« Recherches », revue de didactique et de pédagogie du français, consacre son nouveau dossier à la question de l’évaluation. Selon la formule d’André Petitjean, « transformer un moyen d’évaluation (l’épreuve) en but des apprentissages » reste le danger, y compris en français, où par exemple le commentaire et la dissertation tendent à devenir des objets d’étude enseignés pour eux-mêmes. La revue interroge la pertinence des évaluations institutionnelles, nationales ou internationales. De l’école au lycée, des enseignants témoignent aussi de l’intérêt de l’autoévaluation, des difficultés que posent l’évaluation par compétences ou l’évaluation de dispositifs pédagogiques innovants.
A titre d’exemple, Catherine Mercier, professeure au lycée Yourcenar à Beuvry, raconte et analyse plusieurs années d’expériences dans l’enseignement d’exploration de seconde Littérature et société : elle y déploie des projets variés et stimulants, susceptibles d’ouvrir bien des horizons aux élèves, plus loin que les champs disciplinaires habituels. Par-delà la question des notes, dépassée, l’enseignante interroge la légitimité même de toute évaluation. Pour de telles démarches d’apprentissage, actives et collaboratives, ce qui se joue d’important n’est « pas forcement visible ni mesurable ». « Et si on n’évaluait pas ? » provoque-t-elle : l’essentiel ici, c’est peut-être « les traces qu’on ne pourra jamais évaluer malgré toutes les injonctions et prescriptions institutionnelles ».
Dans le prolongement de l’étude de la pièce Art de Yasmina Reza, Sophie Gintzburger, enseignante au lycée André Malraux de Béthune, a demandé à chacun de ses élèves de réaliser un « musée portatif » personnel : une boîte contenant des œuvres d’art qui ne les laissent pas indifférents, avec justification de leurs choix. Elle éclaire ainsi les intérêts des activités créatives que peuvent mener les élèves autour de la littérature, mais aussi les difficultés à les évaluer, en cours d’année comme à l’épreuve orale de français du baccalauréat.
Le dossier envisage des aspects divers de la question : utilisation d’affiches murales au primaire, classes sans notes et grilles de compétences, « assesment » dans l’université américaine … On retiendra en particulier deux suggestions de Bernard Rey, enseignant-chercheur à Bruxelles. A l’issue de la réalisation d’une tâche nouvelle et complexe, il pourrait être judicieux d’interroger les élèves sur la manière dont ils s’y sont pris, sur les savoirs scolaires qu’ils ont mobilisés. Il serait aussi intéressant que l’enseignant porte attention au fait que le texte écrit par l’élève est suffisamment clair et explicite pour être compréhensible par un lecteur extérieur à la situation scolaire. Ce qui suppose, ajoutera-t-on, qu’on mette régulièrement les élèves en situation d’écrire pour un lecteur autre que le professeur ?
Jean-Michel Le Baut