Les élèves les plus faibles ne sont pas les moins travailleurs, nous révèle la dernière livraison de PISA. L’OCDE publie le 10 février le dernier volume de PISA 2012 consacré aux élèves les plus faibles. La publication conforte les mauvaises performances et l’inégalité sociale de réussite dans l’école française. Elle donne aussi des indications sur les blocages purement scolaires du système éducatif français. Peuvent-ils être dépassés ? Pour Eric Charbonnier cela passe par une évolution de l’institution.
Ce sera sans doute la dernière livraison de PISA 2012. PISA 2016 est en cours de dépouillement et les premiers volumes sont attendus à la fin de l’année 2016. Cette dernière livraison est consacrée à une étude exhaustive des élèves les plus faibles. Ce sont ceux qui sont au niveau 1 ou en dessous de ce niveau. Concrètement, ces élèves sont tout juste capables de lire sommairement un graphique, de prolonger une évolution.
Des élèves faibles plus nombreux
En apparence, les résultats en maths, sciences et lecture des jeunes français sont moyens. La France compte 22.4% d’élèves très faibles en maths ce qui correspond à la moyenne de l’OCDE (24%). Cela représente quand même 165 000 jeunes de 15 ans qui ont un niveau tellement faible que leur avenir scolaire et social semble compromis. Les résultats sont de même niveau en lecture et sciences.
Mais la France a deux particularités. D’abord le nombre de ces élèves faibles est important pour un pays développé. Des pays infiniment moins riches font beaucoup mieux comme l’Estonie, la Pologne ou le Viet-Nam.
D’autre part le taux d’élèves faibles a fortement augmenté de 2003 à 2012. Alors que l’évolution entre ces deux dates est de 0.7% pour l’OCDE, elle est de 5.7% pour la France pour les maths. En lecture le taux d’élèves faibles a régressé dans l’OCDE de -1.7 alors qu’il augmente en France de 1.4%. En sciences par contre l’évolution française est un peu supérieure à celle de l’OCDE.
Le prix de la ségrégation sociale
Mais que sait-on de ces jeunes particulièrement faibles ? Ils ont une signature scolaire. La première c’est le poids du redoublement. La France est le pays où le redoublement compte le plus dans le destin scolaire. 57% des redoublants français sont classés dans les élèves très faibles contre seulement 8% des élèves « à l’heure » (18% dans l’OCDE). Cette caractéristique signe le manque de souplesse du système. Eric Charbonnier espère qu’avec les cycles de 3 ans cette caractéristique diminue.
Ils ont surtout une signature sociale. Un jeune de milieu populaire a 4 fois plus de chances de devenir un élève çà niveau faible qu’un camarade de milieu favorisé. 40% des enfants de milieu populaire ont un faible niveau en maths contre seulement 5% des enfants favorisés. « Mais ce qui me heurte le plus », nous dit Eric Charbonier, « c’est qu’un enfant scolarisé dans un établissement défavorisé a 40 fois plus de chances d’avoir un niveau faible qu’un jeune scolarisé dans un établissement accueillant des jeunes favorisés. On voit les écarts colossaux entre établissements ».
Comment expliquer cela ? « C’est l’absence de mixité sociale qui explique ces inégalités », nous dit Eric Charbonnier. « Quand les classes sont hétérogènes cela crée une dynamique. Mais certains établissements défavorisés ont tellement d’élèves en difficulté qu’il n’y a pas de dynamique positive. La solution c’est donner plus de moyens aux établissements défavorisés de façon à ce qu’ils recrutent des jeunes plus favorisés ».
PISA en fournit aussi une preuve inversée. Selon l’organisation, à catégorie sociale égale, les élèves des établissements privés sous contrat ont deux fois plus de chances d’avoir un niveau faible que ceux du public. C’est leur recrutement social favorisé qui fait que leurs résultats sont généralement supérieurs à ceux du public.
Changer la culture de l’institution
Comment améliorer ces résultats ? Pour Eric Charbonnier, l’école doit se rapprocher des parents particulièrement dans les zones défavorisées. « Il faut créer des liens entre la mission locale, l’école et les familles ».
Mais pour E Charbonnier, il faut aussi que l’institution scolaire change. « Aux Etats-Unis on affecte des chefs d’établissement bien formés dans les établissements en difficulté et on voit le niveau remonter. C’est aussi ce que montre le rapport Delahaye : à composition sociale égale des établissements voisins peuvent avoir des résultats très différents. Il faut croire dans des équipes pédagogiques soudées autour d un leader . On a l’habitude de rendre les enseignants responsables de tout. Mais c’est le chef d’établissement qui peut aider à créer une culture pédagogique dans l’établissement ».
« Aujourd’hui on a créé deux métiers, les enseignants et les chefs d’établissement avec peu de communication entre eux sauf hiérarchique. Regardez comment on a organisé la formation pour la réforme du collège. On tenait là une occasion unique de faire bouger les choses. Or on a formé d’abord els chefs d’établissements à part puis on leur a demandé de former les professeurs, alors qu’il aurait fallu former les équipes ensemble pour casser cette hiérarchie et créer une dynamique. D’autre part les enseignants aiment leur métier mais le système ne les encourage pas à prendre des initiatives. Il n’y a pas de dynamique dans le système. Combein des recommandations du rapport Delahaye verront le jour ? »
Peut-on changer l’Ecole en un quinquennat ?
Mais peut-on améliorer rapidement les résultats d’u système éducatif ? En France on aime dire qu’on verra les fruits de la Refondation dans 20 ans. « Dans PISA on voit qu’avec de bonnes réformes , notamment dans la réduction des inégalités, des pays obtiennent des résultats au bout de 4 à 5 ans ».
Dans quelques mois on aura les chiffres de PISA 2016. On sera 3 ans après la loi d’orientation. L’effondrement par le bas des résultats du système scolaire français aura-t-il été stoppé ou les résultats auront-ils continuer à se détériorer ?
François Jarraud