Par Antonina Bourbier
Souvent, lorsque nous parlons de l’enseignement, nous évoquons compétences, techniques, activités en classes, nouveautés didactiques. Cependant, ce ne sont pas de nouvelles méthodes de langue qui font que l’apprentissage soit réussi et actuel, ce sont les gens qui y contribuent : professeurs, élèves, étudiants. Ce sont eux, les acteurs essentiels de l’enseignement. Cette année, nous avons décidé d’aller à leur rencontre et, donc, de les interroger sur leurs motivations d’enseigner ou d’apprendre le russe. Ces « pourquoi » et « comment » nous aideront, nous l’espérons, à mieux nous comprendre et à mieux travailler ensemble. La première rencontre de cette série est celle avec Natalia Robine, enseignante de russe en lycée dans l’académie de Toulouse. Dans l’entretien, elle nous dévoile son parcours et parle de son métier au quotidien.
Dans cet entretien Natalia Robine, enseignante de russe en lycée dans l’académie de Toulouse, nous parle de son parcours et de son métier au quotidien.
Natalia Robine, vous êtes professeur agrégée de russe au Lycée Saint-Sernin à Toulouse, quel cursus avez-vous suivi pour exercer ce métier?
– Tout d’abord, j’ai fait mes études supérieures en Russie, c’était une formation spécifique pour les futurs enseignants de langues vivantes, j’avais choisi le français et l’anglais. Ensuite, en France après avoir réussi le concours d’agrégation de russe et dans le cadre de mon année de stage, j’ai suivi la formation à l’ESPE de Paris s’adressant aux enseignants stagiaires.
Avez-vous toujours voulu enseigner le russe ?
– Non, au départ je me destinais à enseigner le français langue étrangère, et c’est le métier que j’ai pu exercer de 1999 à 2003 en Russie. Seulement à mon arrivée en France je n’ai pas pu trouver d’emploi en tant qu’enseignante de FLE, ce qui me rendait très triste. A partir de 2005-2006, j’étais amenée à faire de petites vacations en russe et j’ai trouvé ce métier passionnant, voilà pourquoi en 2010-2011 je me suis présentée à l’agrégation de russe (mais je ne l’ai eue qu’en 2013).
Est-ce difficile d’enseigner votre langue maternelle ?
– Effectivement, la première année de mon lectorat, j’ai trouvé que ce n’était pas très évident d’enseigner sa langue maternelle, surtout pour les débutants. C’est pour cette raison que je m’étais inscrite moi-même en cours d’allemand et d’italien pour débutants, afin de me mettre dans la peau de mes élèves.
Pourquoi aimez-vous enseigner la langue russe ?
– D’une part, j’adore voir les élèves progresser et pouvoir se débrouiller tous seuls dans une langue dont ils ne savaient encore rien il y a peu de temps et qu’ils considéraient une langue impossible à apprendre. Puis il y a le plaisir de transmettre, à travers la langue, la culture et l’histoire du pays qui est le mien.
Avez-vous toujours été professeur en lycée?
– Non, loin de là. Avant, j’ai été lectrice et chargée de cours à la faculté. Ensuite, après la réussite au concours, j’ai enseigné pendant un an au collège. Et c’est ma première année au Lycée.
Vos premières années d’enseignement ont-elles été difficiles?
– J’ai trouvé difficiles la toute première année d’exercice en Russie et aussi l’année de stage en France.
Quels sont les avantages et les inconvénients de votre métier ?
– Parmi les avantages je citerais le côté créatif de ce métier : comme on travaille avec les êtres vivants on a beau programmer, prévoir, il y a toujours une bonne partie d’enseignement qui se crée dans le contact même avec les élèves, en fonction de leurs intérêts, de leurs attentes, voire de leurs tempéraments. Ou autrement dit, on pourrait croire à une certaine routine qui peut s’installer d’une année à l’autre, mais en réalité pour moi l’enseignant est constamment amené à s’ajuster, à s’accorder de manière créative à ses élèves, et je trouve magique ce côté imprévisible du métier d’enseignant. Dans les inconvénients je mettrais la spécificité du russe qui connaît la disparition des postes et qui rend l’alliance « vie personnelle – vie professionnelle » assez complexe, du moins dans mon cas. Il y a aussi la remise en question constante (du moins pour moi une fois de plus) suite à ce qu’on peut voir auprès de nos élèves.
