En 2017, les candidats passeront une heure de plus à réaliser les épreuves du brevet. Ainsi en a décidé l’Education nationale qui publie au B.O. le détail des épreuves du nouveau brevet. Fruit d’un très long et très délicat équilibre entre les disciplines, les syndicats et l’administration, le nouveau brevet est encore plus complexe. Au final, ses épreuves sont d’autant plus compliquées qu’elles ne servent plus à grand chose, l’examen étant donné au contrôle continu. Alors quel avenir pour le nouveau brevet ?
Entre validation du socle et examen final…
Le brevet peut-il échapper à l’absurdité ? Dans l’ancien brevet, pour obtenir le brevet il fallait à la fois valider le socle commun et obtenir une moyenne générale de 10 à des épreuves en contrôle continu et en évaluation finale. Du coup, 91% des élèves validaient le socle dans des conditions d’une très grande générosité…
Le nouveau brevet retrouve cette problématique existentielle. Le brevet valide le socle commun mais il prétend en même temps être un examen. Et pour faire bonne figure, on lui a même ajouté quelques disciplines en examen final… Entre logique disciplinaire et socle, le ministère a réussi à construire un petit monstre bureaucratique. Et pour couronner l’édifice, il a cru bon planter le drapeau : à partir de 2017, les collèges devront organiser une cérémonie de remise des diplômes.
La validation du socle
Le nouveau brevet se compose de deux catégories d’épreuves. Les premières consistent en la validation du socle qui est réalisée pour chacune des composantes du premier domaine du socle (langages : français, maths, langues) et chacun des quatre domaines (méthodes et outils pour apprendre, formation du citoyen, systèmes naturels et systèmes techniques et représentations du mode et de l’activité humaine). » Le niveau de maîtrise atteint par l’élève… est fixé en conseil de classe du troisième trimestre de la classe de troisième : il résulte de la synthèse des évaluations réalisées par les enseignants de ce niveau ainsi que de celles menées antérieurement durant les deux premières années du cycle 4″, précise le BO. Il doit y avoir « harmonisation des processus d’évaluation » sous la responsabilité des professeurs principaux.
C’est au conseil de classe du 3ème trimestre de l’année de troisième que » l’équipe pédagogique évalue le niveau de maîtrise atteint. Le chef d’établissement certifie ce niveau et en porte attestation sur le livret scolaire dans le bilan de fin de cycle 4″.
Selon les cas, le conseil de classe accorde un nombre de points pour chacune des 8 compétences : 10 points si le candidat obtient le niveau « Maîtrise insuffisante » ; 25 points s’il obtient le niveau « Maîtrise fragile » ; 40 points s’il obtient le niveau « Maîtrise satisfaisante » ; 50 points s’il obtient le niveau « Très bonne maîtrise ». A ces points peuvent s’ajouter des majorations de 10 ou 20 points pour un enseignement de complément (langue et culture de l’Antiquité ou langue et culture régionale ou découverte professionnelle). « Des points supplémentaires sont accordés dans les mêmes conditions aux candidats qui ont suivi un enseignement de langue des signes française ».
L’épreuve orale en établissement
Deuxième type d’épreuve : l’épreuve orale. Il s’agit de la soutenance d’un projet devant un jury composé de deux enseignants de l’établissement entre la mi avril et le dernier jour des épreuves de l’examen. Cette date est un peu curieuse. S’agit-il de donner un ultime coup de pouce à des élèves en difficulté ? L’épreuve porte sur un des projets menés en EPI ou dans le cadre d’un parcours Avenir , parcours citoyen, parcours d’éducation artistique et culturelle, au choix du candidat. Le jury évalue la qualité de l’expression orale et la maitrise du sujet.
Les épreuves écrites finales
Troisième type d’épreuve : les épreuves finales écrites. Elles portent maintenant sur 7 disciplines : les maths, les SVT, la physique-chimie, la technologie, le français , l’histoire-géographie et l’EMC. Le brevet précédent ne concernait que les maths, le français ,l’histoire-géo et l’instruction civique.
