Si motiver les élèves ne peut jamais faire de mal, est-ce une variable importante pour la réussite des élèves ? A entendre ce qui se dit en ce moment à Educatice, où on attend beaucoup sur ce point des outils numériques, ou ce qu’on lit dans les nouveaux programmes, l’affaire est entendue. Et , à vrai dire, au Café pédagogique on aimerait aussi croire que la motivation est un levier puissant. Le numérique doit motiver les élèves et la motivation amener la réussite. Ces évidences, dont on attend tant, méritent pourtant d’être étudiées de plus près. C’est ce qu’a fait le séminaire « Politiques éducatives » organisé par D. Fougère et A. Van Zanten le 8 mars. Sophie Morlaix, Pascal Bressoux, Denis Meuret, Thierry Rocher ont échangé sur els compétences non cognitives des élèves et parmi elles la fameuse motivation.
Une motivation qui décroit avec les années au collège
Ce qu’on sait de la motivation des élèves français, a rappelé Thierry Rocher (Depp ministère de l’éducation nationale) c’est qu’elle diminue au long du collège. Ainsi selon une étude Depp, le sentiment d’efficacité ne maths s’effiloche de la 6ème à la 3ème. En 6ème 67% des élèves se sentent efficaces en maths. Ils ne sont plus que 52% arrivés au port, en 3ème. La motivation intrinsèque évolue également défavorablement : l’idée de « je travaille pour apprendre des choses » réunit 71% des suffrages en 6ème et seulement 34% en 3ème. Pisa a aussi montré une anxiété des élèves français face à leurs résultats plus grande en France que dans les autres pays.
Quelque soit le style du professeur..
Pourtant cette baisse de motivation n’est pas obligatoire. Pascal Bressoux, université de Grenoble, montre, à travers une étude portant sur 600 élèves, qu’elle est aussi forte à la fin qu’au début de l’école élémentaire. L’enseignement ne l’érode pas forcément. Pourtant une autre étude portant sur les collégiens montre une chute constante de toutes les formes de motivation au fil des années collège. Parallèlement croit l’amotivation. Cette évolution est d’ailleurs indépendante du style d’enseignement du professeur. Il peut être directif ou flexible, cela peut satisfaire les besoins psychologiques fondamentaux de l’élève, à savoir avoir de l’autonomie, se sentir faire partie d’un groupe (sentiment d’affiliation) et avoir un sentiment de compétence.
Des élèves de REP plus confiants dans l’école… car surnotés ?
Mais l’apport le plus novateur est venu de Sophie Morlaix, professeure à l’IREDU, Université de Bourgogne. Elle a travaillé sur un échantillon de 800 collégiens de troisième , un tiers en REP, deux tiers dans des collèges non REP mais très populaires. Avec l’objectif de mettre en évidence les compétences non cognitives des élèves et leur impact sur les résultats scolaires. Pour cela , à coté d’un questionnaire sur leur ressenti, les élèves ont passé des tests tirés de Pisa pour évaluer leur niveau scolaire.
Première constatation : les élèves des REP sont bien surnotés. En maths leur moyenne est de 12.3 contre 11 pour les collèges non rep mais ayant des caractéristiques sociales équivalentes. Or aux tests tirés de PISA les premiers ont 5.59 et les seconds 6.12. L’idée que les enseignants notent plus généreusement en REP n’est pas nouvelle. Mais elle est établie par S Morlaix.
Arrivons en à la motivation et aux compétences non cognitives et à leur impact sur la réussite scolaire. Ce qui différencie les élèves des REP des no REPS, c’est leur confiance dans leur réussite au bac en 3 ans, leur refus du CAP. Ils ont aussi davantage confiance en l’école, un meilleur sentiment de maitrise , de confiance dans leurs capacités. Par contre il ont moins de respect des règles.
Coopération et motivation ne suffisent pas
Sophie Morlaix a cherché à voir les rapports entre ces compétences et la réussite scolaire. Elle établit un lien fort entre le respect des règles et le niveau scolaire. L’ambition scolaire st aussi corrélé positivement avec le rapport à l’école et le respect des règles. Par contre l’intérêt pour la coopération est marquée négativement pour la réussite scolaire.
Que tirer de ces études ? D’abord le statut ambigu de l’intérêt porté à la coopération. Mise en avant dans les nouveaux programmes du secondaire, elle n’est pas liée à la réussite scolaire. Est-ce parce qu’elle est plus appréciée par les élèves faibles ? Une autre leçon concerne le sentiment de bien être à l’école. L’exemple des REP montre que le bon rapport à l’école, s’il est positif pour la relation avec les élèves, et même un fort sentiment de maitrise ressenti par eux, deux caractéristiques des élèves des REP, ne suffisent pas à la réussite des élèves. On peut même se demander si on ne trompe pas un peu les élèves de cette façon. Miser sur la seule motivation des élèves, sur la relation avec eux ne suffit pas. Enfin, Denis Meuret, a insisté une variable plus classique mais liée à la réussite scolaire : le respect. Or Pisa nous a aussi appris que les élèves français sont parmi les moins respectueux des élèves de l’OCDE…
François Jarraud