Commencée au salon Educatice, l’enquête sur l’offre numérique se poursuit aux Netjournées organisées du 16 au 18 mars à Bischoffsheim par Itop et l’académie de Strasbourg. Durant trois jours des centaines d’enseignants de l’académie ont pu travailler en atelier et découvrir les nouveaux produits d’Itop. Hervé Borrédon, président d’Itop, évoque le plan numérique et la place que son entreprise entend y prendre.
Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous faire une rapide présentation de l’entreprise et de vos produits ?
Itop est une PME de 80 personnes. Nous nous sommes spécialisés dans les produits qui offrent des solutions numériques de la maternelle au Bac et on intervient à la fois sur la partie ENT dans les établissements qui nous ont choisis et sur les différentes « briques » de vie scolaire (notes, absences, générateur d’emplois du temps), essentiellement de l’administratif. On a également des plates-formes pédagogiques qui permettent de créer des parcours pédagogiques pensés pour les premier et second degrés. Dernier volet de notre activité, ce sont les ressources dans toutes disciplines principales. Sur le site, une possibilité est offerte de teste ces ressources pendant un mois librement pour pouvoir les tester.
Pour l’instant ces ressources ne couvrent pas l’intégralité des programmes scolaires, mais bien sûr on peut en créer d’autres, et prendre en compte les évolutions des programmes ainsi que les évolutions techniques (html5 par exemple).
Nous disposons d’un spectre de possibilités d’équipement relativement larges, ce qui nous permet de proposer des solutions globales y compris lorsqu’il s’agit de mener de grands projets comme en Alsace ou en Lorraine, cette année. En plus de notre coté « éditeur », on a aussi un volet prestations de services qui est là pour accompagner les logiciels (exploitation, supports, déploiement, formateurs,…).
A la rentrée en théorie, 40% des collèges pourront disposer d’une tablette par élève. Comment Itop s’organise-t-elle pour la préparation du plan numérique ? Quelles solutions vont être proposées dans ce cadre ?
Itop est présent dans 25% des collèges français à travers son ENT et cette ENT est déjà compatible avec les tablettes. Dans le cadre plus spécifique du plan numérique, nous lançons cette semaine, à l’occasion des NetJournées de Bischoffsheim un produit qui s’appelle le Net Educ Cloud, qui est une grosse plate-forme de services de ressources granulaires, compatibles avec les tablettes, les équipements numériques,… Cette proposition retient l’idée native de l’ENT à laquelle s’ajoute cette plate-forme de ressources pédagogique provenant de plusieurs partenaires et éditeurs, alors qu’auparavant, seules nos ressources étaient intégrées. Là, l’enseignant aura le même outil, la même plate-forme mais il pourra utiliser des ressources autres, quels que soient l’éditeur et la provenance de la ressource, y compres des ressources du web ou des ressources qu’il aura créé lui-même.
Que pense Itop de ce plan numérique ? L’équipement en matériel suffira-t-il ou faudra-t-il aussi nécessairement intégrer de la formation ?
Sur le papier, le plan est très bien. En pratique, on attend de voir ce qui va réellement se faire. Globalement, et très certainement, on constate que le nombre de déploiement de matériel ne sera pas ce qui est prévu. Pour l’entreprise, ça n’aura pas de conséquences, ça nous est un peu égal… Personnellement, je pense que la solution à mettre en place, c’est le Byod : chaque élève amène son matériel. Il vaut mieux que les collectivités se concentrent sur les élèves en difficultés financières comme pour les voyages scolaires, car elles n’auront jamais assez de budget pour équiper tout le monde avec du matériel de qualité. Il vaut mieux qu’elles misent sur des infrastructures solides.
