Elle se prénomme Delphine dans la vraie vie, et, son surnom sur le net, bien connu de tous, c’est Charivari… Charivari, comme pour rappeler, le bruit assourdissant, le joyeux vacarme qu’une classe d’une vingtaine ou d’une trentaine d’élèves est capable de réaliser à elle toute seule. Un clin d’œil à sa fonction de maîtresse en somme ! Une maîtresse active et dynamique, qui ne lésine si sur la qualité de ses préparations ni sur la quantité phénoménale de projets pédagogiques et pluridisciplinaire qu’elle met en place.
Un rallye-lecture sur tablettes
La classe de Delphine commence à être bien équipée. Elle dispose d’un TBI depuis un mois et de quatre tablettes (pour la classe entière), qui sont arrivées au mois de septembre. Ni une, ni deux, Delphine a voulu s’approprier la ressource le plus rapidement possible, pour de la différenciation, notamment, et pour des projets liés à la lecture et à l’écriture.
Rallye lecture
Avec d’autres enseignants et collèges blogueurs, par exemple, un projet « rallye-lecture » ou « rallye-littérature » tourne sur le net depuis déjà plus d’un an : il s’agit pour chaque enseignant intéressé par le projet de s’inscrire sur le site www.rallye-lecture.fr (créé par un autre bloggeur dont le pseudo est Orphys), qui propose des questionnaires en ligne pour de nombreux ouvrages de littérature de jeunesse. Ces questionnaires ont été établis de manière collégiale, chacun préparant des questionnaires sur ses albums et ouvrages de cœur puis partageant ce travail sur le net. Chaque classe est alors invitée à inscrire chacun de ses élèves. L’enseignant détermine les livres présents dans la classe et les questionnaires qui vont avec, il crée alors un parcours personnalisé pour la classe.
L’élève lit un album, se connecte sur l’espace et répond aux questions, les résultats s’enregistrent et se calculent automatiquement. L’enseignant peut alors visualiser et/ou imprimer les résultats des élèves, sous une forme individuelle ou sous la forme d’un classement du rallye-lecture (à noter, l’inscription et l’accès sont désormais payants). Ces rallyes-lectures existaient (et existent toujours) en classe sous forme papier. Cependant, à l’heure de la Cop21, les avantages du numérique pour ce genre de projet sont incontestables : tout est numérisé et enregistré, ce qui évite des pages et des pages de photocopies puisque pour un rallye-lecture papier, il faut imprimer autant de questionnaires que d’élèves pour chacun des ouvrages sélectionnés pour le rallye ! Pour Delphine, ce sont déjà trente ouvrages de classe qui sont sélectionnés pour le rallye annuel, ce qui permet aux élèves de lire beaucoup, de goûter au plaisir de la lecture, de lire des supports différents et de progresser en compréhension. Chacun lit à son rythme et les questionnaires sont d’approche facile (les QCM de 5 questions sont valorisants).
Le projet Voltaire et Calcul@tice
Delphine a inscrit sa classe au « module primaire du Projet Voltaire (les fondamentaux) », pour permettre à ses élèves de progresser en orthographe de manière… connectée ! Le site fait réviser 52 règles d’orthographe aux élèves (orthographe lexicale – valeurs des lettres g, c, s… – et grammaticale). Les règles sont réparties sur 9 niveaux. C’est un outil de très bonne qualité, une fois encore payant, malheureusement, mais qui ravit les élèves : chacun avance peu à peu dans son parcours d’orthographe, sans se lasser. L’accès à la plateforme est simple et les consignes très accessibles même en autonomie. Le site retient les erreurs de chaque élève et le guide à chaque exercice en fonction de ses difficultés, lui repropose les exercices échoués, jusqu’à la réussite constante de chaque règle.
C’est ludique et les élèves n’ont pas forcément l’impression de travailler : pourtant, c’est avéré, ils progressent ! Dephine dispose en effet d’un tableau de bord où elle suit le temps passé par ses élèves et les progressions de chacun, elle a aussi connaissance des règles qui posent problème à chacun : cela révèle ainsi un outil très approprié pour évaluer chaque élève mais surtout pour remédier à chaque difficulté.