Quels conseils pourriez-vous donner à un étudiant qui envisagerait de suivre votre voie ?
– Je ne suis pas encore assez expérimentée pour pouvoir donner des conseils. Mais pour ceux qui se mettent juste sur cette voie, je rappellerais tout de même que c’est un métier qui demande de bouger, de changer de lieu de vie (en tout cas pour le russe), ce qui est non négligeable pour ceux qui ont déjà, comme moi, une famille. Et pour ceux qui peuvent avoir des doutes sur comment enseigner, je conseille de ne pas se limiter à la formation et d’aller voir les collègues, une expérience que j’ai énormément appréciée.
Quelles facettes de votre métier appréciez-vous particulièrement?
– Intérêt, enthousiasme des élèves après les cours réussis. Entendre les élèves parler une langue qui leur est étrangère.
Au contraire quels sont celles que vous n’appréciez-pas?
– Et inversement, l’ennui des élèves quand les cours sont moins réussis.
La situation avec l’enseignement du russe.
Parlons un peu de vos cours et de vos élèves. Tout d’abord, Pourquoi avez-vous décidé de venir dans cet établissement?
– A vrai dire, je ne connaissais pas du tout le Lycée Saint-Sernin et ce n’était pas vraiment une décision de ma part, mais la mutation : cette année c’était l’académie la plus proche de mon lieu de résidence (Gironde) et le seul établissement dans l’académie qui proposait un poste de russe. Mais finalement, malgré le contexte personnel un peu complexe, je suis heureuse de me retrouver dans cet établissement.
Aviez-vous eu le stress à votre premier cours?
– Cette année ? Un tout léger, ce n’est même pas un vrai stress, mais une sorte de trac devant l’inconnu. Mais j’étais aussi très curieuse de faire connaissance avec mes groupes d’élèves.
Est-ce que motiver les élèves est une chose difficile?
– Pour ma part, cela peut être difficile au milieu de l’apprentissage, quand les élèves n’ont plus l’enthousiasme du début, quand ils peuvent avoir l’impression que cela ne leur servira à rien ou encore quand ils ont l’impression de ne pas faire de progrès.
Comment réussissez-vous à intéresser vos élèves en cours ?
– Je ne suis pas sûre d’y arriver 😉 Sinon essentiellement à travers l’apport des éléments civilisationnels, culturels, me semble-t-il, ou encore en mettant en relief leur capacité de parler le russe, en les impliquant dans la réalisation des « tâches » ou des mini-projets.
Quel est le profil de vos élèves ?
– Cette année il s’agit des lycéens qui étudient le russe en LV2 et LV3 toutes spécialités confondues.
A quel niveau préférez-vous enseigner ?
– Difficile à dire, les débutants je pense, mais j’aime beaucoup aussi les élèves qui ont déjà un certain niveau, à partir du B1, et qui sont davantage dans les questionnements sur la langue, l’histoire, la culture.
Sur quel thème / sujet aimez-vous travailler en classe ?
– Je n’ai pas vraiment de thèmes préférés, je pourrais plutôt dire que j’aime travailler sur les thèmes qui plaisent bien aux élèves, mais cela varie énormément en fonction des classes : par exemple, j’ai adoré travailler le cinéma russe et soviétique avec l’une des classes, mais cela n’a pas du tout « pris » dans une autre classe.
Au contraire, y a-t-il des sujets que vous évitez ?
– La politique peut-être. Mais là encore, cela dépend des élèves : quand j’ai enseigné aux étudiants de l’IEP de Bordeaux, c’était au contraire le sujet que nous avons beaucoup travaillé.
Racontez-nous votre plus belle expérience Professeur-Elève.
– Quand les élèves me disent merci après le cours. Ou quand récemment un ancien élève m’a retrouvée pour me donner de ses nouvelles et dire qu’il travaillait en Russie actuellement, tandis que c’était un élève qui a pris le russe en débutant à l’Université seulement.
En un mot, comment définiriez-vous le métier de professeur de russe?
– Passionnant
Natalia Robine, merci beaucoup de votre disponibilité. Et bonne continuation !