Comment rendre l’école plus inclusive ? Lors de l’Université d’automne du Snuipp, du 16 au 18 octobre, Sylvie Cèbe et Serge Thomazet ont montré que l’école inclusive est d’abord une exigence collective. Pour Serge Thomazet l’école inclusive est une école qui permet à chaque élève d’apprendre et d’avoir une scolarité réussie, une école adaptée à chacun, une école ordinaire pour tous. S’adapter aux besoins de tous les élèves, c’est permettre à ceux qui présentent un handicap lourd, notamment mental ou psychique, de suivre une scolarité en milieu ordinaire. L’école inclusive doit donc disposer de services d’accompagnement et de services spécialisés pour aider ces élèves et leurs maîtres qui ne pourront pas la faire seuls. L’école inclusive nécessite tout autant des adaptations structurelles et organisationnelles que pédagogiques.
Un projet pour l’école, un projet collectif
« L’école inclusive ne peut se construire que collectivement » insiste Serge Thomazet. C’est l’affaire d’une équipe. Il faut questionner le fonctionnement et l’organisation de l’école et repenser les collaborations. L’enjeu est de passer de mondes historiquement dissociés (école, familles et structures spécialisées) à la formation d’un espace inter-métier, pour pouvoir se parler et collaborer. Par exemple des élèves avec handicap ont besoin de soins et d’éducation spécialisée en plus de l’enseignement. La coopération est alors nécessaire avec les professionnels du secteur médico-social pour que l’enfant ne soit pas tiraillé entre projet scolaire, éducatif et thérapeutique. La coopération avec les enseignants spécialisés est aussi indispensable pour que des élèves en grande difficulté ou avec un handicap mental puissent fréquenter leur classe de référence tout en recevant l’enseignement dont ils ont besoin. Toutes ces coopérations peuvent permettre notamment de travailler ensemble à résoudre des problèmes, de partager un même vocabulaire, d’échanger pour construire de nouvelles réponses, de se rassurer, de faire son métier en répondant à l’extrême hétérogénéité des classes.
Des pistes pédagogiques et didactiques particulières
L’école inclusive ne concerne pas que les élèves en situation de handicap (3 à 4% des élèves) mais tous les élèves à besoins éducatifs particuliers. Des élèves en situation de handicap suivent une scolarité tout à fait ordinaire, quand d’autres élèves peuvent éprouver des difficultés semblables à celles d’élèves en situation de handicap. C’est une entrée par les besoins et non par les symptômes que propose l’école inclusive.
Pour Sylvie Cèbe, il faut d’abord abandonner la logique de l’individualisation qui rend le métier d’enseignant si difficile, et penser une action pédagogique utile à plusieurs élèves voire à tous. Pour illustrer cette idée, la chercheuse décrit un scénario pour des élèves avec des troubles importants des fonctions cognitives, où pour d’autres qui ont du mal à raconter une histoire. Elle présente un travail réalisé en GS et en CLIS autour d’un album, « Gruffalo ». Les élèves apprennent à construire une représentation mentale, à se rappeler et reformuler les idées principales du texte pour les mémoriser, mais aussi à travailler les compétences lexicales et narratives, dans le cadre d’un apprentissage intensif et explicite. Il s’agit aussi de s’interroger sur les pensées des personnages et, avec l’aide de l’enseignant, d’expliciter. Pour apprendre à raconter, un travail sur des maquettes sur lesquelles les élèves déplacent des figurines/personnages est proposé, des jeux théâtraux, des passages par le dessin. Ces aides, qui font se représenter physiquement et vivre corporellement l’histoire, peuvent se révéler déterminantes . Les réponses pédagogiques sont au cœur du processus inclusif, pour la réussite de tous.
Formation continuée pour répondre aux besoins particuliers pédagogiques et didactiques des équipes, formation conjointe et temps pour travailler avec les partenaires, conditions matérielles pour organiser le travail comptent parmi les leviers qui pourront favoriser l’émergence d’une école inclusive, un projet pour l’école.
Pierre Gerarni
15ème Université d’automne du Snuipp : le DOSSIER
Serge Thomazet est maître de conférences en sciences de l’éducation. Il enseigne à l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education à l’université Blaise Pascal de Clermont-Auvergne et est membre du laboratoire ACTé. Ses travaux portent sur la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers et sur l’évolution des différents métiers qui, ensemble, peuvent permettre à l’école de devenir véritablement inclusive. Depuis 2011, il est responsable d’un master «Scolarisation et besoins éducatifs particuliers» qui offre aux enseignants, aux professionnels du médico-social, et aux étudiants une spécialisation sur la question de l’école inclusive.
Sylvie Cèbe est maîtresse de conférences en sciences de l’éducation. Elle enseigne à l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation à l’université Blaise Pascal de Clermont-Auvergne et est membre du laboratoire ACTé. Une partie de ses travaux porte sur les besoins particuliers des élèves présentant une déficience intellectuelle et sur les pratiques d’enseignement les plus capables d’y répondre, dans le domaine du développement langagier (oral et écrit). Elle est co-auteure de plusieurs manuels scolaires.