Vincent Peillon avait prévenu : en éducation les changement sont longs. C’est bien ce que confirme le Rapport de performances annexé à la loi de finances 2014 que Bercy vient de publier. Basé sur les indicateurs officiels de la loi de finances, il jette un regard cru sur l’évolution du système éducatif. Trois ans après la Refondation, le constat est sans appel : l’École n’a pas changé.
Annexé à la loi de finances, le Rapport de performances doit permettre d’évaluer l’impact des mesures budgétaires sur certains indicateurs de réussite. Pour l’Education nationale c’est par exemple l’évolution des compétences en français et en maths à l’école primaire, le taux d’encadrement au primaire et au secondaire, le taux d’accès au brevet, au bac et en BTS des élèves défavorisés, la scolarisation des moins de 3 ans. Or le rapport montre surtout du sur place dans l’Education nationale.
Les moins de trois ans
Ainsi la scolarisation des moins de trois ans, un pilier de la « priorité au primaire », évolue très lentement. « La scolarisation avant l’âge de trois ans constitue une chance pour l’enfant, si elle se déroule dans des conditions adaptées à ses besoins », déclare le rapport. « Elle est développée en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé : 3 000 emplois supplémentaires doivent y être consacrés durant le quinquennat. D’ores et déjà, la coopération fructueuse entre l’État et les collectivités locales a permis d’observer une amélioration de la qualité éducative et pédagogique, ainsi que des conditions d’accueil. Cependant, le pourcentage d’enfants de moins de trois ans scolarisés, qui avait connu un recul considérable sous la précédente mandature, est resté stable en 2014 (11,7 %). De même, la cible prioritaire que constituent les enfants issus de milieux défavorisés n’est pas encore atteinte sur tout le territoire, parfois en raison d’une demande sociale inférieure aux ambitions des pouvoirs publics, particulièrement au sein des quartiers en difficulté ou dans certaines zones rurales. Le taux de scolarisation à 2 ans de ces enfants est de 20,6 %. Aussi, les actions visant à s’approcher au plus près de la cible nationale de 30 % d’enfants de moins de 3 ans scolarisés dans le réseau de l’éducation prioritaire doivent-elles être intensifiées ».
Pas de progrès pour l’écart de compétences entre les Éclair et les autres écoles
La réduction de l’écart entre les compétences des élèves scolarisés en éducation prioritaire et ceux des autres écoles est un autre objectif du système éducatif. Or force est de constater que els écarts restent énormes. « Pour ce qui relève de l’indicateur 1.1, mesurant la « Proportion d’élèves maîtrisant en fin de CE1 les compétences du socle commun », la proportion totale d’élèves maîtrisant la compétence 1 (maîtrise de la langue française) est en progrès (80,8 %) au regard de l’année 2011 – dernière année de réalisation connue – (77,4 %), mais demeure inférieure à la prévision 2014 (81,5 %) », note le rapport. « Dans le même temps, la proportion totale d’élèves maîtrisant la compétence 3 du socle commun (principaux éléments de mathématiques) est également en nette progression (81,9 %) par rapport à la valeur de 2011 (77,8 %), et elle est très proche de la prévision 2014 (82 %), ce qui est très encourageant si l’on considère que c’est traditionnellement un point de fragilité dans ce domaine… En ÉCLAIR, le réalisé est en-deçà de la prévision, même réactualisée, avec un écart de –5,1 points. L’écart avec le « hors éducation prioritaire » est de –24 points (59,4 % vs 83,4 %). Si, en mathématiques, l’amélioration des résultats est plus sensible (+1,6 point en ECLAIR et +0,3 en RRS par rapport aux prévisions 2014), l’écart des résultats avec le « hors prioritaire » reste néanmoins très important (-15,6 points en ÉCLAIR et -10,9 points en RRS) ». Globalement les progrès en terme de compétences ont bénéficié aux enfants des familles favorisées. C’est bien pour eux. Mais l’Éducation Nationale échoue à faire réussir les autres. Les écarts se creusent.
Des taux d’encadrement qui restent stables
Ces résultats ne sont pas sans rapport avec les taux d’encadrement des élèves. L’écart entre éducation prioritaire et non prioritaire est resté identique. Dans le premier degré, on comptait 23 élèves par classe en prioritaire et 24 dans le non prioritaire en 2012. En 2014, on retrouve ces deux valeurs. Dans le second degré l’écart entre prioritaire et non prioritaire était de 4 élèves en 2012. Il est de 3,9 en 2014… « Les réalisations 2014 montrent un écart de taux d’encadrement entre réseaux de réussite scolaire (RRS) et hors éducation prioritaire (EP) (-2,7) conforme à la prévision 2014 actualisée au PAP 2015, contrairement à celui constaté entre les établissements « Écoles, collèges, et lycées, pour l’ambition, l’innovation et la réussite » (ÉCLAIR) et hors EP (-3,9). Celui-ci est en deçà de la prévision volontariste (-4,5) fixée dans le cadre de la refonte de l’éducation prioritaire, mais l’impact des premières mesures mises en oeuvre dans le cadre des nouveaux réseaux d’éducation prioritaires (REP+) préfigurateurs à la rentrée 2014 devrait être perceptible lors du RAP 2015 ».
Le devenir des bacheliers populaires ne s’arrange pas
Déception aussi sur les poursuites d’études des bacheliers professionnels, un problème urgent qui se pose à l’Education nationale. « De nouvelles modalités de transmission des enseignements et d’accompagnement des étudiants sont désormais prévues dans l’enseignement supérieur pour les bacheliers professionnels et technologiques, qui doivent être bénéficiaires de pratiques pédagogiques adaptées et d’un encadrement soutenu », écrit le rapport. « Toutes les modalités d’accompagnement doivent être mobilisées pour favoriser la réussite de ces nouveaux bacheliers. Un recensement et une évaluation des différentes pratiques mises en place sont en cours de réalisation. Les réalisations 2014 (21,2 %) du taux de poursuite des bacheliers professionnels vers un BTS, conformes aux prévisions du PAP 2014 (21 %), sont cependant en retrait de 2,2 points par rapport à la réalisation 2013 (23,4 %). Celle-ci avait d’ailleurs donné lieu à une modification à la hausse de la prévision actualisée au PAP 2015 (25 %) ». Le rapport justifie ce recul par l’arrivée des candidats du bac pro « Accompagnement, soins et services à la personne » qui auraient accédé de façon importante directement à l’emploi. L’argument masque mal le peu d’intérêt pour ces bacheliers. Quant à l’accès des bacheliers technologiques en DUT, le rapport ne donne pas de données pour 2014.
Si le baccalauréat 2014 est marqué par de meilleurs résultats dans l’accès des élèves défavorisés du fait de l’aboutissement des bacs pros, le rapport semble ne pas voir le creusement des inégalités de genre. L’écart entre l’accès au bac des garçons et des filles était de 8 points en 2013, il est passé à 14 points en 2014.
Il reste quelques bonnes nouvelles comme la diminution de la proportion de jeunes sans diplôme et n’étant ni en emploi ni en formation. Les indicateurs de lutte contre le décrochage sont meilleurs qu’attendus. Mais globalement les objectifs de la refondation sont loin d’être atteints.
François Jarraud
Le document
http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/perfo[…]
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