Comment consacrer davantage de temps aux élèves en difficulté grâce à la classe inversée ? Vincent Jaouen, enseignant de sciences-physiques et Didier Tanguy en mathématiques au lycée Coëtlogon de Rennes (35) réalisent des capsules pour leurs élèves. Comment ces enseignants utilisent-ils Screencast, Edmodo et Zaption pour leurs cours ? Quels sont leurs indicateurs de réussite en classe ? Pour quelle autonomie des élèves ? Rencontre avec ces enseignants présents à l’atelier Canopé 35 de Clise2016.
Comment fonctionne votre classe inversée en 2nde ?
Nous menons ce projet avec une classe de Seconde bac pro ASSP depuis le début de l’année scolaire 2015-2016. Les 30 élèves de cette classe ont, en amont de chaque séquence, un travail à effectuer à la maison qui consiste à étudier des notions de mathématiques ou de sciences-physiques en lien direct avec les activités proposées en classe. Ces notions sont proposées sous forme de capsules (vidéos de courte durée) réalisées par l’enseignant. Lorsque les élèves arrivent en classe, ils peuvent travailler, par petits groupes, et réinvestir utilement leurs acquis, favorisant en cela l’autonomie.
L’enseignant a davantage de temps à consacrer aux élèves en difficulté et permet la différenciation.
Quelle est l’origine de ce projet ?
L’idée est venue suite à notre participation à un groupe de production de mathématiques et sciences-physiques lors de l’année scolaire 2014-2015. Nous avions pour mission de tenter l’expérience classe inversée sur une séquence avec l’une de nos classes. La réaction des élèves nous a encouragés à mener le projet sur une année scolaire complète avec une classe en commun.
Qu’est-ce qui motive deux enseignants à travailler ensemble en classe inversée ?
Les compétences évaluées sont communes aux mathématiques et sciences-physiques. Nous travaillons donc fréquemment en interdisciplinarité. Il nous a semblé naturel de mener ensemble ce projet afin de confronter nos points de vue sur cette nouvelle approche pédagogique et d’en tirer des enseignements utiles. De plus, le fait de ne pas travailler de manière isolée dans une classe donne davantage de légitimité pour la mise en œuvre de cette pratique.
Vous avez chacun votre chaîne YouTube et produisez vos propres capsules. Quels outils utilisez-vous ? Quels avantages voyez-vous à réaliser des vidéos personnelles plutôt que d’en sélectionner d’autres sur la toile ?
Les vidéos sont généralement de deux types. Celles que l’on réalise en enregistrant l’écran d’ordinateur (ou bien une zone de l’écran) en effectuant un travail commenté pour expliquer une notion importante illustrée grâce à un travail réalisé à l’aide d’un logiciel de géométrie dynamique par exemple. Dans ce cas, on utilise un logiciel type Screencast. La voix de l’enseignant accompagne le travail. La qualité visuelle de ce type de vidéo est très bonne.
Celles que l’on réalise de manière « classique » à l’aide d’une webcam ou d’une tablette et d’un logiciel de montage type windows movie maker. Sur ces vidéos, les élèves voient l’enseignant travailler (faire un exercice sur feuille par exemple). La voix de l’enseignant accompagne la gestuelle afin de placer un commentaire sur le travail effectué. La qualité visuelle de ce type de vidéo n’est pas parfaite mais sur le plan pédagogique c’est intéressant pour les apprenants.
L’intérêt de réaliser les vidéos nous-mêmes tient surtout au fait que la narration est toujours effectuée avec la voix du professeur. Cette voix est une signature vocale et un repère important pour l’élève qui travaille à la maison avec son professeur « virtuel ». Produire nos propres vidéos permet aussi de transmettre un contenu précis et en lien direct avec les activités proposées en classe.
Quelle utilisation faites-vous de la plateforme Edmodo et de Zaption ? Des écueils à éviter ?
Les élèves se sont inscrits au tout début de l’année scolaire sur la plateforme Edmodo : outil simple d’utilisation et très pratique pour communiquer en ligne mais également pour déposer des documents sous divers formats ou des liens vers des vidéos.
Zaption est un logiciel qui permet de rendre une vidéo interactive. L’enseignant trouve sur Zaption des outils permettant de segmenter une vidéo, qu’il a lui-même créée ou copiée sur le net, afin de jalonner celle-ci de questions auxquelles les élèves doivent répondre au cours du visionnage.
Le logiciel Zaption fait apparaître différents indicateurs statistiques (durée de visionnage – nombre de bonnes réponses – pourcentage d’élèves ayant bien répondu…) qui constituent une source d’informations à disposition de l’enseignant lui permettant de faire un suivi du groupe-classe et donc de permettre une mise en œuvre plus aisée de la différenciation pédagogique en classe. Il faut éviter les vidéos trop longues. La durée moyenne des vidéos que nous proposons est de l’ordre de cinq minutes.
Avez-vous des retours de vos lycéens ? Quelles réussites observez-vous dans votre classe depuis ces changements ?
Certains de nos élèves, qui visionnent régulièrement les capsules mises en ligne et qui ont compris la philosophie du projet en utilisant à bon escient les vidéos en amont des séances classe, font de nets progrès dans nos matières qui n’étaient pas forcément leurs disciplines de prédilection au collège. La mère d’une de nos élèves est agréablement surprise des progrès spectaculaires réalisés par sa fille. Plusieurs parents sont attentifs à cette nouvelle approche pédagogique et visionnent même les capsules avec leur enfant.
Vous ambitionnez désormais de poursuivre ainsi sur les 3 années du lycée avec éventuellement d’autres collègues. Comment s’organise ce projet ?
Depuis la mise en place de la classe inversée au début de cette année scolaire 2015-2016, il arrive que nous nous fassions « interpeller » dans les couloirs de l’établissement, par des collègues s’interrogeant sur ce qu’est concrètement la classe inversée ou désirant la pratiquer avec leurs élèves. En échangeant de manière plus approfondie avec certains d’entres eux, l’idée de mettre en œuvre la classe inversée avec l’ensemble d’une équipe pédagogique d’un groupe-classe nous est apparue très vite évidente.
Des discussions sont en cours avec plusieurs collègues très motivés. Un travail en amont de la rentrée scolaire 2016-2017 va être réalisé par la future équipe.
Il nous semble très important que tous les membres d’une même équipe adhèrent au projet afin que nous le menions de concert sur tout un cycle de formation et pour pouvoir « mesurer » l’impact réel sur les apprentissages et l’autonomie des élèves.
Propos recueillis par Julien Cabioch