Dans le même ordre d’idée, les tablettes permettent aux élèves de travailler sur le site Cacul@tice, qui n’est plus à présenter aux enseignants de l’élémentaire et du collège (puisque des jeux sont proposés du CP à la sixième) et qui permet de travailler à partir de jeux en calcul mental, l’interface étant quand même nettement moins développée que pour le projet Voltaire ; les élèves peuvent également refaire les exercices plus compliqués pour s’améliorer, et l’enseignant de la classe dispose également d’un tableau de bord pour suivre les évolutions de chacun. L’utilisation de la plateforme reste pour l’instant gratuite. Sur son blog, Delphine propose de nombreuses pistes et manuels numériques qu’elle a testés pour l’utilisation de PC, d’un vidéoprojecteur, des tablettes et du TNI en classe.
Un blog des plus appréciés pour couronner le tout
Delphine ne se contente pas de travailler pour ses élèves, elle partage également beaucoup de ses trouvailles avec ses pairs sur la toile. Elle crée des ressources même avec d’autres enseignants bloggeurs : un investissement de tous les instants dont elle est fière et qui contribue à son efficacité et à la réussite de ses élèves. Ainsi en est-il des nombreuses ceintures de progression mises en place dans sa classe (pour les tables ou les repères chronologiques d’histoire par exemple) ou les étoiles de conjugaison. Des moyens de différenciation efficaces et très visuels pour les élèves, qui font preuve de motivation pour grimper chaque marche une à une et acquérir la ceinture ou l’étoile suivante.
Comme Delphine a beaucoup « voyagé » dans les niveaux, son blog propose des ressources intéressantes et fonctionnelles rapidement pour tous les cycles de l’élémentaire sans exception, y compris pour l’enseignement spécialisé, avec des séquences de différenciation complètes, des outils pour l’ASSR, des jeux pédagogiques et un dossier clé en main pour « un an d’arts plastiques » vraiment pratique et complet. On aime également les articles de réflexion sur telle ou telle démarche (par exemple, sur l’évaluation par contrat de confiance en SEGPA) les « idées en vrac » et outils de gestion de la classe ou les articles tels que « 55 idées à débattre en salle des maîtres ».
Ainsi, le succès du blog de Delphine-Charivari n’est plus à commenter : très active sur la toile, elle se démarque par ses idées originales, son talent d’enseignante polyvalente qui manie aussi bien la différenciation que les projets numériques et est notamment remarquable par sa capacité à mutualiser et partager des ressources de qualité tout en travaillant en équipe pour en tester ou en élaborer d’autres, à plusieurs. Un blog incontournable, à ne pas manquer, sur la toile !
Portrait de notre instit bloggeuse…
Delphine Guichard, alias Charivari, habite à La Ferté Saint Aubin (Loiret). Agée de 46 ans, mariée et mère de deux enfants, c’est l’une des figures les plus appréciées de la blogosphère enseignante. Elle nous livre ici ses secrets de maîtresse bloggeuse.
Pourquoi être devenue maîtresse ?
J’en avais toujours eu envie, mais je prenais cela pour un rêve de gamine, comme ceux des garçons qui veulent être pompiers ou astronautes. Jusqu’à ce qu’une occasion de la vie me pousse à passer le concours, il y a 8 ans.
Quel a été ton parcours universitaire ?
J’ai fait des études de gestion (une école de commerce) à Paris.
Quel a été ton parcours de carrière jusqu’à aujourd’hui ?
Avant d’être instit, j’ai travaillé pendant quinze ans dans des grandes entreprises privées. J’ai fait du contrôle de gestion et de la maitrise d’ouvrage de projets informatiques. Cela m’a beaucoup plu aussi. Puis j’ai passé le concours de professeure des écoles en 2007 et j’ai galéré de postes fractionnés en bouche-trous divers… J’ai vu quasi tous les niveaux, y compris Ulis, Segpa et IME…Jusqu’à l’an dernier, où j’ai obtenu le poste que j’occupe aujourd’hui, dans l’école de cycle 3 d’un petit village, en Sologne.
Quelles sont tes loisirs et tes passions ?
Je joue de la flute traversière dans notre orchestre local. Je suis aussi très engagée dans une association politique municipale et… je profite de mon mari et de mes enfants.
Comment es-tu devenue une maîtresse « hyper connectée » ?
