« Moi aussi ça m’a déstabilisée. J’ai du trouver une autre posture ». Nouvelle formule pour Sophie Guichard. Cette jeune professeure de mathématiques du lycée Branly de Lyon, a créé plus de 1 500 vidéos qui couvrent les programmes de seconde et de BTS. Un travail colossal qu’elle pense maintenant maitriser et dont elle tire parti avec les élèves. Elle présente son projet le 4 décembre au 8ème Forum des enseignants innovants.
« L’outil qui m’a aidé depuis 2011 et qui m’a accompagnée dans la mutation de mes pratiques pédagogiques, fut l’usage de la vidéo avec mes élèves du lycée et post-bac », nous a dit S Guichard. « En effet, faute de trouver des supports intéressants et adaptés, j’ai décidé de me lancer dans la création complète de courtes séquences vidéos visant à stimuler la compréhension et la mémoire visuelles. Mon métier a pris alors une nouvelle dimension, un second souffle, où une nouvelle créativité a fleuri ». Après des tâtonnements, S Guichard a mis au point sa formule de cours avec vidéo qu’elle appelle « la classe numérique ».
Comment s’organise la classe numérique ?
La progression des différents chapitres est découpée en micro-chapitres, ordonnés sous forme de progression spiralée afin de pouvoir revenir régulièrement sur les différentes notions rencontrées, en les approfondissant progressivement. Le micro-chapitre est présenté par une structure de cours à trous à compléter ainsi qu’une fiche d’exercices. Il est distribué, version papier, sous forme de livret. Tout le cours, dans la mesure du possible, est entièrement monté en vidéos.
Au début de chaque cours, pendant environ 5 minutes, 5 petits questions maximum sont posées au tableau afin de vérifier des éléments basiques de la fois précédente ou de notions antérieures types (par exemple : identités remarquables, calcul mental…) Les élèves notent succinctement les réponses sur une feuille. Une correction est donnée au tableau à la fin des 5 minutes. Ce temps permet d’ancrer des formules simples, et des applications basiques, ou de faire des rappels régulièrement. C’est un bilan facile et rapide pour faire prendre conscience aux élèves de leur niveau par rapport à ces fondamentaux. On passe ensuite à la correction d’exercice au tableau.
J’expose alors une ou deux notions clés sur lesquelles la grande majorité des élèves vont travailler. Il permet aussi de donner différents angles d’approche et de montrer différentes évocations mentales. A la fin de ce temps, les élèves peuvent prendre une photo du tableau avec leur Smartphone, ou recopier ce qui a été créé en l’illustrant avec de la couleur sur leur cahier.
On passe alors au travail en autonomie. Un plan de travail de la séance avec des objectifs à atteindre est exposé au tableau. Les élèves sont ensuite invités à reprendre là où ils en sont, soit sur la structure de cours, soit sur la fiche d’exercices en fonction du plan de travail de la séance du jour. Lors de chaque séance (cours ou TD), les élèves travaillent dans une salle informatique contenant 20 ordinateurs, donc au moins un ordinateur pour deux élèves. Chacun est libre de se placer où il le souhaite.
Ils s’appuient sur la vidéo du jour. Ce sont des séquences courtes (4 minutes maximum) portant sur une seule notion de cours (définition, propriété, exemple, théorème) ou sur une question d’exercice afin de maintenir l’attention le plus longtemps possible. Mon désir est de produire facilement et efficacement des supports de qualité. Toutes mes vidéos sont donc retouchées et annotées. J’ai choisi de ne pas apparaître sur les vidéos. Refaire un cours comme en classe ne me paraît pas pertinent. En effet, si j’étais apparue sur les films, ce type de montage aurait donné des séquences plus saccadées.
En quoi ça aide les élèves ?
Les élèves apprennent à leur rythme et à leur façon. C’ets particulièrement important en BTS où il y a de forts écarts de niveau entre les élèves. L’hétérogénéité est mieux prise en charge.
Durant la phase d’autonomie, je suis complètement disponible pour les élèves. Ils peuvent me solliciter pour que je vienne les aider, les débloquer. Si personne n’a besoin de moi, je peux alors circuler auprès de chacun, pointant des éléments importants lors la rédaction d’un exercice, insistant sur des critères de rigueur, de présentation, donnant des consignes, renvoyant à des vidéos antérieures si des lacunes récurrentes sont remarquées.
Ma place a changé, je ne suis plus toujours au centre, actrice et meneuse. Je deviens également soutenante et accompagnatrice. Les élèves sont alors au coeur du processus. Ils investissent pleinement leur formation en devenant acteurs de leurs apprentissages, chacun à son rythme, chacun avec son bagage. Leurs témoignages confirment qu’ils se sentent plus respectés dans leurs besoins, dans leurs apprentissages. L’ambiance de classe s’est transformée, plus détendue, plus studieuse ! Des formes de coopération se sont développées. Chacun élabore différentes stratégies de visionnage, une autre forme d’autonomie.
Comment c’est pris par votre entourage professionnel ?
Les parents sont très contents que leur enfant puisse travailler à son rythme. J’invite les parents à utiliser les vidéos avec leur enfant. Par cotre je regrette que l’Education nationale ne m’aide pas à développer mes vidéos.
Mais si on regarde l’enthousiasme et la gratitude des élèves, l’ouverture qu’apporte ce projet, la possibilité d’exploiter durablement la matière déjà créée comme une banque de donnée, le bilan est plus que positif. C’est pour cela que je suis toujours motivée, enthousiaste et que je continue encore cette année à créer encore et encore et à penser mes cours différemment.
Ce n’est pourtant pas le remède miracle. Les élèves ont globalement progressé de 1 ou 2 points de moyenne. Mais l’atmosphère de la classe et mon rôle ont été transformés.
Propos recueillis par François Jarraud