Désormais, chaque réunion matinale se termine par une séance de rire « Santé mentale » dans notre petite-moyenne section. La première fois, le fou-rire collectif a surgi, impulsé par Yasmine et Leyla, suivies de près par Noa1.
Leyla, d’origine Kurde, ne parle pas français. Elle a eu la chance de découvrir, pour sa première entrée en collectivité, une bonne copine. Mieux, une amie. C’est simple, alors qu’elles ne se connaissaient ni d’Eve ni d’Adam, au lendemain de la rentrée, elles sont tombées dans les bras l’une de l’autre. Dès lors, elles sont toujours fourrées ensemble, assises côte à côte en réunion, choisissant les mêmes ateliers, se baladant main dans la main en récréation.
Yasmine a une santé fragile due à des problèmes gastriques de naissance. D’origine maghrébine, ses grands-parents s’étaient expatriés en France en quête d’une vie meilleure. Tout comme, aujourd’hui, les parents de Leyla ont eu pour seule option de s’exiler pour fuir la guerre.
Le troisième larron, Noa, de grands yeux bleu-azur éclairent son visage enfantin. Il a quitté, avec son père, les USA où ils vivaient jusqu’au décès subit de la maman par AVC, il y a un an. Après un séjour parisien, Noa vient de s’installer à Marseille en quête d’un climat mieux adapté à ses bronches.
En ce début d’année scolaire, la troisième réunion fut donc interrompue par un fou-rire généralisé et entretenu par le trio. Leur rire tonitruant s’est communiqué comme une traînée de poudre à tout le groupe assis en cercle. Même les adultes n’ont pu résister ni au rire en cascade de Yasmine et Noa, ni à la grimace d’hilarité de Leyla. Nous avons tous ri de bon cœur jusqu’à épuisement de l’envie ou du besoin de rire. Comme nous nous sentions bien après cette thérapie collective spontanément improvisée par Yasmine (3 ans 3 mois), Leyla (2 ans 9 mois) et Noa (3 ans 2 mois). Comme cela a donné force intégrative à Leyla qui, bien que ne maîtrisant pas la langue française, a accepté, au huitième jour d’école, de prendre la parole en réunion pour dire quelque chose au groupe dans sa langue !
Maintenant, lorsqu’elle arrive en classe, Leyla est pleine d’assurance, et c’est sur le pas de la porte qu’elle signifie à sa maman de partir immédiatement, par un au revoir de la main et un sourire rassurant. La maman, légèrement déconcertée, me lance un regard complice, notre seul mode de communication car nous ne disposons d’aucune autre langue commune.
Depuis, nous terminons toutes nos réunions matinales par un fou-rire collectif. Après avoir distribué la parole à chaque enfant, je l’accorde au trio en lui demandant de nous faire rire. Et ça part au quart de tour. Une façon de commencer la journée bon pied bon œil. Bien à l’intérieur de soi et heureux d’être avec les autres.
Jean Astier
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1 Les prénoms sont des pseudonymes