Réunies à Paris les 2 et 3 mai, les Journées de la refondation de l’Ecole veulent faire le point sur ce qui était la priorité du quinquennat. Quatre ans après la grande concertation lancée par Vincent Peillon, quel bilan peut en être dressé ?
Orléans 2012
Orléans, mars 2012. Le candidat François Hollande présente ce qui sera sa politique éducative s’il est élu. « C’est un nouveau contrat entre l’école et la Nation, un pacte éducatif, une réforme globale », qu’il propose. » La France, parce qu’elle est une République, entretient un rapport particulier, privilégié, à son Ecole », déclare-t-il. Or » jamais l’Ecole de la République n’a été à ce point attaquée, brutalisée, qu’au cours de ces cinq dernières années, dans ses moyens bien entendu, et tout autant dans ses missions, mais surtout dans ses valeurs. Il va nous falloir rectifier cette erreur qui est une faute, la corriger, la réparer », promet-il. « L’échec scolaire n’est pas une fatalité ! Non, la réussite des uns ne se nourrit pas forcément de l’échec des autres ! On veut trop souvent nous faire croire que pour que les uns réussissent les autres devraient échouer ! Les raisons de l’ampleur de l’échec scolaire en France sont ailleurs, dans cette “machine à trier” qu’est devenue notre Ecole », affirme-t-il.
Beaucoup a été fait
Depuis, beaucoup a été fait. Le gouvernement a préparé une loi d’orientation que Vincent Peillon a réussi à faire voter par toute la gauche. Des décrets puis des circulaires en sont sortis. Ce travail législatif et réglementaire a été immense et a occupé les différents cabinets des ministres de l’éducation nationale et les cadres du ministère pendant des années. Car la voie qui a été choisie n’était pas indispensable et ce n’est pas la plus courte…
Un autre travail de fond a été réalisé avec la création des nouveaux programmes de la maternelle à la fin du collège. Globalement c’est une réussite. Ceux de maternelle ont été très bien acceptés. Les programmes de l’école et du collège soulèvent peu d’objections, si ce n’est des débats stériles sur l’enseignement de l’histoire ou la réforme de l’orthographe. Pour les professionnels de l’enseignement, c’est une page importante qui a été tournée.
La promesse de créer 54 000 postes dans l’enseignement scolaire est en passe d’être réalisée. C’était un pari audacieux et il ne sera tenu qu’avec difficultés. Mais c’est aussi une rupture radicale avec la politique menée avant 2012. La moitié de ces postes ont permis de recréer une formation des enseignants que l’équipe précédente avait été assez folle pour détruire. Le budget de l’éducation nationale a été revu à la hausse.
Quelle réponse à la question des inégalités ?
Pour autant aura-t-on répondu aux besoins du systèmes éducatifs ? Trois se faisaient sentir avec urgence en 2012.
Le premier c’est bien sur la montée des inégalités sociales dans le système éducatif. Est-il utile de redonner des chiffres ? L’étude Pisa 2012 a montré que la France est le pays où l’origine sociale pèse le plus sur les résultats scolaires. Les inégalités d’offre d’enseignement entre les établissements sont devenues très importantes. Une véritable ségrégation sociale et scolaire s’est mise en place au point que les collèges sont plus ségrégatifs que les quartiers qui les environnent. Les travaux de G Felouzis, A Van Zanten ou P Merle, les études précises, lancées par la région Ile-de-France puis par le Cnesco, le rapport Delahaye ont conduit à des diagnostics précis sur ces points.
La Refondation a-t-elle apporté des réponses satisfaisantes ? Là aussi beaucoup a été fait. Les enseignants des REP et REP+ ont obtenu une revalorisation. Les équipes pédagogiques ont été reconnues réellement dans les REP+ grâce à un allègement horaire. Des formations sont dispensées, des référents mis en place. Tout cela représente un nouvel investissement réel que le ministère évalue à plus de 300 millions. Une politique de mixité sociale vient d’être lancée par le ministère en collaboration avec les collectivités locales.
Pour autant est-ce à la hauteur du défi ? L’affectation des moyens des académies en fonction de leurs réalités sociales (environ 1600 postes ) est une réalité au niveau national. Mais comment est-elle utilisés sur le terrain ? Car l’écart du nombre d’élèves par classe entre les établissements REP et les autres reste minime. L’effort de formation et celui pour travailler en équipe est mis à mal par la rotation permanente des enseignants dans l’éducation prioritaire. Quant à la politique de mixité sociale elle est d’une grande modestie dans ses objectifs. Ajoutons que cette politique qui aurait du être le phare de la politique ministérielle, celle sur lequel il aurait du construire sa crédibilité et la confiance a été aussi minorisée par la mise en route de nombreuses autres politiques jusqu’à l’illisibilité.
La gouvernance s’est elle améliorée ?
Le second c’est la gouvernance du système. La question avait été soulevée elle aussi dès la première concertation. Elle est à traiter à tous les niveaux. L’encadrement traditionnel des enseignants ne correspond pas aux attentes et la méfiance est très profonde. A un niveau au-dessus, la refondation a plutôt encouragé le partage des responsabilités éducatives entre Etat, collectivités locales, rectorats. Beaucoup d’argent est dépensé pour des politiques pleines de bonne volonté mais souvent réduites par le partage des rôles à être déversé à coté des besoins…
Les enseignants ont-ils été revalorisés ?
Le troisième, et ce n’est pas le moins important, c’est la revalorisation morale et matérielle des enseignants. Une des formules heureuses de 2012 était que « l’ère du mépris était finie ». Ca se lit d’abord dans le nombre d’élèves par classe. Or depuis 2012, ils ont augmenté à tous les niveaux malgré les créations de postes. Les raisons sont bien connues. D’une part la remise en route de la formation a absorbé une grosse partie des créations de postes. D’autre part le ministère a lancé de nombreuses politiques différentes qui se font concurrence pour les moyens alors que la croissance démographique était forte. Les enseignants ont donc vu à la fois les annonces de créations de postes et l’aggravation de leurs conditions de travail, ce qui n’encourage pas la confiance… Rien n’a été fait pour moderniser la gouvernance du système. Le ministère a géré ses réformes comme avant avec le succès que l’on constate. Quant à la revalorisation salariale, il semble que le ministère découvre maintenant son urgence…
Et après ?
Dans quelques mois probablement des acteurs clés de la Refondation livreront leurs explications des échecs et des retards. Ils auront à expliquer pourquoi le bilan de la Refondation est positif mais décevant. Et nous nous avons dès maintenant à réfléchir aux erreurs commises sans même avoir l’espoir de les voir corrigées.
François Jarraud