Je ne suis pas si « hyper connectée » que cela. Je ne suis même pas sur Facebook : ce n’est pas un signe, ça ? Bon, sans blagues, cela s’est fait petit à petit, depuis la création de mon blog.
Pourquoi as-tu créé ce blog ? Quelles ont été tes motivations ?
Le point de départ a été mon travail de PE2 (c’était le nom qu’on donnait aux professeurs des écoles stagiaires (PES) à l’époque) sur l’évaluation par les ceintures de couleur. J’ai voulu mettre mon mémoire en ligne. J’ai cherché une plateforme gratuite, sans pub… et la plateforme Eklablog m’a semblé tellement simple que j’ai vite choisi d’y mettre aussi les petits « trucs » que je créais pour ma classe.
Pourquoi ce titre de blog ?
On me le demande souvent. Tout est parti de mon pseudo, Charivari, que j’ai trouvé quand je me suis cherché un pseudo pour le forum Enseignants du Primaire. Je cherchais une inspiration du côté de la littérature de jeunesse, et il se trouve que je suis une grande fan de la série des « Petites Poules » que je lisais à mes enfants, à l’époque. Mon album préféré s’appelle « Charivari chez les Ptites poules ». Voilà comment j’ai eu l’idée de ce pseudo. Il m’a plu d’emblée : joyeusement chahuteur, collectivement festif…
Tu fais partie de la Communauté des Profs Blogueurs. Peux-tu nous en dire plus ?
C’est un groupe de blogueurs qui s’est créé petit à petit à partir d’une envie de mettre en commun nos idées et de partager entre nous nos astuces ou nos soucis de profs blogueurs. Notre communauté ne cesse de grandir. Nous nous entraidons beaucoup et chacun apporte son expertise. C’est très enrichissant.
Combien de temps passes-tu chaque semaine sur ton blog ?
Je n’y passe guère plus d’une heure ou deux par semaine, mais l’activité « blogging » (on dit comme ça ?) m’a généré tout plein de contacts, d’activités périphériques (tests de produits, veille pédagogique et/ou technologique, contacts avec des éditeurs) qui me prennent au moins autant de temps maintenant que la publication ou les réponses aux commentaires. Ceci dit, et c’est l’intérêt de cette activité : je me sens très libre. Personne ne m’oblige à publier, à passer du temps sur le blog. Je ne le fais que par plaisir.
A ton avis, quels sont les qualités, les forces de ton blog ?
C’est une question difficile. Je tiens beaucoup à mon indépendance. Je suis pas mal sollicitée par des gens qui voudraient que je parle de tel ou tel produit, ou qui m’envoient des spécimens. Au début, je me sentais un peu obligée d’écrire quelque chose sur le produit en question, mais ça n’a pas duré. Aujourd’hui, je veille à n’écrire que sur des ressources qui m’enthousiasment. Quelquefois, je reçois une ressource extra, mais je n’ai pas le temps de l’utiliser, ou bien elle ne correspond pas à ma programmation, ou à mon niveau de classe… Tant pis, dans ce cas, je n’en parle pas. Je suis contente de parvenir à conserver cette indépendance-là pour protéger la qualité du contenu de mon blog aussi.
Sinon, les articles que je préfère sont ceux qui proposent des ressources que nous avons créées à plusieurs. Il s’agit des ceintures de grammaire, de conjugaison, d’orthographe… A chaque fois, plein de visiteurs ont contribué à construire ces outils que j’utilise avec bonheur tous les jours dans ma classe. J’adore l’énergie collective que ce type de projet soulève.
A l’inverse, qu’aimerais-tu ajouter / modifier / améliorer ?
Ah, je vois des blogs super-jolis chez certains copains-blogueurs, ou chez les collègues anglo-saxons. J’aimerais savoir relooker complètement le mien, mais je n’ai pas le temps, ni le talent… alors en attendant, je garde mon petit blog tout simple.
As-tu déjà participé à un projet éditorial ? Envisages-tu de passer à l’édition ?
J’ai déjà été éditée pour un petit livret d’entrainement sur les ceintures de calcul, chez Hatier, et puis j’ai un ou deux projets « dans des cartons ». Mais ça, c’est un boulot fou : bien plus que de blogguer !
Propos recueillis par Alexandra Mazzilli