Comment les enseignants construisent leur pédagogie ? Rachel Bucaille, professeure de science physique et formatrice, nous le montre. Pionnière de la classe inversée, une pratique qu’elle a découvert il y a 3 ans auprès d’un enseignant canadien, elle cherche une nouvelle voie. Elle nous explique pourquoi et comment grâce au projet « Reporter des sciences » présenté au 8ème Forum des enseignants innovants.
Vous avez été une des premières enseignantes à pratiquer la classe inversée. Comment y êtes vous arrivée ?
A l’occasion d’une rencontre avec un collègue canadien, j’ai découvert la classe inversée. Et tout un été j’ai travaillé avec lui pour préparer ma rentrée en introduisant cette pédagogie en 3ème. C’était il y a 3 ans. L’idée c’était de faire travailler les élèves sur une capsule vidéo à la maison et de préparer une tâche complexe en classe en travail de groupe. J’ai appris à faire des capsules courtes et efficaces que les élèves puissent télécharger sur leur téléphone portable. Un quiz accompagne les capsules. Ils peuvent également le faire sur leur téléphone. En arrivant en classe, on commence par un questionnaire. Et on passe à la tâche complexe. Par exemple , en 3ème, je vais leur demander d’identifier des ions et de reclasser des produits dans un laboratoire dévasté.
Depuis votre pratique a changé ? Pourquoi ?
J’ai observé mes élèves et regardé comment ils travaillent. J’ai vu avec la classe inversée un regain de motivation, surtout chez les élèves en difficulté. Mais j’ai vu aussi que les élèves s’en lassaient. Ils finissaient pas s’ennuyer. J’ai découvert aussi que ça ne convenait pas à leur façon de travailler à la maison. Chez eux les élèves travaillent mais dans le bruit, sans se concentrer. Or la capsule vidéo demande de la concentration et même de rester concentrer un quart d’heure environ. Je me suis dit que la classe inversée n’était pas la grande solution. Et qu’il fallait varier les approches.
Une autre découverte c’est que des élèves ont pris goût aux capsules. Il sont commencé à en faire eux-mêmes , pour leurs révisions par exemple, et à me demander de les « corriger ». Par exemple ils prennent en vidéo leur TP et me demandent de le regarder.
Alors je me suis dit que c’était peut-être cela qu’il fallait faire : les rendre acteurs de leur enseignement. Plutôt que la classe inversée, renverser la classe.
Comment organisez vous vos cours ?
J’ai annoncé en début d’année qu’on allait faire des reportages. « Pas de physique cette année mais des reportages de sciences ! » Les élèves construisent eux même leur connaissance en endossant à tour de rôle, tout au long de l’année des métiers autour des médias (photographe, reportage, lapbook,..) Chaque élève a un rôle. Un prend les photos d’une expérimentation, un autre fait le TP, un autre monte le son. Ils me rendent leur travail sous forme de capsule vidéo sur Youtube. Mais parfois je demande une production sur papier ou dans un dossier lapbook. Parfois je fais cours. Ce qui compte c’est l’alternance des méthodes.
Quels résultats cela donne-t-il ?
La différence est surtout pour les élèves en difficulté. Globalement les notes sont un peu plus élevées qu’avec un cours classique.
Et par rapport à la classe inversée ?
Les élèves sont davantage acteurs de la construction de leur apprentissage. Ils se confrontent davantage aux difficultés. Le fait d’utiliser beaucoup la vidéo fait qu’ils s’investissent davantage qu’avec des cours sur papier. Mais la grande leçon c’est qu’il ne faut pas faire tout le temps la même chose.
Propos recueillis par François Jarraud