Dans la réalité, sur le terrain, on observe déjà des disparités : le déploiement ne va pas aussi vite que ce qui était annoncé. Le timing reste serré pour des questions de calendrier politique (élections de 2017) mais personnellement, je préfère que ça prenne six mois de plus et que ça s’implante bien correctement et surtout durablement, plutôt que ce soit stoppé net par des retours en arrière politiques ou budgétaires. L’important, dans ce plan, c’est qu’il impulse une dynamique générale. Peu importe la durée de déploiement au final… Les formations seront importantes, et pas forcément la formation aux outils : c’est surtout la formation à la pédagogie avec ces outils qui doit être prioritaire. C’est encore pour cette raison que je préfère qu’on mette plus de temps pour concrétiser ce plan numérique.
Quel accompagnement de vos produits mettez-vous en place sur le terrain ?
Il y a deux types d’accompagnement :
– tout d’abord, une formation en présentiel qui se fait dans les établissements ; ça marche bien, mais ce sont des formations lourdes et dures à organiser. En effet, autant les collectivités sont d’accord pour financer ces formations quand il y a un départ de projet, autant l’année suivante, malgré le turn-over des équipes enseignantes, ces formations ne sont pas reconduites ;
– à cela s’ajoute un accompagnement complémentaire sur le net, le web-inar, qui nous permet de proposer des tutoriels vidéos qui fonctionnent bien et un peu d’aide textuelle que, finalement, personne ne lit. Nous insistons sur les vidéos car elles permettent de montrer beaucoup en peu de temps
En plus de tout cela, nous avons amorcé la constitution de fiches d’usages et d’exemples concrets d’utilisation des produits.
Les NetJournées, chaque année, sont aussi un moment de formation important, c’est une réelle formation sur le terrain : cette année, ce sont près de 300 enseignants d’Alsace qui sont attendus sur le site de Bischoffsheim. C’est pour cela notamment qu’on change de région tous les deux ans (l’an prochain, elles auront lieu en Auvergne). Or, on s’aperçoit, dès la fin des Net Journées que les usages changent, dans les statistiques… Dès que les enseignants ont eu les formations avec les Net Journées, on voit une modification des pratiques.
Comment se fait l’adaptation des produits aux attentes du rectorat et des enseignants ?
C’est surtout à l’occasion des Net Journées, encore une fois, que nous pouvons prendre la température des demandes : une matinée sur des ateliers thématiques prospectifs est organisée chaque année : on interpelle directement les usagers et on leur demande ce qu’ils attendent, en termes de besoins, de solutions, ou s’ils ont des difficultés particulières. Une des raisons d’être des Net Journées, c’est qu’elles nous permettent d’avoir des retours plus larges que ceux de nos interlocuteurs habituels, les DAN (Délégué Académique au Numérique), en l’occurrence. Là, on se retrouve face à la diversité et à la mixité du terrain, cela nous permet de mieux cibler les attentes des utilisateurs réels.
Cet afflux de matériel va poser des problèmes (problèmes de maintenance, de montée en puissance des réseaux, de stockage des tablettes dans les établissements, etc.) : comment l’offre doit elle s’adapter ?
Ce sont des questions à laquelle Itop ne peut pas répondre. Les problèmes, nous les connaissons très bien. Parmi mes partenaires, certains essaient de trouver des solutions, c’est leur job. Les collectivités doivent concentrer leurs efforts sur des infrastructures qui fonctionnent bien plutôt que de dépenser de l’argent dans du matériel qui risquent d’être rapidement obsolètes, qui posera de toute façon des problèmes d’assurance,… Mais ce n’est vraiment pas notre périmètre d’intervention.
Comment se fait la relation avec la collectivité territoriale ?
Aux Net Journées, 45 personnes de la collectivité sont là. On leur propose également des ateliers. Jusqu’en 2010 à peu près, elles étaient vraiment là pour faire un chèque. Aujourd’hui, elles deviennent de réels partenaires : il n’y a encore pas si longtemps, elles s’occupaient du financement et le Rectorat gardait une mainmise sur les décisions techniques, pédagogiques, les besoins en formations des enseignants,…. Ca pouvait créer des tensions. Maintenant, elles s’approprient même les ENT pour leurs propres besoins (demandes de subventions, relations cantine et périscolaire, dossiers et projets,…) ; du coup, on développe des spécificités exprès pour elles et on organise aussi des ateliers spécifiques pour nous permettre d’établie leurs besoins.
