Que penser de la refondation ? Philippe Meirieu y voit surtout des occasions manquées et un projet inachevé. Mais aussi une dynamique déjà menacée.
La refondation, dans sa démarche même, a soulevé beaucoup d’espoirs. Je fais partie de ceux qui, malgré le bel effort de Vincent Peillon pour en montrer la cohérence, n’a pas été complètement convaincu par le texte de la loi : un collage, parfois maladroit, évoquant plutôt des « réparations » qu’une « refondation ». Un ensablement de la réforme des « rythmes » jusqu’au décret, qui contre toute la logique annoncée, permet de dégager le vendredi après-midi sans toucher au reste, et d’accroître ainsi le déséquilibre du temps de l’enfant.
Mais des « éclaircies » intéressantes, en particulier pour l’enseignement primaire, des chantiers prometteurs sur le numérique et les programmes, des initiatives positives sur les décrocheurs et la répartition des moyens en fonction des difficultés sociales des familles…
Au total quand même pas vraiment de projet global, lisible par tous les citoyens (les parents en particulier) et accordé aux défis d’aujourd’hui. On campe toujours sur « la forme scolaire » héritée de Guizot, on reste toujours aussi jacobin sur les modalités sans véritable garantie de l’Etat sur la cohérence des finalités, on loue l’innovation sans toujours soutenir les innovateurs, on exalte des valeurs sans voir comment seule leur mise en pratique au quotidien dans nos institutions permettrait de les rendre crédibles.
Et la priorité au pédagogique, maintes fois réaffirmée, restera tâtonnante tant que la formation initiale et continue des enseignants ne la prendra pas au sérieux, tant que les concours resteront inchangés, que les corps d’inspection ne verront pas leurs missions évoluer…
Reste quand même une dynamique et de belles initiatives qu’il faut, plus que jamais, soutenir et développer… si l’on ne veut pas que, faute d’avoir montré sa capacité à évoluer, le service public soit bientôt terriblement menacé par une privatisation déjà rampante.
Philippe Meirieu