Transmettre les valeurs de la République est-il un acte consensuel ? Il y a un an, quelques jours après les attentats contre Charlie et l’Hyper Casher, N. Vallaud Belkacem prenait l’initiative d’une très vaste consultation. Pendant une semaine se sont succédées rue de Grenelle de nombreuses personnalités. Le 12 janvier c’étaient les syndicats d’enseignants et le sparents d’élèves. Le lendemain, les anciens ministres, Allègre, Chevènement, Bayrou, Darcos, Hamon, Robien, Lang et Peillon. Puis sont arrivés les représentants des collectivités locales. Puis F Hollande, M Valls, N Vallaud Belkacem ont fait des annonces. Un an après quel bilan peut être fait ?
Les valeurs de la République ce n’est pas limpide…
A vrai dire, rien n’est moins limpide que les valeurs de la République. La preuve en a été faite avec les anciens ministres de l’éducation nationale. Chaque ministre est venu porter ses idées sur l’éducation, comme le rappelle C Lelièvre sur son blog. Ainsi Chevénement a fait l’apologie du récit national pour transmettre le s valeurs de la République. Bayrou met en cause l’Islam. Darcos voulait qu’on renforce les rites scolaires. Robien pensait que c’était le moment de diminuer le nombre d’enseignants et d’augmenter leur temps de présence dans les établissements. B Hamon et V Peillon ont insisté sur la réduction des inégalités sociales dans l’école. Mais B Hamon a mis l’accent sur sur ce qui peut rassembler et non unifier. V Peillon a demandé une formation des futurs enseignants à la laïcité qui n’est toujours pas mise en place.
D’autres personnalités ont défilé rue de Grenelle le même jour avec également des visions bien différentes des solutions à apporter. Ainsi H Zoughebi pour l’ARF demandait plus d’égalité à l’école. F Barouin pour l’AMF annonçait des règles pour la défense de la laïcité à l’école et pour une école « sanctuaire ».
Pour Hollande l’autorité du maître…
Quelques jours plus tard, le 21 janvier, François Hollande annonce son plan. « Il ne saurait y avoir de transmission des valeurs sans respect du professeur », dit F Hollande. « L’école doit être un lieu de respect du maître ». Pour cela il annonce que le règlement intérieur devra être signé par les parents et les élèves tous les ans, une mesure déjà très largement généralisée. « Tout comportement mettant en cause les valeurs de la République ou l’autorité du maître fera l’objet d’un signalement au chef d’établissement. Il y aura une réaction », a dit le président dans un véritable rappel à l’ordre disciplinaire. « C’est en renforçant l’autorité du maître qu’on fera partager les valeurs républicaines », ne craint pas d’affirmer le président. Il a aussi confirmé que le 9 décembre, » journée de la laïcité », serait célébré dans tous les établissements. Le président promet un « plan de formation exceptionnel » des enseignants sur la laïcité et la création d’une « réserve citoyenne d’appui à l’école » dans chaque académie.
Valls et Vallaud Belkacem entre le tricolore et le social
Le lendemain, 22 janvier, M Valls et N Vallaud Belkacem détaillent les mesures. Aux annonces présidentielles s’ajoutent les rites souhaités par Chevénement. » Il sera demandé de définir précisément dans les projets d’écoles et d’établissements scolaires les modalités de participation active des élèves aux commémorations patriotiques ainsi qu’aux semaines de l’engagement et de lutte contre le racisme ». S’ajoutera la journée de la laïcité tous les 9 février et enfin, « l’organisation solennisée d’un temps annuel d’échanges avec l’ensemble de la communauté éducative (cérémonie de remise de diplômes, valorisation les réussites des élèves, spectacles de fin d’année) «
N Vallaud Belkacem ajoute un versant pédagogique avec le Parcours citoyen. Il » se nourrira de la participation des élèves à la vie sociale et démocratique de la classe, de l’établissement », dit-elle. « Les conseils d’enfants seront développés à l’école primaire, ainsi que les conseils de la vie collégienne, et les conseils de la vie lycéenne feront l’objet d’un soutien renforcé ». Il » se matérialisera par l’opportunité offerte dans chaque collège/lycée aux élèves de participer à un média ».
Un versant social est aussi développé : c’est l’idée d’un coefficient social dans le calcul des postes affectés dans les académies. Il sera effectif pour la première fois à la rentrée 2016 pour environ 1500 postes. La ministre lance aussi l’idée d’une réforme de la carte scolaire avec des secteurs multi collèges. L’idée sera expérimentée de façon très homéopathique à la rentrée 2016.
Quelle visibilité un an après ?
Un an après certaines mesures sont lancées ou réalisées. L’EMC est théoriquement sur les rails. Dans la réalité les professeurs se débrouillent comme ils peuvent. Le parcours citoyen est dans les limbes. La vie lycéenne est sous perfusion et les conseils collégiens rarissimes. Quand à la restauration de l’autorité, la question est-elle bien posée ? Enfin on a vu que les mesures sociales sont encore en cours de réalisation.
Mais deux questions n’ont toujours pas de réponses.
Le gouvernement porte des visions contradictoires de la République. D’un coté il lance des mesures qui semblent ignorer les différences culturelles , qui sont parfaitement légitimes, au profit d’une unification imposée par l’Etat à coup de règlement intérieur et de cérémonies patriotiques. On veut tout repeindre en tricolore et inciter les enseignants à réprimer et dénoncer les « déviants ». D’un autre coté, il veut lutter contre un système éducatif qui est socialement et ethniquement ségrégé. Et là il porte un discours d’intégration par la justice.
Derrière il y a une autre question déjà posée par O Galland. C’est celle des finalités de l’Ecole. Pour lui, il y a un grand malentendu. L’école française, selon lui, ne se fixe pas pour mission première d’inculquer la citoyenneté mais de transmettre des disciplines. Si on veut réellement qu’elle enseigne la citoyenneté » alors il faudrait complètement refonder le métier enseignant ». Vaste chantier…
François Jarraud
O Galland dans un article de V Soulé
Les syndicats reçus le 12 janvier 2015