Comment s’organise le projet entre le Conseil départemental, le Rectorat et Itop ?
La relation contractuelle est entre Itop et le Conseil départemental ou le Conseil régional qui passe l’appel d’offres, mais cela est souvent complété par une convention entre le Rectorat et les collectivités. Dans cette convention, une partie concerne l’ENT et on organise des comités de pilotage. Ici (en Alsace), la région et les deux départements ont fait un seul appel d’offre. Ce qui est financier et technique est plutôt pris en charge par la collectivité ; quand il s’agit de pédagogique ou de formation, c’est le Rectorat. Aujourd’hui, tout cela se fait beaucoup
plus naturellement qu’au départ.
Plus globalement, ce plan va-t-il permettre une émergence d’une industrie française du logiciel éducatif ?
Effectivement, on a commencé à trois. Maintenant, on est 80 dans l’entreprise. Tout dépend de comment le plan numérique va être mis en œuvre. Si c’est pour acheter des tablettes aux Chinois, il n’y a aucun intérêt mais ça ne semble par partie pour. C’est l’occasion de créer un marché qui permet d’avoir une industrie pérenne et donc qui permet d’investir. En France, nous sommes très bien accompagnés en recherche et développement. Il n’y a aucun équivalent dans le mode : nous proposons beaucoup de choses innovantes. Cependant, comme le marché intérieur n’est pas très stable, on n’a pas les moyens d’aller se développer à l’international. On espère que ce plan va permettre un peu aux petites boites de se développer justement.
Chez Itop, nous avons décidé de lancer une nouvelle plate-forme éducative, OZE, qui a vocation à remplacer les ENT actuels : on a décidé de refaire ces ENT avec une évolution forte, on va fusionner l’ENT, la vie scolaire avec des zones technologiques et ergonomiques qui n’étaient pas top, on va rajouter le côté pédagogique avec de nombreuses ressources, le tout dans une nouvelle ergonomie complètement adaptée aux tablettes. On fait ce choix là pour répondre aux demandes du plan numérique bien sûr, mais aussi pour répondre aux évolutions de la société. En 2006, si le serveur dysfonctionnait ou était en arrêt deux jours, il n’y avait aucune répercussion pour nous. Aujourd’hui, si le serveur saute trente secondes, c’est l’alerte générale et nous sommes sollicités en urgence. En effet, quand on a commencé à développer nos ENT, les tablettes et les smartphones n’existaient pas encore. Au bout de dix ans, on repart sur un nouveau produit grâce à la recherche et développement des dernières années, pour se projet sur des logiciels plus adaptés aux besoins des utilisateurs.
Que peut on attendre des produits ? Un changement radical dans l’enseignement ? Sur quels points ?
Effectivement et surtout, le produit OZE lancé pendant ces Net Journées va permettre de changer radicalement la manière d’appréhender le numérique éducatif. On le voit avec les ENT qui ont déjà changé de manière durable le fonctionnement des établissements scolaires, ils ne peuvent plus s’en passer ! C’est l’idée pour OZE : nous allons produire des entrées à plusieurs niveaux (faire des trucs de base pour les débutants, plus complexes pour les plus avancés) et le but est véritablement de changer la manière durable d’enseigner.
L’une des forces de l’offre qu’on va proposer sera l’évaluation et le suivi beaucoup plus personnalisé des élèves. Pour l’instant, ça reste dans le théorique mais là on veut aider l’enseignant à détecter des choses et donc adapter ce qu’il va donner aux élèves. Ca peut aller jusqu’à l’individualisation totale. Autre chose d’importance : la notion de production de ressources par l’enseignant lui-même. Ce qui est innovant, c’est ça : il va pouvoir mélanger des choses provenant de nos ressources , puis des ressources du net puis des trucs qu’ils crée lui-même. Tout cela devient complémentaire. On est vraiment dans cette approche là.
Propos recueillis par Alexandra Mazzilli