Comment apprendre à compter et calculer ? Près de 300 participants, venus de 3 continents, sont réunis pendant deux jours à Paris, les 12 et 13 novembre 2015, pour écouter la fine fleur des experts à l’appel du Cnesco. Quelles ressources pour les enseignants ? Quelle formation ? Quelle prise en compte des différences entre élèves ? La conférence s’est achevée le 26 novembre avec la remise du rapport du jury et ses recommandations.
40% d’échec
Création de la loi d’orientation, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) a pour mission d’évaluer le système scolaire. Après le redoublement et la ségrégation sociale, il aborde le 12 novembre la question de la numération. Et il le faut à sa façon, en réunissant une conférence de consensus dotée d’un jury composé d’enseignants, de cadres éducatifs et de parents. Et d’un objectif : faire le tri entre les pratiques pédagogiques, faire le point des connaissances.
Nathalie Mons, présidente du Cnesco, frappe les esprits dès l’ouverture en lançant un nombre : 40% des élèves de 6ème n’ont pas acquis les fondamentaux. On savait par Pisa que le score des jeunes français à la fin du collège était modeste comparé à celui des autres pays. On sait maintenant que le niveau d’entrée au collège est faible. Et comme celui à la sortie de maternelle est plutôt bon, c’est donc sur l’école primaire qu’il faut faire porter les efforts. D’où la conférence. CQFD ?
Maths et habiletés non mathématiques
Michel Fayol, président de la conférence, rappelle que la réussite en maths au primaire est prédictive de la réussite scolaire finale et même de la réussite professionnelle. Il rappelle aussi que les inégalités apparaissent très tôt et qu’intervenir précocement est plus efficace.
Suffit-il d’apprendre les maths pour réussir ? Pour M Fayol les capacités en maths renvoient à des capacités non mathématiques : capacités langagières, à se situer dans l’espace, à faire travailler sa mémoire à développer son attention. Toutes ces habiletés doivent être développées par l’école. Lesmaths sont une conjonction de ces habiletés.
Alors le programme fait la part belle au bilan mais aussi à l’état des savoirs sur ces habiletés. Le premier jour permet de faire le point sur le bilan du niveau des jeunes français et sur les difficultés d’apprentissage. . Le deuxième jour abordera la question de la relation entre résolution de problèmes et opérations , de la formation des enseignants et des ressources.
Quelle place pour les neurosciences ?
Différentes tendances et différentes spécialités sont présentes dans la conférence. Mais il y a un grand absent : Stanislas Dehaene. Le spécialiste des neurosciences a pourtant beaucoup publié sur l’apprentissage des maths. Pour M Fayol, la neuro psychologie « joue un rôle fondamental dans ce qui est en train de s’installer dans l’enseignement des maths ». Mais c’est dans la liaison entre Piaget et Dehaene que la conférence semble s’inscrire. Ainsi Henri Lehalle reprend les travaux sur les bébés pour repérer des étapes dans le développement des enfants.
Une progression qui donne des espoirs au jury. Les bébés réagissent à de différences de numérosité. A partir de 2 ou 3 ans, les enfants peuvent représenter des quantités par des signes. A partir de 6-7 ans, la notion de nombre inclut la classification et l’ordination. A partir de 10 à 12 ans, le jeune est capable de formuler des lois numériques générales. L’être humain est bine un animal mathématique. Et il y a bien du travail pour le jury..
Quelles différences entre les élèves ?
C’est avec un décryptage des mécanismes d’apprentissage des maths que la seconde journée de la conférence de consensus sur la numération organisée par le Cnesco le 13 novembre a commencé. Emmanuel Sander (Paris 8) est intervenu sur la relation entre résolution de problèmes et opérations. Il a montré que celle là joue un rôle dans la construction des notions. Ainsi il a mis en évidence des analogies développées dans les manuels scolaires qui viennent parasiter les notions mathématiques. Par exemple l’analogie entre soustraction et retrait ou entre division et partage. Les manuels reprennent souvent ces analogies et les ancrent dans les esprits.
La seconde vague de conférences portait sur la prise en compte des différences entre les élèves avec souvent une approche par les neurosciences. Ainsi Jacques Lautrey (Paris Descartes) s’est basé sur de récents travaux de psychologie cognitive sur les stratégies d’apprentissage des élèves. En observant les stratégies utilisées par des enfants de 5 ans pour résoudre des problèmes, ils ont pu montrer que les enfants utilisent tous différentes stratégies pour des exercices similaires. Il semble que le hasard ait sa place dans ce choix.
Le Dr Michèle Mazeau étudie le lien entre le nombre et l’espace. Elle aussi se base sur les sciences cognitives pour montrer la proximité des zones su nombre et de l’espace dans le cerveau. Les troubles de l’espace peuveut expliquer des erreurs dans les opérations d’autant que la position des nombres dans l’espace en changent le sens. Elle montre donc la nécessité d’entraîner les compétences spatiales pour l’apprentissage des opérations. Arnaud Roy (université d’Angers)montre l’importance de la mémoire de travail pour la maitrise des opérations. Tous ces exemples montrent que le développement des fonctions exécutives est la condition nécessaire à l’acquisition des savoirs liés au nombre.
Quelles ressources pour l’enseignement ?
A partir de là quelle formation pour les professeurs de maths ? Pour Denis Butlen (Université de Cergy Pontoise), les futurs enseignants ont suivi un cursus qui les prépare peu à enseigner des notions mathématiques. Les professeurs savent compter, par exemple. Mais ils ont tellement automatisé ces connaissances qu’ils ont du mal à comprendre les étapes par lesquelles passer. D Butlen défend l’idée d’une formation holistique, entrant en résonance avec le formé. Pour cela il défend l’idée de formateurs ayant l’expérience de l’école primaire pour former les futurs PE.
Toujours dans l’idée de la formation et de l’enseignement, Alain Content (ULB) a présenté trois types de jeux qui apportent beaucoup à l’enseignement. Il a d’abord montré l’exemple d’un jeu de plateau destiné aux enfants de 4 ans : the great race a la particularité d’amener les enfants à expliciter la numération. Il évoque ensuite le jeu de S Dehaene qui associe numérosité et code verbal. Le niveau de difficulté s’adapte à l’apprenant. Enfin il présnete un jeu de table sur les fractions où les enfants manipulent, classent , identifient et finalement créent un référentiel sur cette notion pas évidente. L’étude montre une diminution des erreurs chez les enfants qui ont joué régulièrement à ce jeu (2 séanecs de 30 minutes par semaine pendant 3 mois) ainsi que des progrès en connaissance conceptuelle des fractions.Gérard Sensevy (UBO) présente un autre jeu : ACE qui a pour particularité d’être développé de façon collective dans un projet soutenu par la Dgesco et l’IFé. Le travail en commun entre profs et entre profs et chercheurs lui semblent une condition nécessaire au développement de nouvelles ressources pour les enseignants.
Il reste maintenant au jury réuni par le Cnesco à prendre en compte les éclairages différents portés sur ces deux journées pour définir les outils et les démarches capables d’améliorer le niveau en maths des écoliers.
F Jarraud
Sur le site du Café
|
|