En maths sciences (100 points)
Les épreuves commencent par 3 heures de maths et de sciences. En fait il y a deux épreuves séparées selon les disciplines. L’épreuve de maths dure 2 heures, suivie d’une heure en sciences où 2 disciplines sont tirées au sort chaque année. La circulaire évoque quand même une « thématique commune » aux exercices qui « doivent pourtant pouvoir être traités par le candidat indépendamment les uns des autres », dernière velléité de faire un sujet commun….
Ce qui est nouveau c’est l’esprit Pisa des sujets : « Certains exercices exigent de la part du candidat une prise d’initiative. Les exercices peuvent prendre appui sur des situations issues de la vie courante ». De la même façon, « les solutions exactes, même justifiées de manière incomplète, comme la mise en œuvre d’idées pertinentes, même maladroitement formulées, seront valorisées lors de la correction. Doivent aussi être pris en compte les essais et les démarches engagées, même non aboutis ».
Français histoire-géo (100 points)
Le deuxième jour de l’examen est consacré à 5h15 d’épreuves pour le français, l’histoire-géo et l’EMC. Là l’administration a fait encore plus compliqué. » L’épreuve se compose de deux parties : une première partie, d’une durée de trois heures, évalue principalement la capacité des candidats à comprendre, analyser et interpréter des documents et des œuvres, qu’ils soient littéraires, historiques, géographiques, artistiques ou qu’ils relèvent du champ de l’enseignement moral et civique ». Mais chaque discipline doit s’y retrouver et on aura donc un jeu de copies différente. Une deuxième partie, d’une durée de deux heures, évalue principalement la capacité des candidats à rédiger un texte long ». Cet imbroglio nous vaut des précisions comme celle-ci : « La maîtrise de la langue française à l’écrit est évaluée par des exercices différents dans chacune des deux parties, mais principalement dans la deuxième consacrée à l’écrit sous différentes formes ».
La première partie comporte donc un dossier documentaire avec des questions en histoire-géo, EMC d’un coté et en français de l’autre, y compris des questions de cours. Dans la seconde partie on retrouve la dictée avec exercice de grammaire et un travail d’écriture.
Nouveaux et anciens sujets
Nous avons comparé les sujets zéro du nouveau brevet et les sujets du brevet 2015. Malgré le nouvel examen il y a beaucoup de points commun. La dictée et l’exercice de grammaire sont identiques. L’exercice sur texte littéraire ne change que parce qu’il demande un lien entre texte et image. En histoire-géographie, on retrouve un exercice de localisation sur carte, des questions sur les documents. Ce qui a changé c’est que les textes sont plus longs et que les questions amènent davantage à des réponses rédigées que dans l’examen actuel où les élèves remplissent des lignes directement dans des cases sur le sujet.
Et tout ça pour ça ?
Les avis sont partagés sur le nouveau brevet. Joël Lamoise, secrétaire national du syndicat de chefs d’établissement Snpden, fustige sur Twitter « un petit bac » :
Des professeurs d’histoire-géo relèvent les fautes d’orthographe du sujet zéro… Une enseignante souligne la baisse de niveau : « Des exigences en baisse alors que c’était déjà accessible à la grande majorité des élèves. Seule nouveauté positive : le développement construit sur plus de 10 points alors qu’il ne faisait que 4 ou 5 points ».
Mais on peut surtout s’interroger sur la survie d’un examen qui sera inutile pour la grande masse des candidats. En effet pour avoir le brevet et participer à la cérémonie de remise des diplômes, il sera nécessaire d’avoir 350 points. Or beaucoup d’élèves auront ces points avant de passer les épreuves, si tant est qu’ils aient l’obligation de les passer.
Un élève moyen partira déjà avec 320 points obtenus lors de l’évaluation du socle. Dans certains cas cela pourra même monter à 340 ou 350 points avec le jeu des options. Pour la plupart des candidats, les épreuves ne seront là que pour attraper les 10 ou 20 points manquants. Est-il nécessaire d’imposer à 800 000 jeunes et des dizaines de milliers d’enseignants 8 heures d’examen, des jeux de copies sophistiqués pour un résultat couru à l’avance ? Faute d’avoir su trancher entre validation du socle ou examen final, on peut s’interroger sur l’avenir de ce nouveau brevet.
François Jarraud