» L’enseignement professionnel, depuis 2012, n’a pas été oublié et le gouvernement a introduit des changements d’envergure ». En célébrant, le 4 septembre à Lyon, les 30 ans du bac professionnel, N. Vallaud-Belkacem a annoncé plusieurs chantiers pour l’enseignement professionnel et tenté de convaincre de l’intérêt de son ministère. Mais l’enseignement professionnel reste bien le mal aimé de la rue de Grenelle. Ouvrir des chantiers ce n’est pas répondre aux urgences…
La communication en lieu et place de politique
» Je crois important de rappeler en quoi la voie professionnelle est essentielle à la France ». La ministre de l’éducation nationale a rappelé le 4 septembre sa fierté devant l’enseignement professionnel qui » permet de pourvoir la France en métiers professionnels dont elle a besoin ». Elle a crédité le gouvernement de la création des « campus des métiers », de rares nouvelles structures associant lycées professionnels, recherche et enseignement supérieur et entreprises sur des secteurs très spécialisés. La ministre a aussi annoncé ouvrir 5 chantiers sur les perspectives de l’enseignement professionnel, la 2de professionnelle, la formation des PLP, l’orientation en LP et la visibilité de l’enseignement professionnel.
Mais les seules mesures concrètes prises par la ministre c’est de la communication. Elle a annoncé des « journées portes ouvertes » des Lycées professionnels en janvier 2016, un concours vidéo et une exposition à Paris en mai 2016. Au total, la ministre n’avait rien de concret à proposer alors que l’enseignement professionnel doit relever au moins 4 défis d’importance.
A court d’idées sur le post bac
Le plus urgent c’est le devenir des bacheliers professionnels. N. Vallaud Belkacem a présenté l’enseignement professionnel comme étant la voie qui conduit « à une insertion professionnelle directe après l’obtention du baccalauréat professionnel », alors que la voie technologique serait la voie des études supérieures courtes et la voie générale celle des études supérieures longues. Cette vision des choses n’est plus vraie puisque la moitié des bacheliers professionnels souhaitent poursuivre après le bac. Vincent Troger a pu montrer, il y a déjà plusieurs années, que le bac professionnel était devenu une voie d’accès banalisée au supérieur. Ce sont les bacheliers professionnels qui font croitre les effectifs du supérieur. Ce sont eux aussi qui ont le plus fort taux d’échec dans le supérieur. La ministre déclare que » on ne peut pas se satisfaire du taux de réussite de 3% des bacheliers professionnels à l’université. D’un autre côté, on doit aussi pouvoir progresser sur le taux de réussite des bacheliers professionnels, de l’ordre de 50 %, dans les BTS. Il faut donc construire de vrais parcours de réussite pour les bacheliers professionnels ». Mais, après l’échec du projet de BPS, le ministère semble à court d’idées et de moyens pour résoudre cette équation qui n’est même pas correctement posée.
Le défi du décrochage
Le deuxième chantier n’apparait pas clairement dans le discours ministériel. On le devine dans l’annonce d’un chantier sur la seconde professionnelle. C’est le taux important de décrochage en bac professionnel depuis le passage au bac en 3 ans. La réforme a permis d’augmenter le nombre de bacheliers professionnels. Mais elle se traduit par des sorties sans qualification plus nombreuses. Le Snuep Fsu, le syndicat du professionnel de la Fsu, l’estime à un élève sur dix en seconde et encore un sur dix en première. « Pourtant on sait faire », nous a dit Jérôme Dammerey, co-secrétaire général. Le Snuep estime que l’enseignement professionnel n’a pas les moyens pour faire face à ces départs.
Pour la ministre, le problème est juste une question d’âge. Les élèves arrivent plus jeunes qu’avant et « peuvent se sentir perdus face à l’exigence de l’enseignement professionnel ; c’est une difficulté pour les enseignants qui doivent adapter leurs méthodes ; et ce n’est pas moins difficile pour les entreprises qui accueillent ces jeunes en formation ». En fait, ce que montre le Snuep c’est l’importance des orientations non désirées. Pour le Snuep au moins un lycéen professionnel sur trois est dans une filière qu’il n’a pas voulu. Le Snuep cite en exemple une classe de bac pro vente où o trouve des élèves qui avaient demandé boucherie, esthétique ou coiffure. Les rectorats inscrivent les élèves là où il y a de la place sans tenir compte de la demande. Pour le Snuep, cette situation génère de la souffrance, des tensions et du décrochage.
Quel bilan pour le bac pro ?
La ministre a annoncé la publication à l’automne du bilan de la réforme de 2009 qui a vu la bac professionnel passer de 4 à 3 ans. Pour le Snuep, la réforme a surtout dégradé les conditions de travail des enseignants et des élèves. Il apparait que certains bac professionnels sont particulièrement en difficulté. C’est le cas pour la bac GA et l’AASP qui feront l’objet de bilans spécifiques cette année. Globalement l’articulation CAP et bac professionnel n’est plus très claire. Ainsi les bacheliers AASP sont souvent obligés de passer un CAP pour avoir un emploi. D’après le Snuep, c’est la baisse du niveau du bac professionnel qui pousse aussi les bacheliers professionnels vers le supérieur. Les élèves sont conscients de ne pas avoir un niveau suffisant.
Les professeurs les moins formés pour les élèves qui ont le plus de besoins ?
Un troisième défi concerne la formation et la carrière des enseignants. La ministre a annoncé la création d’une indemnité annuelle de 300 euros pour les enseignants en CAP et en bac pro et son passage à 400 euros en 2016. Elle a omis de préciser que les enseignants des lycées généraux et technologiques bénéficient d’une pondération représentant environ 1200 euros par an, soit 4 fois plus… Elle a annoncé aussi l’ouverture d’un groupe de chantier pour la formation des PLP. Or le recrutement actuel des PLP est très particulier. Dans de nombreuses spécialités, selon le Snuep, il n’y a pas de formation en Espe. Actuellement 40% des PLP stagiaires sont dispensés de master et ne reçoivent aucune formation initiale. Ils sont envoyés directement en classe à temps complet. On envoie ainsi devant les élèves qui ont besoin d’enseignants spécialement formés, selon les mots de la ministre, des enseignants sans formation pédagogique. L’enseignement professionnel est aussi le secteur qui compte le plus de contractuels : environ 4 000 soit près de 10% des enseignants des lycées professionnels, un taux double de celui de l’Education nationale.
Des économies sur l’enseignement professionnel ?
Le dernier défi à relever pour le ministère c’est celui des moyens. L’enseignement professionnel a été la vache à lait du gouvernement précédent. Le passage du bac pro de 4 à 3 ans a aussi été instauré pour supprimer des moyens. Ainsi le nombre de PLP est passé de 66 000 en 2005 à 56 826 en 2012. C’est la catégorie d’enseignants qui a le plus baissé. Depuis 2012 il est remonté à 57 597. C’est la catégorie qui a le moins augmenté. Or le nombre d’élèves et en hausse rapide : + 5000 à cette rentrée, + 5000 en 2016. « I faut un plan d’urgence », dit le Snuep. La ministre répond en ouvrant des chantiers…
François Jarraud