Des tablettes pour tous les collégiens ? C’est ce qu’a mis en place Caroline Gambier, professeure de maths au collège Saint-François à Bouvigny (62) avec l’aide de sa collègue Adeline Catoire. Un outil qui s’est banalisé dans le collège mais qui a transformé le cours de maths…
Quel a été ton cheminement pour avoir l’idée d’un cartable numérique ?
Dans le souci de faire connaître mon établissement, je me suis lancée il y a 4 ans dans la création de son site…Je n’y connaissais rien du tout en création de site, j’ai donc tout appris sur le tas. (langage, mise en ligne, discussion avec les techniciens…) J’étais assez loin des divisions euclidiennes et autres problèmes de constructions que je traite d’habitude !
Suite à cela, (et certainement à cause de cela), j’ai été sollicitée par ma direction pour mettre en place un projet de construction de réseau…. Encore un vaste chantier. Pour resituer la chose, nous sommes un collège en rase campagne, sans connexion au net, avec des bâtiments éloignés les uns des autres, le tout sur un parc de …20 ha…Bref, pas commode pour faire arriver la civilisation internet !!
Il n’empêche que j’ai creusé le sujet et je suis arrivée à la conclusion que l’idéal était de fournir aux enfants l’outil qui solutionnerait nos problèmes de connexion : une tablette, à eux pas à laisser au collège : Le cartable numérique.
La mise en place du projet
Comme les solutions proposées par les entreprises ne nous convenaient pas (coût, maintenance …. ) Alors avec ma collègue, on s’est décidée à monter nous même le projet. Nous sommes parties sur un modèle de tablette proposée par notre prestataire Aplon : ce sont des tablettes Lenovo, dans lesquelles figurent deux applications d’origine qui nous ont sauvées. Il y a une application de partage sans fil qui nous permet de transformer nos tableaux blancs beta en TBI. Et aussi une application de partage de documents qui nous évite les connexions internet dans l’établissement.
Ensuite, nous avons sollicité tous nos collègues au travers de sondages pour connaître leurs attentes en termes d’applications et avons cherché des choses qui pouvaient leur convenir, mais dans tous les cas dans le gratuit (android est top pour cela). Cela a été du simple traitement texte aux applications vidéos ou logiciel de géométrie dynamique…(on trouve encore plein d’autres choses, actuellement je travaille sur une application qui permet de dynamiser des pdf en y insérant des vidéos, des sons, des quizz…) Là, une visite au salon ÉducaTice nous a aussi aidées.
Au niveau financier, on demande 5 euros par mois par famille sur 4 ans (le prix de la machine est à 200 euros). La tablette est aux élèves à la fin du collège donc à eux d’en prendre soin.
Mais l’accès internet dans tout ça ?
Justement, le fait de ne pas être relié à internet a supprimé des soucis comportementaux aussi avec les enfants : pas de connexion sauvage en classe ou dans les couloirs par exemple, et le fait de pouvoir s’y connecter à la maison leur permet quand même d’avoir accès à tous les documents nécessaires pour leurs apprentissages.
Et ton enseignement des mathématiques avec cette tablette ?
Personnellement, je pratique la classe inversée et envoie chaque soir le cours à recopier ainsi que des vidéos sur mon site de maths ( avec les élèves nous adorons les « problèmes dudus » !) De plus, les enfants n’ont pas l’autorisation de se connecter au web autrement qu’à travers les QR code fournis par leurs profs.
Cela évite donc pas mal de soucis de connexions à des sites non autorisés qui pourraient infecter leur matériel par exemple.
Pour ce qui est des mathématiques, avec la classe inversée je donne les cours à voir ou lire le soir sur les tablettes. On a une utilisation du tableur tous ensemble avec les tablettes. On visionne des vidéos explicatives. On travaille en îlots de façon systématique. On utilise des logiciels de géométrie dynamique :géogébra bien sûr et freegéo (in english please, les 6ème adorent mon accent so british !). Les tablettes servent aussi à produire des diaporamas. Et aussi pour prendre des photos.
Mais, la maintenance ou la simple recharge des tablettes posent généralement des contraintes, comme faites-vous ?
La recharge du matériel se fait à la maison et pas en classe, donc pas de problèmes de casiers ou autres chargeurs à acheter pour l’établissement. Une personne de la vie scolaire est aussi en charge des vérifications inopinées des machines et des sanctions sont prises en cas d’infractions aux règles.
Le projet est présenté aux nouveaux parents lors d’une réunion et nous faisons signer une convention de mise à disposition du matériel ainsi qu’une charte du bon usage du « cartable numérique ». Ces documents, je les ai élaborés en étant aidée de ma collègue, d’un membre de la vie scolaire, et de ma direction.
Cela nous a pris quelques semaines : pas facile non plus de se coller au domaine juridique. Nous les avons ensuite faits valider par notre conseil d’administration avant de les rendre publics.
C’est un projet d’envergure, mais le début d’année ça doit être compliqué de distribuer les tablettes, non ?
Pour ce qui est de la préparation des tablettes, la première année c’est à trois que nous nous y sommes collés ; plus de 200 machines à paramétrer : un bonheur (ironie)! L’an dernier, d’autres collègues ont gentiment proposé de nous aider : on s’y est tous mis lors d’une réunion pédagogique de juin.
Nous avons donc paramétré plus de 350 machines tous ensemble ! Ensuite elles ont été stockées au « coffre-fort » tout l’été. (cette année je crois que nous ferons effacer tous les documents aux enfants lors du dernier jour de classe, ce qui nous aidera déjà…et eux ils sont bien dégourdis avec la machine !!)
Et les collègues ne sont pas forcément tous formés à l’usage des tablettes, y-a-t-il eu une demande de leurs parts ?
Pour ce qui est de la formation de l’équipe, là encore nous nous y sommes mis tous les 3 : chacun de nous animait un atelier, d’abord en novembre 2014 avant le lancement des outils, puis en juin 2015 et je crois que nous réitérerons l’expérience en fin d’année pour présenter de nouvelles applications possibles, et cette fois chacun pourra s’y mettre puisque, beaucoup de collègues se sont bien pris au jeu. C’est un effet boule de neige.
Si vous deviez résumer les points positifs, vous diriez quoi ?
L’un des points positifs soulignés par les familles reste tout de même…l’allègement du poids du cartable. (plus de manuels dans les sacs, c’est quelque chose !) Un autre c’est évidemment la qualité des documents transmis qui n’a plus rien à voir avec nos vieilles photocopies. Je transfère même mes interros et devoirs surveillés-encodés. C’est le surveillant du DS qui donne le code aux enfants : plus de sujets égarés ou de photocopies à l’arrache !
Enfin, le point essentiel pour ma part : la re-motivation des enfants ! Il faut les voir en classe, concentrés sur leurs travaux, parfois je m’en irais qu’ils ne le verraient pas ! Et ça c’est top : leur redonner l’envie d’apprendre.
Propos recueillis par Arnaud Durand