Jusqu’où doit s’exercer la libre expression en classe ? Comment concilier l’obligation du débat, que les nouveaux programmes imposent, et la règle éducatrice qui veut que l’enseignant laisse l’élève construire ses idéaux librement ? Evidemment on nous dira que la solution est dans l’éthique professionnelle. Mais celle-ci s’exerce dans un cadre administratif. Or celui ci est en train de changer et déjà les appels à « la réserve », un mot décidément à la mode, se font entendre…
» On peut sans doute espérer que le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires sera définitivement adopté dans les prochaines semaines. S’il est une de ses dispositions qui n’a guère varié.. c’est celle qui introduit à l’article 25 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires le principe selon lequel, dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire est tenu à l’obligation de neutralité », écrit Catherine Moreau, directrice juridique du ministère de l’éducation nationale, dans La lettre d’information juridique de ce mois.
La Lettre pointe plusieurs arrets rendus récemment qui vont déjà dans le sens de l’installation de cette obligation de réserve. Aini un arrêt du tribunal administratif de Nantes rendu le 9 décembre 2015 valide l’exclusion d’un an d’un professeur d ‘histoire-géographie qui assurait la promotion de ses idées d’extrême droite jusque dans les bibliographies orientées données aux élèves. La Lettre cite le cas d’un enseignant qui distribuait des tracts anti IVG en classe. Mais aussi le cas d’un enseignant condamné pour avoir utilisé l’adresse mail de son établissement pour une association cultuelle.
» Pour apprécier la légalité des sanctions infligées à ces enseignants, les juges ont bien évidemment pris en compte la teneur et la gravité des faits reprochés, mais également la nature de leurs fonctions », relève C Moreau. Autrement dit le devoir de réserve est plus important quand on est cadre que simple enseignant. C’est cette appréciation que la loi pourrait remettre en compte.
La question est sensible. Dans le contexte actuel , l’institution invite les enseignants au débat avec les élèves sur les valeurs républicaines. Cela augmente les risques de dérapage et élève le niveau de savoir professionnel attendu des enseignants. Comment concilier le besoin de débat avec cette nouvelle pression hiérarchique ? Car le principal risque, dans une Ecole hiérarchisée, serait de faire de l’Ecole une nouvelle grande muette. Et de passer à coté de l’obligation éducative.
F Jarraud