaient reconnaître différents leucocytes au microscope puis les dessiner. Encore une fois, déplacer une partie du travail à la maison nous a permis de gagner du temps en classe pour travailler certaines compétences.
J’ai aussi mis en place la classe inversée en 4e sur la partie « Activité Interne du Globe ». Une découverte des effets d’un séisme en vidéo à la maison pour travailler sur l’enregistrement et l’origine d’un séisme en classe. J’en suis actuellement à la répartition des séismes et des volcans (par vidéo) pour l’établissement des plaques lithosphériques. Je n’ai pas encore mis en place la classe inversée en 6e et 5e mais je souhaite le faire pour la rentrée prochaine.
Au départ, d’un point de vue organisationnel, je mettais sur le blog de SVT les documents et vidéos à consulter. Je me suis rendu compte que les articles étaient peu vus. Les élèves prétextaient des difficultés avec l’url du blog (hébergé par le serveur du collège). J’ai alors décidé de leur donner les vidéos par QR code (avec l’url directe de la vidéo en plus afin de ne pas léser les élèves qui ne possèdent pas de smartphone ou de tablette). Depuis, les élèves y accèdent bien plus facilement ! Le plus souvent, lorsque la vidéo annonce le début d’un chapitre, elle est accompagnée d’un plan de travail, pour que l’élève puisse se repérer dans le chapitre.
Cette nouvelle pratique fait suite à une formation du PAF animée par Héloïse Dufour. Comment s’est déroulée votre formation ? Qu’avez-vous appris ?
Cette formation a durée 6 demi-journées en 6 modules :
Module 1 : introduction : définir la classe inversée en étudiant des témoignages d’enseignants la pratiquant.
Module 2 : la conception inversée (définir ses objectifs et identifier ses besoins matériels et techniques)
Module 3 : l’évaluation et la création de capsules (production d’un plan de travail, objectifs SMART, création de vidéos – présentation de logiciels)
Module 4 : création de formulaires en ligne
Module 5 : adhésion des partenaires (mettre en place des stratégies pour faire adhérer les différents publics concernés par la classe inversée)
Module 6 : Trouble shooting / retour d’expérience (ce module a été annulé au dernier moment – indisponibilité de la part d’Héloïse Dufour – en attente d’une nouvelle date).
A chaque séance, nous avons eu la possibilité d’échanger, de collaborer entre collègues de différentes disciplines, provenant d’établissements variés (collèges, lycées généraux / professionnels et BTS). Cette formation a été une véritable aubaine. Me lançant dans la classe inversée, j’ai pu être guidé et éviter les pièges.
Vous avez développé un site internet pour vos élèves et vous utilisez fréquemment de nombreuses applications. Quels usages faites-vous de Skitch ? De Framapad ? Ou encore de Scoop-it ?
Actuellement j’utilise un blog hébergé par le serveur du collège. J’y publie régulièrement les travaux des élèves et les liens pour les vidéos. La structure du blog ne me convient plus trop et je suis sur un projet pour l’année prochaine : la réalisation d’un site plus développé contenant tout une série de ressources pour les élèves, en complément de l’ENT.
J’utilise peu Skitch. Lorsque je le fais avec les élèves, c’est pour légender des photos prise en classe (nous disposons de 4 tablettes, achetées pour l’atelier scientifique des mercredis des sciences, que nous utilisons parfois en classe). J’utilise Framapad avec les élèves de 3e pour les dossiers scientifiques (partie Responsabilité Humaine en Matière de Santé et d’Environnement). Je créé un pad par groupe. Ils ont l’adresse et peuvent ainsi travailler ensemble sur leur dossier en étant à distance. C’était un test cette année et j’avoue qu’il a été bien réussi ! Sur 3 classes de 3e, plus de 80% des élèves concernés ont utilisé l’outil à la maison pour avancer dans leurs recherches. Je leur fait utiliser en parallèle padlet pour collecter les documents qu’ils trouvent lors de leurs recherches.
J’utilise également Scoop-it à des fins de veille documentaire pour les élèves. Toujours pour les 3e, afin de les guider dans leurs recherches pour les dossiers scientifiques. Je peux aussi utiliser padlet en classe lorsque des élèves produisent, par exemple, un dessin d’observation ou un schéma. Je prends leur production en photo et elle s’affiche sur le mur de padlet au vidéoprojecteur. Ainsi nous pouvons travailler ensemble sur les erreurs à ne pas faire ou au contraire, mettre en valeur leur travail.
Vous utilisez également les réseaux You Tube et Twitter en cours, pour quelles pratiques ? Quels sont les avantages de ces outils en SVT ?
J’utilise Youtube uniquement pour poster mes capsules vidéo. J’ai créé un compte Twitter pour mettre en valeur le travail des élèves (@svtflagon). Je poste régulièrement leurs productions et leurs expériences. Twitter permet aux élèves d’avoir un accès rapide à ce qu’ils ont fait en classe et à le partager. Dans les faits, peu d’entre eux ont un compte Twitter mais ils peuvent y avoir accès, le compte que j’utilise étant public. C’est moi qui poste sur ce compte, pas les élèves. Mais la prochaine étape sera de leur faire poster leurs productions eux même.
Quelques mots sur votre futur projet d’infographies …
J’aimerai développer des infographies pour les élèves (pour des fiches techniques, des bilans, des schémas…) afin de donner une unité graphique dans mes documents. Mais ce n’est qu’une petite partie de mon projet. Je souhaite en effet mettre en place un site (en cours de développement), plus qu’un simple blog, qui sera accessible aux élèves en complément de l’ENT du collège. Sur ce site je pourrai mettre en lien l’ensemble des vidéos / infographies / documents que je proposerai aux élèves.
Je souhaite vraiment développer l’usage du numérique avec et par mes élèves. Je souhaite qu’ils développent leur culture numérique et qu’ils aient un usage raisonné de cet outil.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Site de Justin Zallio
https://fflagon.ac-creteil.fr/wordpress/svt/?ticket=
Chaîne You Tube
https://www.youtube.com/channel/UCDJeQgP4BfPI0z2PUwLLY-g