Quelques jours après la publication du rapport d’Aziz Jellab sur l’expérimentation du « libre choix d’orientation laissé aux familles », une étude de la Deep apporte un éclairage saisissant sur ce qui se passe dans les familles dans la construction des voeux d’orientation. L’étude met en avant les inégalités sociales et même celle des fratries dans l’orientation.
La Note de la Depp éclaire les procédures de choix d’orientation au collège en suivant les voeux des familles de la sixième à la troisième. Face à l’orientation scolaire, les familles réagissent différemment selon leur position sociale.
Selon la Depp, la moitié des parents arrêtent leur décision d’orientation dès la sixième. Ils ne changent ensuite pas d’avis. Seulement une moitié des parents est indécise ou capable de changer d’avis au long du collège. Mais qui sont ces parents qui ont déjà décidé dès la sixième ?
Ce sont les parents des « bons » élèves. » Les aspirations des parents sont d’autant plus précises que l’enfant est perçu comme bon élève », écrit la Depp. » Les parents intériorisent aussi les hiérarchies scolaires. Quand leur souhait d’orientation est déjà arrêté, le niveau de réussite de l’enfant structure fortement, dès la fi n de la sixième, le choix entre GT et professionnel. Ce facteur joue aussi sur le niveau de précision de l’aspiration : plus l’enfant est jugé bon élève, plus les parents connaissent avec précision la voie du baccalauréat, voire la série qu’ils souhaitent pour lui ».
Ce sont surtout les parents des familles aisées. » La situation la plus fréquente – souhait en 6ème et en 3ème que l’enfant prépare un baccalauréat GT – est partagée par les trois quarts des familles de professions libérales et les deux tiers de celles d’enseignants et de cadres, mais seulement une famille d’ouvriers qualifiés sur quatre et une famille d’ouvriers non qualifiés et d’inactifs sur cinq », écrit la Depp. En 2011 (3ème), une orientation dans l’enseignement professionnel est retenue, toutes situations de départ confondues, par seulement 6 % des parents exerçant une profession libérale et 9 % des cadres, alors qu’un tel choix s’observe parmi plus de 50 % des familles d’ouvriers non qualifiés et d’inactifs… A niveau scolaire et autres caractéristiques comparables, un collégien a d’autant moins de chances d’avoir des parents qui intègrent l’enseignement professionnel dans son projet de formation que ceux-ci sont cadres ou enseignants. »
Enfin l’étude pointe aussi les inégalités dans les fratries : Les familles envisagent plus volontiers une orientation vers l’enseignement professionnel pour les cadets que pour les ainés.
Ces indications pèsent sur l’idée de laisser aux familles le choix de l’orientation. Ou plutot elles montrent que l’orientation est un défi qui se construit avec les familles et leurs aspirations sociales. L’école n’est pas à l’abri de la reproduction sociale…
F Jarraud