Comment amener les élèves à conquérir leur autonomie d’élève ? Thibault Dubreuil enseigne l’histoire géographie dans un petit lycée rural du Morbihan à Questembert. Avec la professeure documentaliste, Patricia Rougelin, il entraine les élèves à une découverte raisonnée des compétences du métier d’élève. Un travail qui vise, dès la classe de seconde, le post bac. Et qui part de l’élève réel et ses difficultés. Son projet est présenté au 8ème Forum des enseignants innovants.
Un projet qui engage la professeure documentaliste
« J’avais l’impression de passer à coté de l’essentiel ». Au bout de dix années d’enseignement, Thibault Dubreuil a cherché à repenser son enseignement en partant de ce qui est le plus important pour l’élève. Il a ainsi construit une méthode qui, avec l’appui de la professeure documentaliste, amène à un véritable apprentissage des compétences nécessaires à un lycéen mais, au -delà , à la découverte du travail collaboratif.
« Nous faisons travailler les élèves à la manière d’un TPE (travaux personnels encadrées de 1ère) qui se complexifie progressivement sur l’ensemble de l’année. Le programme est problématisé, des travaux de groupes et individuels, des oraux et des écrits, des exercices obligatoires, provisoires et facultatifs tendent à amener les élèves vers l’autonomie dans un travail de recherche : réflexions historiques et géographiques, validation de sources documentaires, rédactions, retours sur ce qu’on fait, droit à l’erreur », nous a dit T Dubreuil. .
« Ayant constaté au cours de mes années d’enseignement en collège et lycée que les élèves se contentaient d’apprendre et de répéter des leçons sur lesquelles ils n’avaient pas de prise et qu’ils oubliaient une fois le contrôle effectué, j’ai mis au point le projet « Apprentissage de la recherche scientifique en histoire-géo». Il a pris forme au contact des deux documentalistes du lycée en 2007. Elles ont immédiatement été intéressées par ce que je voulais faire, ouvrant le CDI à mes classes, me proposant des outils que j’ignorais, s’impliquant de manière régulière, parfois à ma demande, souvent sur leur proposition et suivant un planning que nous avons mis au point ensemble. Le projet se poursuit actuellement avec l’une d’entre elles, Patricia Rougelin ».
Un travail de groupe qui reprend les compétences fondamentales
Le programme de l’année se découpe en problématiques. Ainsi, en début d’année en histoire, le chapitre sur Athènes au Vème siècle vise trois compétences : savoir utiliser le manuel, savoir aller à l’essentiel et savoir travailler en groupe. Il commence par la ocnstruction d’un arbre des idées sur Athènes et la présentation du manuel avec la professeure documentaliste.
Les élèves travaillent alors en groupe. Ils doivent préparer un plan ,avec différents niveaux de précision, sur la problématique historique » Athènes au Vème siècle : une démocratie ? » Pour cela on leur apprend la méthode QQOQCP. La seule source autorisée est le manuel. A l’issue de chaque heure de travail, les élèves font un bilan « Vert/Rouge » de leur travail. En vert, ils notent la date puis ce qui a marché, ce qu’ils ont compris. En rouge, les choses à améliorer (définitions, communication dans le groupe…). A l’issue et sous l’oeil de l’enseignant, les élèves tentent de construire un plan de leur réponse. Celui-ci est validé par le prof, ils rédigent une réponse en suivant la consigne. Cette réponse est validée ou non suivant la qualité du travail fait. Quand le temps imparti est écoulé, les élèves réalisent un bilan vert/rouge de la totalité de la séquence.
Vers l’autoévaluation de son travail
Au fur et à mesure que l’on avance dans l’année de nouvelles compétences sont travaillées correspondant à différentes ressources par exemple. Chaque problématique diffère de la précédente par l’ajout de « quelque chose » : une source supplémentaire, un travail plus long, plus complexe, un schéma, une carte, un oral, un dossier, une carte mentale… Certains outils sont des points de passage obligés à chaque problématique : les arbres à idées, les QQOQCP et les bilans Vert/Rouge sont obligatoires et doivent être visibles sur les cahiers. Certains outils sont provisoires comme la justification d’une source à l’oral qui lorsqu’elle devient mécanique n’a plus lieu d’être. Cela sera repris en Première. Certains outils sont facultatifs. A la 3ème problématique, la documentaliste présente le portail lexical du site CNRTL sans obligation de s’en servir.
Les travaux des élèves sont suivis de 30/40 mn de cours magistral où le prof remet en perspective et donne sa réponse à la problématique. Puis quelques jours plus tard, un contrôle de 15mn puis de 20 puis de 25mn où le prof repose la problématique aux élèves.
Pour T Dubreuil, sa méthode permet à l’élève de maitriser vraiment ses apprentissages. « Je veux qu’ils fassent de l’histoire-géo en prenant à bras le corps le savoir sous forme de leçons et de documents. Se poser des questions sur la problématique donnée par l’enseignant, ce qu’on sait, ce qu’on croit savoir, sur la façon dont on travaille. Puis apprendre l’autonomie dans un travail de recherche d’informations, de manière progressive, dans un cadre strict mais évolutif, fixé par l’enseignant et la documentaliste, qui fournissent les outils indispensables à l’apprentissage. Enfin on doit préparer les jeuns au post bac. Pour cela il est nécessaire qu’ils sachent travailler en groupe ».
Bilan de l’action
« Le projet existe depuis suffisamment longtemps pour constater des invariants », nous confie T Dubreuil. « Les élèves qui réussissent le mieux dans ce type d’apprentissage sont aussi ceux qui réussissent le mieux dans des méthodes traditionnelles. Ce que je constate, c’est que « la masse moyenne de la constante macabre » progresse, certains avouant sans peine qu’ils trouvent de l’intérêt à ce qu’ils font, qu’ils comprennent pourquoi ils le font, qu’ils saisissent leurs erreurs, qu’ils osent se tromper… Les élèves gagnent en autonomie. Progressivement au cours de l’année, j’apprends à me taire et les regarde faire. Parfois, avec la documentaliste, nous nous mettons de côté. La disposition du CDI fait qu’on embrasse les salles d’un coup d’oeil. Il y a des jours magiques où pendant 20-25 minutes, le CDI devient une ruche bourdonnante fonctionnant sans notre intervention. Dans ces moments-là, je me demande si je mérite mon salaire ».
« En fin d’année scolaire, l’autonomie est acquise mais fragile et mériterait d’être reprise dans les niveaux supérieurs, l’ambiance est calme, les relations apaisées entre les élèves, il n’y a pas de stress quant aux contrôles. Les élèves découvrent un intérêt à ce qu’ils font et comprennent pourquoi ils se trompent. »
Propos recueillis par François Jarraud