Comment expliquer l’extraordinaire réussite scolaire des enfants d’enseignants ? Alors que le système scolaire accentue les inégalités sociales, les enfants d’enseignants y tracent leur route mieux que les enfants des cadres supérieurs. Evidemment il y a la possession de capitaux scolaire, social, mais surtout culturel et économique. Des études ont déjà montré la connivence culturelle avec le monde scolaire et même un style éducatif particulier plus en adéquation avec les attentes et les normes du monde scolaire : argumentation, dialogue, négociation plutôt qu’imposition, autocontrainte plutôt que contrainte. Mais Muriel Letrait (Paris Descartes) et Fanny Salane (Paris Ouest) ajoutent un nouvel ingrédient. Dans un nouveau numéro d’Economie et statistiques elles publient une analyse de la répartition du temps familial chez les enseignants en la comparant à celle des salariés diplômés.
Pour elles, « les enseignants sont plus souvent et plus longtemps présents à leur domicile que les autres diplômés du supérieur, et consacrent globalement plus de temps à leurs enfants que ces derniers. Si on compare les hommes entre eux, et les femmes entre elles, le fait d’être enseignant entraîne une augmentation du temps consacré aux enfants les jours travaillés. Pour les femmes, ceci est vrai quel que soit le type de temps étudié. Pour les hommes, ceci est constaté uniquement pour le temps voué aux jeux et à l’instruction ». Pour les deux sexes, « le temps moyen par jour (travaillé ou non) dédié aux enfants est plus élevé pour les enseignants que pour les diplômés non enseignants. La différence existe surtout en présence d’au moins un enfant âgé de zéro à six ans dans le foyer, le temps étant alors supérieur d’une demi‑heure pour les enseignants alors que la différence est de l’ordre d’une dizaine de minutes quand tous les enfants ont plus de six ans ».
Est-ce à dire que les enseignants ignoreraient le schéma classique qui veut que l’éducation des enfants revienne aux femmes ? Pas vraiment. « La profession d’enseignant n’apparaît cependant pas remettre en cause l’inégale répartition sexuée des tâches liées aux enfants. Les hommes enseignants sont plus disponibles et participent plus aux activités de jeux et d’instruction les jours de travail que les femmes diplômés non-enseignantes, mais les femmes, enseignantes ou non, sont toujours celles qui consacrent le plus de temps aux activités de soins et d’accompagnement, quel que soit le type de jour étudié. »