C’est sa première année en responsabilité. Néo titulaire, Camille Aymard enseigne les SES au lycée Senghor d’Evreux. Un premier contact avec le métier réel qui confirme le choix de devenir enseignante. Mais Camille envisage déjà de ne pas le rester toute sa vie…
Pour les autres professeurs il y a un lien direct entre une discipline universitaire et le métier d’enseignant. Pour les SES c’est différent. Quel a été votre parcours ?
J’ai adoré ma terminale ES , un moment où j’ai compris beaucoup de choses. Je viens d’une famille enseignante et militante et les cours de SES apportaient des éléments de débat à la maison. Après le bac j’ai fait deux années de classe prépa. J’ai hésité entre économie et sciences politiques. Je trouvais dans les deux disciplines la possibilité de développer une vision critique du monde. C’est finalement ce que j’aime dans ces deux disciplines.
On devient professeur de SES davantage pour porter des valeurs que des savoirs disciplinaires ?
J’aime beaucoup la sociologie et l’économie. Mais en même temps je trouve très important de transmettre des lectures du monde, l’esprit critique, c’est à dire des valeurs. Pouvoir se penser socialement est une source de liberté.
Comment se passe cette première année en poste ?
Je suis dans un lycée à dominante scientifique où la série ES est très minoritaire et dominée. La filière S est perçue comme la filière d’excellence par les élèves, leurs parents et même les collègues. Je souhaite revenir en Seine Saint Denis pour trouver un établissement où les SES sont plus légitimes. J’enseigne en seconde où on passe peu de temps avec chaque classe. Finalement cette premier année me conforte dans mon choix de faire un métier au contact avec les élèves. Mais les conditions d’exercice sont difficiles et je suis pessimiste sur l’évolution de l’éducation nationale. Aussi cette première année me conforte aussi dans ma décision de ne pas enseigner toute ma vie.
C’est une crainte pour les SES ou plus générale ?
Je ne crains pas le recadrage des SES car on a une grande autonomie en classe. Par contre, de façon général je crains que la façon dont on enseigne, dont on pense les élèves et l’école ne me convienne pas à l’avenir.
C’est quoi les bons moments dans la vie d’une enseignante ?
C’est l’ouverture que permet la discipline vers des associations ou des intervenants extérieurs. C’est aussi quand les élèves se rendent compte que la réussite scolaire est corrélée à la position sociale. Quand ils découvrent les injustices sociales et qu’ils réagissent. Ces moments qui mènent à l’engagement.
Propos recueillis par François Jarraud