On peut tout faire avec le logiciel Géogebra ? Peut-être pas. Mais Loïc Bodelot, professeur de mathématiques à Etaples (Pas-de-Calais) a transformé ses cours de maths grâce à ce logiciel. Il ne se contente pas d’illustrations de Géogébra. C’est une utilisation exclusive de ce logiciel avec un TBI, comprenant construction par les élèves et animation pour illustrer des théorèmes.
Que recherchez-vous à travers l’utilisation et la construction des cours avec Géogébra ?
Cela fait 2 ou3 ans que j’utilise Géogébra. Je souhaite impliquer mes élèves davantage dans le cours. Alors l’arrivée du TBI me permet d’exploiter le logiciel en temps réel. En classe, on construit, on anime. Ce sont les élèves qui exploitent l’outil. Ainsi on vit les mathématiques. Et il se trouve que cela répond plutôt bien aux attentes de la réforme du collège.
Tout ceci doit prendre du temps ?
J’utilise entre 1 et 5 fichiers à chaque séance. Oui, ça prend un temps fou en heures de conception, recherche et amusement. C’est beaucoup, mais cela a un vrai impact sur les élèves. Le cours est beaucoup plus dynamique, les élèves sont plus actifs et ont moins d’ « excuses pour ne pas comprendre ». J’obtiens plus de respect de tous. Les élèves même faibles sont contents de venir à mes cours. Je m’y retrouve et eux aussi. Il reste à travailler un réel partage entre collègues.
Quand vous dites que les élèves s’impliquent à quoi pensez-vous ?
Et bien, avec le TBI et Géogébra, on peut revenir sur n’importe quelle notion très vite. On peut faire un nouvel exercice avec d’autres valeurs, d’autres configurations, …
Le TBI permet ce que j’appelle « l’oral Clic » : l’élève au tableau s’explique, montre, calcule puis clique pour vérifier. Les figures ne sont plus jamais statiques, on manipule en direct, et ça c’est important pour la construction en géométrie. Même les élèves qui arrivent sans avoir fait leur exercice peuvent participer très activement à la correction. Mais, attention, Géogébra me sert aussi pour tout l’ensemble des mathématiques.
Avez-vous un exemple d’apport autre que la géométrie ?
Par exemple, avec l’utilisation fréquente des curseurs dans les animations, la notion de variable devient plus naturelle.
Un deuxième exemple : la jauge. Elle permet de travailler les fractions de quantités, les pourcentages, la représentation pour un diagramme semi-circulaire, le prix au litre…
Comment impliquer les élèves dans l’utilisation de Géogébra ?
On peut les faire construire à la maison en bonus pour les plus motivés. Généralement ce ne sont pas souvent les plus scolaires. Ou à la maison pour un exercice de devoir-maison. Ou encore en salle informatique, mais cela dépend des années, des horaires, des classes. Ce sont des obstacles sur lesquels je n’ai pas la main. Enfin il y a un club que j’anime en semaine.
Les élèves peuvent aussi manipuler les fichiers que j’envoie par mail (l’ENT est trop lourd) ou qu’ils téléchargent sur YouTube. Pour ceux qui n’ont pas d’ordinateur, ce qui est de plus en plus rare, je les invite à aller au CDI ou voir des copains, ils y arrivent et généralement, cela ne pose pas de problème. Et enfin pour ceux qui n’ont pas internet, une simple clé USB et le tour est joué.
On a vu que tu as une chaîne YouTube et GéogébraTube. Quels usages en faites vous ?
La chaîne YouTube est publique et permet aux élèves, collègues et parents également d’aller voir mes vidéos ou celles de collègues auxquelles je m’abonne , par exemple : micmac etc.
Mes vidéos sont des morceaux de cours, des corrections d’exercices, des aides pour un devoir maison ou des idées qui m’amusent. Dans l’idéal, l’élève télécharge puis manipule à son gré. Dans les playlists, je mets des liens vers des vidéos d’autres collègues. Par exemple, les vidéos de JY Labouche sont très bien et différentes des miennes. L’idée est de diversifier les approches. Le lien systématique vers Géogébra permet de manipuler et éveille la curiosité de certains.
Pouvez vous en mesurer l’impact ?
Certains élèves qui avaient décroché, en échec par rapport aux maths, retrouvent de l’espoir et le plaisir de faire. Il est facile de dérouler un cercle, faire tourner une roue avec des rayons pour effectuer des connexions avec des notions vues antérieurement et réactiver autrement des notions pas encore totalement acquises.
Les plus brillants réalisent des fichiers Géogébra de manière spontanée de grande qualité, certains les déposent sur GéogébraTube. Un élève est même devenu une référence dans le collège par ses créations impressionnantes.
Le plus important peut-être ce sont les possibilités offertes par un même fichier : pédagogie différenciée par l’action sur quelques curseurs et cases à cocher; revisite de notions vues et complexification pour aborder une nouvelle activité; situations complexes qui obligent l’élève à se creuser la tête, à puiser dans ses connaissances. Ou encore spiralisation plus facile de la progression.
Propos recueillis par Arnaud Durand