La dictée ? C’est utile. Les notes ? Pas inutiles. Les évaluations par compétences ? C’est bien aussi… Ces dernier temps, la ministre de l’Education semblait vouloir faire plaisir à tout le monde. D’où une communication qui rayonne très large, radieuse en somme. Deux exemples.
On attendait beaucoup la décision de la ministre sur l’évaluation des élèves. Comprenez, en langage grand public, sur les notes. Arguant de fuites en haut lieu, les « antis », partisans de leur suppression ou au moins de leur limitation, pensaient que leur heure avait enfin sonné. Les pros, eux, se tenaient prêts à bondir.
Auberge espagnole
Najat Vallaud-Belkacem a fait durer le suspense. Comme si elle avait voulu, jusqu’à la dernière minute, sentir l’humeur du moment – un sondage (1) commandé par le ministère pour le ministère a montré in extremis qu’une majorité de Français soutenaient l’évaluation des compétences des élèves.
Le 30 septembre, la décision est tombée (2), type auberge espagnole. Je m’explique :
– les profs qui veulent continuer à mettre des notes le peuvent – une nette majorité au collège, une petite minorité en primaire.
– les profs qui n’en mettent plus peuvent continuer aussi.
– tous devront en plus évaluer leurs élèves sur des compétences (savoir organiser son travail, réaliser des observations, accéder à l’information…).
L’espoir de l’amorce d’un virage
Les deux systèmes cohabitent donc: notes par matières et appréciations plus générales des acquis. Les anti-notations, adeptes du « Socle commun de connaissances, de compétences et de culture », le bagage que tout élève doit posséder en fin de collège, voient là l’amorce d’un virage. Les plus compréhensifs se disent qu’après la réforme du collège, la ministre ne pouvait se permettre d’ouvrir un autre front.
Pour les pros, pas emballés ou hostiles au socle, le pire a été évité. On garde des notes, on enseigne des disciplines – tout n’est pas interdisciplinaire. Et les élèves apprendront mieux.
Pratique pour ceux qui déménagent
Najat Vallaud-Belkacem, qui fut deux fois porte-parole, a fait montre d’une grande habileté. Dans sa communication à large spectre, elle a évité de s’appesantir sur les notes. Histoire de ne pas nourrir une polémique qui aurait pu s’embraser.
Elle a préféré souligner le côté pratique des choses. Le nouveau livret scolaire, désormais unique du CP jusqu’à la troisième, sera ainsi bien pratique pour les gens qui déménagent. Pas faux.
Autre gros avantage vendu par la ministre. Simplifié, le livret sera identique sur tout le territoire. Et là, on a appris qu’à certains endroits en France, il comptait jusqu’à 50 pages ! Un mieux, incontestablement.
La dictée quotidienne obligatoire
Second exemple de cette communication radieuse : les nouveaux programmes scolaires. Après l’annonce de la première mouture, ceux d’histoire avaient déchaîné les passions (françaises). Cette fois, ça s’est focalisé sur la dictée, en bonne partie à cause de la ministre.
Le 18 septembre, jour de l’annonce des programmes, Najat Vallaud-Belkacem claironne que les élèves feront désormais « une dictée quotidienne » (3). Problème : ça n’est écrit nulle part dans les textes. Plusieurs syndicats enseignants protestent. Et demandent des explications.
Là encore, la ministre a voulu plaire au plus grand nombre. Aux parents, souvent inquiets des fautes d’orthographe de leurs enfants. Aux « déclinistes » aussi, qui trouvent que le niveau baisse et que l’on n’apprend plus aux enfants à lire, écrire, compter.
La dictée quotidienne non obligatoire
Le 24 septembre, Najat Vallaud-Belkacem apporte des « clarifications » aux syndicats mécontents. Le programme du cycle 2 (CP, CE1, CE2) prévoit « des activités de lecture et d’écriture quotidiennes », souligne-t-elle dans un courrier. Et elle ajoute que « de courtes et fréquentes dictées de syllabes ou de mots » sont, « notamment », importantes pour maîtriser « les relations entre l’oral et l’écrit ».
On apprendra qu’une consigne de maths, par exemple, dictée par l’enseignant-e- à sa classe, fait parfaitement l’affaire. Nous voilà loin de la dictée quotidienne.
Oubliée, la réforme du collège
Durant toute cette « séquence » – pour reprendre la langue de la com’ en vogue dans les ministères -, on n’a pas dit un mot de la réforme du collège. Présentée et adoptée avant l’été, elle doit être mise en place à la rentrée 2016. Mais elle est loin de faire l’unanimité.
Pour réclamer son retrait, une intersyndicale – constituée notamment par le Snes-FSU, le Snalc, FO, la CGT et Sud – appelle à une manifestation nationale le samedi 10 octobre.
Interrogée lors de sa conférence de presse de rentrée, Najat Vallaud-Belkacem a martelé qu’elle ne reculerait pas et qu’elle avait l’année pour convaincre. Elle a tout intérêt à jouer le temps et à miser sur l’usure des protestataires. En tout cas, cela ne devait pas assombrir une communication aussi radieuse.
Véronique Soulé
(1) http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=3146
(2) http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/09/30092015Article635792187398376294.aspx
(3) http://cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2015/09/18092015Article635781841829357582.aspx