» Le « design curriculaire » dont les programmes nouveaux sont le fruit résulte plus de ce qu’on nommera.. un « bricolage » curriculaire, inventif et prudent à la fois, bien informé des pratiques, des théories, des résultats disponibles, mais sensible aussi aux forces idéologico-politiques qui, quelquefois, figent notre société dans des postures inactuelles ». Yves Chevallard a participé a un groupe de travail préparant les nouveaux programmes de mathématiques de l’école et du collège. Il revient dans le bulletin de la Commission française pour l’enseignement des mathématiques sur cette expérience.
Yves Chevallard détaille l’organisation de la fabrication des programmes en saluant sa transparence mais en dénonçant le fait qu’elle a finalement » contenu dans des limites resserrées l’évolution de type « curriculaire » que craignaient certains contempteurs de la réforme… Le manque criant de recherches approfondies et spécifiques en matière proprement curriculaire, ainsi que la relative faiblesse de la culture partagée en ce domaine, n’ont pas permis de satisfaire pleinement aux exigences théoriques, technologiques et techniques de ce qu’on aurait pu appeler un travail d’ingénierie curriculaire », dit-il.
Si pour lui les programmes « concrétisent une avancée sensible… plusieurs des contraintes traditionnelles en matière curriculaire n’ont, à cet égard, pas bougé d’un iota après la démocratisation-massification de l’école au cours du XXe siècle. Si novateurs soient-ils, ces programmes relèvent ainsi de ce que j’ai appelé ailleurs le paradigme de la visite des oeuvres, où l’on désigne une succession d’oeuvres (ici, mathématiques) que les classes devront visiter docilement, sans que les raisons d’être de ces oeuvres – et les raisons de les visiter – apparaissent clairement ».
Pour lui, » l’obsession aristocratique et grand-bourgeoise de l’utilité formative transcendante est constamment résurgente, au détriment de l’utilité inhérente, d’ascendance populaire et savante à la fois. À quoi sert donc ceci ou cela ? La question peut, certes, être posée ; mais la réponse n’a guère d’importance dans le paradigme de la visite des oeuvres, où c’est la valeur formatrice transcendante supposée, et non les connaissances positives acquises puis désapprises, qui compte vraiment ».