« On va rentrer dans la boîte noire des chefs d’établissement ». L’ambition portée par Nathalie Mons, présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), fait suite au colloque sur la mixité sociale à l’Ecole. Le 1er septembre, le Cnesco rend compte d’une enquête délicate menée avec le Snpden, premier syndicat des chefs d’établissement, sur la constitution des classes. Une étude qui révèle plus en creux qu’ouvertement les conceptions et les divisions des chefs d’établissement face à la naissance de la discrimination scolaire dans les établissements.
La constitution des classes, un facteur majeur de discrimination
Que sait-on de la ségrégation construite par les établissements ? Longtemps pas grand chose. L’affectation dans les classes relevait de la cuisine du chef d’établissement. Rien ne filtrait. Jusqu’à ce que Son Thierry Ly et Arnaud Riegert travaillent sur la ségrégation scolaire dans plusieurs études réalisées pour la région Ile-de-France et, plus récemment, pour le Cnesco. Il sont montré l’importance de la ségrégation entre les établissements et aussi, c’est plus nouveau , dans les établissements. Ainsi, expliquent-ils que » La constitution des classes contribue essentiellement à la ségrégation scolaire », écrivent-ils. « En classe de troisième par exemple, la ségrégation sociale entre établissements est de 17 %, et la ségrégation entre les classes des établissements est de 5 points, soit un total de 22 %. Ainsi, un élève CSP+ va compter une part d’élèves CSP+ dans son établissement supérieure de 17 points à celle connue par un élève non-CSP+, et une part d’élèves CSP+ dans sa classe supérieure de 22 points à celle connue par un élève non CSP+, soit 5 élèves sur une classe de 25 ».
Ils en ont aussi montré les mécanismes. « Les chefs d’établissement utilisent les options. C’est par elles que les différences se créent. Déjà les options ne sont prises de manière égale par les élèves des différentes classes sociales. Les plus aisés prennent plus souvent le latin ou l’allemand par exemple. Il y a aussi le fait que les chefs d’établissement répartissent les élèves de manière inégale entre les classes. Il y a des lycées qui font des classes de niveau parfois en pensant que les bons élèves s’en tireront mieux s’ils sont entre eux. Parfois aussi les lycées anticipent sur le choix de fin de 2de et demandent dès la rentrée de 2de quelle filière l’élève suivra », nous a expliqué Son Thierry Ly.
Les principes et les actes…
Que nous dit la nouvelle enquête du Cnesco et du Snpden ? Administrée par le Snpden, l’enquête a touché 478 chefs d’établissement seulement. 93% d’entre eux estiment que la composition des classes a un effet important sur les élèves. Mais seulement 5% débattent des critères de répartition avec le conseil d’administration. La constitution des classes reste chasse gardée des chefs d’établissement.
Ce que nous disent les chefs d’établissement c’est leur attachement à l’hétérogénéité des classes. 85% des chefs d’établissement jugent la constitution de classes socialement homogènes néfaste. 84% déclarent que les classes de niveau sont non pertinentes. Mais une majorité de proviseurs (56%) et un principal sur deux (44%) déclarent aussi que les enseignants ne préfèrent pas les classes hétérogènes pour le niveau scolaire. Une majorité est donc attachée aux classes de niveau…
Evidemment il y a là un écart entre les déclarations et les faits observés. L’enquête met aussi à jour cette situation en demandant aux chefs d’établissement si l’hétérogénéité affecte les résultats des enseignants. Un quart des proviseurs et un principal sur 7 estiment que les professeurs sont moins efficaces avec une classe socialement hétérogène. Seulement 20% jugent l’hétérogénéité culturelle positive.
En conclusion d’en entretien avec le Café pédagogique Son Thierry Ly nous disait » On dit aux chefs d’établissement de se préoccuper de cette question. Ils doivent mesurer la ségrégation sinon ils en produiront ». C’est tout l’intérêt de ce sondage que de mettre cette question sur la table même quand ça dérange.
François Jarraud
Le colloque sur la mixité sociale à l’école