Comment faire face à un événement aussi terrible que les attentats ? Véronique Vinas et Véronique Rivière sont toutes deux directrices d’école dans les quartiers populaires du nord parisien, à quelques centaines de mètres des fusillades. V. Vinas dirige une école maternelle à la Goutte d’or et V. Rivière une école élémentaire rue Pajol. Toutes deux ont entamé le processus collectif nécessaire pour aider au mieux les enfants lundi matin entre bienveillance, sollicitude et psychologie.
Comme en famille
« C’est comme en famille. Depuis hier on n’arrête pas d’échanger des SMS ». Le téléphone, Véronique Vinas ne l’a guère lâché depuis hier. La directrice et ses enseignantes échangent des nouvelles. Il y a de quoi : une professeure habite dans une des rues où les fusillades ont eu lieu. Il s’agit de se rassurer. « On s’envoie des mails », explique Véronique Rivière. « On avait beaucoup échangé au moment de Charlie et on continue ». « Ca permet de prendre de la distance avec les événements », nous confie-t-elle. « On accueille mieux les enfants une fois qu’on a vidé notre sac entre nous ».
Dans ces réseaux Rep, la communication dépasse le noyau enseignant. « J’ai pris des nouvelles des parents délégués », me dit V Vinas. L’inspecteur du secteur s’est enquis de la santé des enseignantes et a transmis des documents pédagogiques à leur demande.
Retour à la normale
« Lundi notre objectif premier ce sera de rassurer », explique V. Rivière. « Il va falloir laisser dire les inquiétudes. Certains de nos enfants viennent de pays en guerre et ils en ont gardé beaucoup d’insécurité affective. Ici les enfants ont l’habitude de parler », précise-t-elle. Un précédent article a présenté les « papothèques » de cette école. A l’école maternelle la consigne st la même. « Je ne sais pas si toutes les enseignantes feront parler les enfants mais la consigne st claire : si un enfant en parle il faut le laisser dire », explique V Rivière. Après Charlie, les enfants de l’école Pajol avaient utilisé l’écriture, le dessin pour sortir leurs émotions et V Rivière pense encore utiliser tous ces supports.
« Il ne faut pas croire : ça ne vas pas se faire en un jour, explique V Rivière. Il va falloir des journées pour que les sentiments sortent. Les enseignantes sont bien armées pour repérer aussi les silences lourds de sens ». Ce n’est qu’après ces expressions que les enseignantes passeront à la discussion de type philosophique avec les enfants.
« Il est important que les enfants fassent comme d’habitude », explique V. Rivière. « Il faut que l’école continue. Ca rassure beaucoup les enfants de voir que le travail reprend ».
Faire communauté
Dans ces deux écoles Rep l’accueil des parents est un moment important. « Ici les parents entrent dans l’école », explique V Rivière. « Lundi je ne pourrai pas les laisser entrer du fait des consignes de sécurité. Il va donc falloir que je sorte sur le trottoir pour les accueillir ». La grande inquiétude c’est que les fusillades changent le lien avec les parents. « Après Charlie, les femmes voilées ne sont plus venues au cours de français pendant deux semaines », explique V Rivière. « On en a discuté avec elles. Elles pensaient que ce n’était plus possible ». A la Goutte d’Or, le prochain café des parents parlera bien sur de ce qui a été fait en classe suite aux attentats. Pas question que les terroristes divisent la communauté éducative.
François Jarraud